Un rapport "bâclé" et "dangereux" : Richard Vignon, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) réagit vivement aux propositions de la mission d'évaluation et de contrôle sur le financement des Sdis, rapport qui préconise notamment la création d'une nouvelle taxe et de donner les commandes aux départements.
Habitué des rapports chocs sur la sécurité civile, le député Georges Ginesta ne va pas améliorer ses relations avec les sapeurs-pompiers. Le rapport de la Mission d'évaluation et de contrôle (MEC) à laquelle il appartient pointe une nouvelle fois l'explosion des dépenses des Sdis (services départementaux d'incendie et de secours) et le corporatisme de la profession. Comment y remédier ? En en confiant les commandes aux présidents de conseils généraux et en indiquant le coût des Sdis sur la feuille des impôts locaux. Simple. Un peu trop même au goût de Richard Vignon, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF). Selon lui, le travail mené par Georges Ginesta (UMP) avec Bernard Derosier (PS), et Thierry Mariani (UMP) après quatre matinées d'audition "a été bâclé ou a servi de pur prétexte pour s'en prendre à la profession". "C'est comme si nous étions dans une salle de spectacle avec les secours qui se produisent sur scène et des élus pour qui ce spectacle est trop cher mais qui ont une méconnaissance totale de ce qu'il y a derrière le rideau", image-t-il.
Les conclusions des députés qui, il est vrai, s'apparentent souvent à une charge contre les syndicats, sont sans équivoques : les dépenses des Sdis ne sont pas maîtrisées. Elles auraient même explosé de 245% depuis 1996, date du début de la départementalisation. Mais le chiffre ne tient pas compte d'une donnée importante : le transfert de tous les budgets des communes dans celui des Sdis. De plus, durant toute cette période, les Sdis ont dû faire face à la remise à niveau des centres de secours et du matériel, à la réduction du temps de travail, la réforme de la filière, au déploiement du réseau de radiocommunications Antares, etc.
Des effectifs en forte augmentation
Reste que depuis 2001, avec la fin de la départementalisation, les dépenses ont continué d'augmenter de 45% alors que le nombre d'intervention n'a progressé que de 8,4%. Principal responsable : les dépenses de personnels qui, selon les députés, représentent 80% des budgets des Sdis. "Les sapeurs-pompiers tirent parti de la multiplicité de décideurs et s'appuient sur leur popularité auprès de la population pour pousser à la dépense", critiquent-ils, allusion aux nombreux conflits sociaux, dont le Var (la circonscription de Georges Ginesta) est coutumier. Les effectifs ont augmenté de 25% entre 1999 et 2007 quand le nombre d'interventions n'a augmenté que de 5%, soulignent ainsi les députés.
Pourtant, le diagnostic ne tient aucunement compte des dernières tendances. Celles d'un ralentissement de ces dépenses enfin amorcé en 2008 comme l'a récemment montré le cabinet Lamotte. Selon ce cabinet qui, chaque année, examine les dépenses des Sdis pour le compte des départements, 2009 devrait constituer une année charnière avec un amortissement des grands projets d'investissement et, surtout, un ralentissement de l'augmentation des dépenses de personnel à 3,7% par an, après.
Aujourd'hui, le budget global des Sdis est d'environ 4,2 milliards d'euros. Il est essentiellement financé par les départements (54%) et par les communes (46%). Pour Richard Vignon, "il est faux de dire que les secours coûtent trop cher en France". "74 euros par an et par habitant, c'est moins qu'en Allemagne et un peu plus qu'en Angleterre, pays qui pourtant n'assurent pas le secours à personne", rappelle-t-il.
"Un terrain de guerre entre l'Etat et les départements"
Opposé sur le constat, le colonel Vignon ne l'est pas moins sur les solutions avancées par les députés. Parmi leurs 38 propositions, ils demandent de donner un coup d'arrêt aux recrutements, de faire entrer les sapeurs-pompiers dans le droit commun de la fonction publique territoriale (aujourd'hui c'est la Direction de la sécurité civile qui fixe les règles, souvent en lien étroit avec la FNSPF), et surtout, de mettre un terme à la compétence partagée entre Etat et département pour "confier aux présidents de conseils généraux une responsabilité pleine et entière sur leur Sdis, tant pour la gestion qu'en matière opérationnelle". Ce qui nécessiterait de revisiter les pouvoirs de police réservés aux préfets et aux maires pour les étendre aux présidents de conseils généraux. L'action des préfets serait alors recentrée sur la coordination des secours en cas de crise et la coordination des Sdis avec les autres services publics (gendarmerie, police, Samu, CRS, etc.). "Les pompiers sont un terrain de guerre entre l'Etat et les départements sur l'acte III de la décentralisation. En réalité, je n'entends pas beaucoup d'élus pour revenir sur le principe de la compétence partagée qui a fait ses preuves et que la loi de la loi de modernisation de la sécurité civile du 13 août 2004 a conforté", analyse Richard Vignon.
Enfin, la fiscalisation de la dépense, mesure phare du rapport, n'est pas beaucoup mieux traitée par le président de la FNSPF. Les députés proposent d'indiquer le coût des Sdis sur la feuille d'impôts locaux des particuliers, comme cela se fait pour les ordures ménagères. Une proposition à laquelle Michèle Alliot-Marie, alors ministre de l'Intérieur, avait souscrit, le mois dernier, lors de la dernière audition des rapporteurs. Concrètement, le produit de ce nouvel impôt "viendrait, lors de sa création, en déduction des prélèvements des départements, des intercommunalités et des communes". "L'idée n'est pas forcément mauvaise, mais qu'est-ce qui nous prouve qu'elle va responsabiliser les Français ? Est-ce qu'elle ne va pas avoir l'effet inverse ?", se demande le colonel Vignon.
Alors que les députés avaient, lors de leurs auditions, annoncé un projet de loi pour l'automne, le président de la FNSPF est sorti "plutôt confiant" de son premier entretien avec le nouveau ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, lundi 13 juillet. "Un projet de loi serait particulièrement précipité et dangereux pour la protection de nos concitoyens... Or, j'ai cru percevoir que la loi de 2004 ne semblait pas être remise en cause."
Michel Tendil