Le détachement dans la fonction publique, et plus particulièrement dans la fonction publique territoriale, place le fonctionnaire hors de son emploi ou de son corps d’origine afin qu’il exerce des fonctions notamment au sein d’un organisme de droit privé (L. n° 84-53, 26 janv. 1984, art. 64). Le fonctionnaire est alors soumis aux règles régissant ces dernières, à l’exception des dispositions des articles L. 1234-9, L. 1243-1 à L. 1243-4 et L. 1243-6 du code du travail ou de toute disposition législative, réglementaire ou conventionnelle prévoyant le versement d’indemnité de licenciement ou de fin de carrière, ce qui rend possible l’application à son égard d’une grande partie des règles dont relèvent traditionnellement les salariés de droit privé. Cependant, le détachement prend nécessairement fin, quelle que soit sa durée, et s’achève par la réintégration du fonctionnaire dans son emploi ou corps d’origine (s’agissant de la fonction publique territoriale, V. art. 67, L. préc.) et par la perte du bénéfice des dispositions régissant la fonction exercée par l’effet du détachement. Cette réintégration porte-t-elle alors atteinte à la liberté contractuelle ?
L’interrogation, qui a, pour la première fois, fait l’objet d’une QPC, ne présente pas, selon la Cour de cassation, un caractère sérieux. Trois motifs sont expressément avancés. D’abord, le fonctionnaire est, aux termes de l’article 4 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, « vis-à-vis de l’administration dans une situation statutaire et réglementaire ». Ensuite, si le détachement est prononcé, en application des dispositions de l’article 64 de la loi du 26 janvier 1984, à la demande du fonctionnaire territorial, il doit être autorisé par la collectivité dont il relève pour la durée fixée par cette dernière.
Enfin, si le fonctionnaire est soumis, en vertu de l’article 66 de la même loi, aux règles régissant la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement et se trouve ainsi lié par un contrat de travail avec l’organisme au sein duquel il est détaché, il n’est pas dans une situation identique à celle des autres salariés employés par cet organisme. Quant à ses droits, en l’absence de renouvellement au terme prévue de son détachement de longue durée, ces derniers sont déterminés par les dispositions de l’article 67 de la loi du 26 janvier 1984 prévoyant de plein droit sa réintégration dans son corps ou cadre d’emplois et son affectation à la première vacance ou création d’emploi dans un emploi correspondant à son grade. La question manque donc en fait. Pour qu’il puisse éventuellement y avoir atteinte à la liberté
contractuelle, laquelle a été consacrée sur le fondement de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 (Cons. const. 30 nov. 2006, n° 2006-543 DC, cons. 29 ; GDCC, 15e éd., 2009, n° 46 ; AJDA 2007. 192 , note G. Marcou ; ibid. 473 ; ibid. 2006. 2437, chron. L. Richer, P.-A. Jeanneney et N. Charbit , note G. Marcou ; D. 2007. 1760 , note M. Verpeaux ; ibid. 1166, obs. V. Bernaud, L. Gay et C. Severino ; RFDA 2006. 1163, note R. de Bellescize ; ibid. 2007. 564, note A. Levade ; ibid. 596, chron. T. Rambaud et A. Roblot-Troizier ; 7 oct. 2011, n° 2011-177 QPC, cons. 6 ; AJDA 2012. 226 , note J. Tremeau ; ibid. 2011. 1928 ; D. 2012. 2128, obs. B. Mallet-Bricout et N. Reboul-Maupin ; 14 mai 2012, n° 2012-242 QPC, cons. 6 ; D. 2012, 2622, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2012. 796, note J. Bonnet ; Constitutions 2012. 459, chron. C. de Radé ; RSC 2012. 871, obs. A. Cerf-Hollender ), et, par conséquent, renvoi devant le Conseil constitutionnel, encore faut-il que le texte, objet de la QPC, donne lieu à l’exercice de cette liberté. Or, tel n’est pas le cas de la situation du fonctionnaire détaché puis réintégré. Il est, en effet, classiquement considéré que tout fonctionnaire dépend, dans ses relations avec
