Les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI) doivent-ils être lus à l'aune du principe de précaution ? C'est ce que semble admettre le Conseil d'Etat, qui a décidé qu'une "zone de précaution" est susceptible de devenir une "zone rouge", donc inconstructible, dans une affaire concernant l'Ile de Jatte jugée en décembre 2011.
Au-delà, cette décision pose la question de la force obligatoire d'un PPRI: générale et absolue, ou adaptable au cas par cas ?
En l'espèce, un particulier conteste le refus de permis de construire opposé par le maire de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine). Selon le maire, le terrain d'implantation des immeubles se situeraient en zone rouge du PPRI de la Seine.
Mais, selon le requérant, ce terrain n'est pas submersible, car il est situé à une cote supérieure à la cote de référence retenue par le plan, soit la cote maximale atteinte par le niveau des eaux lors de la crue centennale de 1910.
Marge d'incertitude
Dans un premier temps, le Conseil d'Etat rappelle le régime des PPRI: ces documents, élaborés à l'initiative de l'Etat, définissent des zones exposées à des risques naturels. A l'intérieur de celles-ci s'appliquent donc des "contraintes d'urbanisme importantes". Les PPRI ont pour effet de déterminer des prévisions et règles opposables aux personnes, publiques ou privées, au titre de la délivrance des autorisations d'urbanisme qu'elles sollicitent.
Dans un second temps, le juge constate que le PPRI litigieux a entendu préserver l'état des berges du fleuve et des îles, à la fois en raison des risques d'inondation auxquels elles sont exposées, mais aussi en vue de conserver des zones d'expansion des crues.
En outre, selon le juge, il faut tenir compte non seulement de la "marge d'incertitude qui s'attache nécessairement aux prévisions quant aux inondations qui résulteraient d'un événement de même ampleur" que la crue centennale de 1910, mais aussi des "changements de circonstances" intervenus depuis cette date et de leurs effets.
Dans ces conditions, rien ne s'oppose à ce qu'une même zone d'un PPRI regroupe des secteurs correspondant à une zone de danger, mais aussi d'autres secteurs correspondant à une "zone de précaution". En l'espèce, le refus du maire ne relève pas d'une erreur d'appréciation.
Sans doute faut-il voir dans cette lecture extensive des effets du classement d'un terrain en PPRI une conséquence des événements tragiques de La Faute-sur-Mer (Vendée). Mais pourra-t-on se passer d'un critère objectif comme celui du repère de la crue centennale ?