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QUEL JUGE DE L'URGENCE QUAND L'ADMINISTRATION EST A L'ORIGINE D'UN DANGER ?

Chapo
Le droit au respect de la vie étant une liberté fondamentale, le juge du référé-liberté peut intervenir lorsque l’action ou la carence de l’administration crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes.
Texte

Un litige de travaux publics a amené la section du contentieux à définir les possibilités d’intervention du juge administratif des référés lorsque l’action ou l’abstention de l’administration est à l’origine d’un péril. Dans un tel cas, le juge des référés peut être saisi soit sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative (référé suspension), soit sur le fondement de l’article L. 521-3 du même code (référé mesures utiles). Cependant, le droit au respect de la vie étant reconnu par cet arrêt comme une liberté fondamentale, le juge du référé-liberté (CJA, art. L. 521-2) peut également être saisi en cas de danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, dès lors que la situation permet de prendre des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures.

C’est d’ailleurs l’appel d’un référé-liberté qui, en raison de l’importance des questions posées, avait été renvoyé à la section. Le juge du référé-liberté du tribunal administratif de Paris avait ordonné la suspension de travaux de démolition sur la dalle des Halles de Paris, à la demande de la société H&M. Ces travaux avaient provoqué, le 20 septembre 2011, la chute de blocs de béton dans le magasin de cette société qui invoquait un danger pour la sécurité des employés et de ses clients.

La haute juridiction indique « que, pour prévenir ou faire cesser un péril dont il n’est pas sérieusement contestable qu’il trouve sa cause dans l’action ou la carence de l’autorité publique, le juge des référés peut, en cas d’urgence, être saisi soit sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de justice administrative, afin qu’il ordonne la suspension de la décision administrative, explicite ou implicite, à l’origine de ce péril, soit sur le fondement de l’article L. 521-3 du même code, afin qu’il enjoigne à l’autorité publique, sans faire obstacle à l’exécution d’une décision administrative de prendre des mesures conservatoires destinées à faire échec ou à mettre un terme à ce péril ; qu’il peut, en particulier, suspendre la mise en œuvre d’une action décidée par l’autorité publique et, le cas échéant, déterminer, au besoin après expertise, les mesures permettant la reprise de cette mise en œuvre en toute sécurité ».

Toutefois, l’intervention du juge du référé-liberté est possible mais dans des cas précis. Le Conseil d’État considère ainsi « en outre, que le droit au respect de la vie, rappelé notamment par l’article 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative ; que, lorsque l’action ou la carence de l’autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à cette liberté fondamentale, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par cet article, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser le danger résultant de cette action ou de cette carence ; qu’il peut, le cas échéant, après avoir ordonné des mesures d’urgence, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s’imposent et qui peuvent être très rapidement mises en œuvre ».

En l’espèce, la section estime que les conditions particulières d’intervention du juge du référé-liberté n’étaient pas remplies. En effet, elle constate qu’à la suite de l’incident du 20 septembre 2011, une nouvelle méthodologie de travaux a été élaborée, conformément aux préconisations de l’expert désigné par le tribunal administratif et validée par ce dernier. Elle juge que « l’ensemble de ces circonstances ne fait pas apparaître un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes et, au surplus, ne permet pas davantage au juge des référés de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai très bref ». L’ordonnance du juge du tribunal administratif de Paris est donc annulée.

par M.-C. de Montecler pour Dalloz - Brèves

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