l’administration dans le cadre de laquelle il exerce ses fonctions, d’un statut, légal et réglementaire, et non d’un contrat, contrairement au salarié (A. Le Pors, Faut-il rapprocher les statuts d’agents publics et de salariés ? – Pour un statut des travailleurs salariés du secteur privé, RDT 2010. 144 ; C. Radé, Trentième anniversaire de la loi Le Pors : regard d’un privatiste, AJDA 2013. 1217 ). Cela explique, notamment, pourquoi le fonctionnaire ne peut contester la modification des règles relatives à sa rémunération (CE 26 juill. 2007, req. n° 255698 ; AJDA 2007. 2054) ni même l’octroi à son profit d’un avantage (CE 26 juill. 2007, n° 255698, Castel, Lebon ; AJDA 2007. 2054 ). Justifié par la mission de service public poursuivie par l’administration et les prérogatives exorbitantes dont elles disposent en conséquence (A. Le Pors, préc.), le statut du fonctionnaire rejaillit nécessairement sur le régime de son détachement. Bien que, dans la fonction publique territoriale, le détachement suppose la demande préalable du fonctionnaire (art. 64, L. 26 janv. 1984, préc.), il n’est accordé que sur décision de la collectivité (J.-Cl. Admin., fasc. 181-5 : Fonction publique – positions, temps de travail, congés, par J. Fialaire, n° 53), qui en détermine alors la durée initiale, courte ou longue, et peut, le cas échéant, révoquer le détachement avant son terme (art. 64, L. préc. ; art. 7 s., Décr. n° 86-68 du 13 janv. 1986 relatif aux positions de détachement, hors cadres, de disponibilité, de congé parental des fonctionnaires territoriaux et à l’intégration). À cela s’ajoute que, bien que le fonctionnaire soit soumis aux règles de la fonction qu’il exerce par l’effet de son détachement, ce qui peut lui rendre applicable, selon les cas, une partie du code du travail, il n’acquiert pas nécessairement la qualité de salarié auprès de l’entreprise qui l’accueille (contra J. Fialaire, préc., n° 60). Hormis les hypothèses expressément prévues par la loi (not. les gérants de succursales, V. C. trav., art. L. 7321-1 s.), la relation de travail n’est pas présumée et requiert la réunion des critères de qualification du contrat de travail. Ainsi, si, dans ses relations avec une personne morale de droit privé, le fonctionnaire détaché doit porter sa demande devant le juge judiciaire (T. confl., 20 juin 1994, n° 02862 ; 24 juin 1996, n° 03031, Préfet du Lot-et-Garonne, Lebon ; D. 1997. 275 , note Y. Saint-Jours ), la caractérisation d’un lien de subordination reste nécessaire (Soc. 19 juin 2007, Bull. civ. V, n° 105). En l’absence de contrat, la liberté contractuelle ne peut trouver à s’exercer. Et, quand bien même les relations du fonctionnaire détaché et de l’entreprise reposeraient-elles sur un contrat, voire sur un contrat de travail, le statut maintient son emprise. La position de détachement n’est qu’une parenthèse (J. Fialaire, préc., n° 57) et le détaché reste, avant toute chose, un fonctionnaire. Le détachement reste entre les mains de la collectivité, celle-ci ayant toujours la faculté d’y mettre unilatéralement fin, peu important la nature des relations liant le fonctionnaire et l’entreprise d’accueil. Cela démontre, une fois encore, la différence fondamentale qui sépare le fonctionnaire, même en position de détachement, et le salarié de droit commun (rappr. C. Radé, art. préc. ; V. égal. Soc., 11 juill. 2011, n° 11-40.031, AJDA 2011. 2199 ; D. 2011. 1975 ; RDT 2011. 566, obs. F. Debord ).