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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Ces arrêts d’espèce illustrent des problématiques liées tantôt à l’environnement (permis de construire, catastrophe naturelle), tantôt au statut de l’agent public (droit aux congés spéciaux, accident de service).

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LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

 

Environnement

Permis de construire

L’Université Paris Diderot a signé avec le SAS Unicité, devenue Udicité un contrat de partenariat portant sur la construction de bâtiments universitaires. Un arrêté préfectoral du 28 avril 2010 a délivré un permis de construire. Ce permis a été contesté devant le Tribunal administratif de Paris.

Le tribunal a accueilli la demande en annulation des requérants.

La Cour administrative d’appel de Paris a confirmé le jugement en raison de l’insuffisance du dossier de sécurité. En effet, la juridiction d’appel a rappelé que « la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ». En l’espèce, l’absence de transparence sur le projet a entrainé l’irrespect de plusieurs réglementations.

Le Conseil d’État a approuvé le raisonnement des juges d’appel qui a constaté un certain nombre d’irrégularités.

En revanche, la Haute juridiction désapprouve les mêmes juges qui ont prononcé la nullité de l’arrêté. En effet, l’article L.600-5-1 du code de l’urbanisme autorise le juge administratif à inviter l’autorité publique, par le biais d’observations, à adopter un permis modificatif d’un lors que l’acte entaché d’illégalité est susceptible d’être régularisé.

L’autorité administrative avait pourtant modifié spontanément le permis de construire le 23 décembre 2013. Pour le Conseil, la juridiction d’appel qui a confirmé l’annulation a donc fait une mauvaise application dudit texte. Pour autant, il ne casse pas l’arrêt et il renvoie l’affaire devant cette dernière. (CE 22 février 2018, n° 389518)

 

Après s’être vu refusé auprès du maire de Bordeaux son recours gracieux tendant au retrait de l’arrêté municipal délivrant un permis de construire pour la réalisation d’un immeuble comprenant quatre-vingt-dix logements sur dix-neuf niveaux, le requérant a saisi, pour excès de pouvoir, le tribunal administratif en demande d’annulation.

Le Tribunal administratif de Bordeaux a donné raison au requérant. Il résulte des dispositions « destinées à assurer la sécurité des personnes contre les risques d'incendie et de panique dans les immeubles de grande hauteur sont fixées par les articles R. 122-1 à R. 122-29 du code de la construction et de l'habitation et par l'arrêté du 30 décembre 2011 pris en application de l'article R. 122-4 ». Par conséquent, les immeubles de 19 étages de plus de 50 mètres de hauteur, auraient donc dû soumis à cette réglementation, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

Le Conseil d’Etat ne remet pas en question le raisonnement du juge, qu’il approuve. En revanche, il reproche à ce même juge de n’avoir pas appliqué les dispositions des articles L.600-5 et L.600-5-1 du code de l’urbanisme. Ces textes offrent la possibilité à l’autorité administrative de remédier aux irrégularités, en invitant « les parties à présenter leurs observations ». En s’abstenant, le Conseil d’État n’a pu effectuer son contrôle. Le jugement est devenu irrévocable. (CE 6 décembre 2017, n° 405839)

 

ACTIVITÉS OPÉRATIONNELLES

 

Accidents liés à l’environnement

Inondations

Un couple a demandé au Tribunal administratif de Nantes de condamner solidairement la commune de la Faute-sur-Mer, l’État et l’association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL) à leur verser une indemnisation en réparation des préjudices subis suite à la tempête Xynthia en 2010.

Le tribunal a accueilli la demande. Il a constaté que « les conditions dans lesquelles le plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) avait été élaboré et en particulier les carences […] tant de la part de la commune que de l’État ».

La Cour administrative d’appel de Nantes a d’une part écarté l’exception de force majeure pour trois raisons :

-          Les experts ont estimé qu’une « probabilité loin d’être négligeable » pour une concomitance d’une forte dépression atmosphérique, de vents violents et d’un coefficient de marée élevé ;

-          Selon le dossier départemental sur les risques majeurs (DDRM), seule la commune Faute-sur-Mer du département était soumise à « trois risques naturels, l’inondation terrestre, l’inondation maritime et les feux de forêt » ;

-          Le diagnostic technique de la digue Est préconisait la mise en place d’un « dispositif d’alerte et de vigilance pour traiter les situations de crise en cas de conjonction d’une dépression et d’une forte marée ».

D’autre part, la juridiction d’appel a admis la responsabilité des personnes morales mises en cause.

Tout d’abord, les juges du fond ont retenu la responsabilité de la commune. En effet, même si lors de l’exécution de l’arrêté préfectoral de 2015 imposait à l’ASVL, propriétaire de la digue à ce moment, de deux études pour déterminer les risques et les travaux à réaliser, la commune a fait réaliser de son côtés deux diagnostics. Dans ces deux documents, l’un a révélé la zone vulnérable et l’autre les travaux à entreprendre. Une fois devenue propriétaire de la digue, la commune aurait dû effectuer ces travaux.

En parallèle, l’inaction de l’ASVL a été considérée comme fautive de nature à engager sa responsabilité. L’association aurait dû attirer davantage l’attention à l’égard des acteurs locaux « sur son incapacité à réaliser de tels travaux ».

Enfin, les juges ont également jugé que l’État, en tant que tutrice de l’ASVL, a commis une faute lourde « compte tenu de la connaissance fine qu'avait le préfet de la gravité des risques susceptibles de découler des caractéristiques techniques de la digue Est et de son état d'entretien, en ne clarifiant pas les compétences des deux associations syndicales et en n'exerçant pas son pouvoir de tutelle afin de faire réaliser les travaux d'exhaussement, le plus rapidement possible ». (CAA Nantes 19 juillet 2019, n° 18NT01529).

 

STATUTS DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE

 

Statut des sapeurs-pompiers professionnels

Droits et obligations

Un agent public a demandé au Tribunal administratif de Melun d’annuler la décision du 4 décembre 2015 par laquelle le SDIS de Seine-et-Marne lui a refusé une autorisation spéciale d’absence en vue de se rendre à une réunion de la commission exécutive de l’Union locale CGT de Melun et environs.

Par un jugement du 5 juillet 2018, le tribunal a annulé la décision contestée.

La Cour administrative d’appel de Paris a considéré, dans un premier temps, que l’action était recevable en dépit du fait que la réunion en question ait déjà eu lieu.

La juridiction d’appel s’est prononcé, dans un second temps, sur la légalité de la décision contestée. Elle a rappelé la législation en la matière. Ainsi, selon les dispositions de l’article 59 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, « des autorisations spéciales d'absence qui n'entrent pas en compte dans le calcul des congés annuels sont accordées : 1° Aux représentants dûment mandatés des syndicats pour assister aux congrès professionnels syndicaux fédéraux, confédéraux et internationaux et aux réunions des organismes directeurs des unions, fédérations ou confédérations dont ils sont membres élus. Les organisations syndicales qui sont affiliées à ces unions, fédérations ou confédérations disposent des mêmes droits pour leurs représentants (...) ».

Les juges du fond ont constaté « d'une part que l'Union locale CGT de Melun et environs avait une existence légale à la date du refus d'autorisation, d'autre part que la réunion en cause était celle d'un organisme directeur de cette Union locale CGT, et enfin que [le justiciable] en était membre ».

De plus, le requérant était membre d’une « union de syndicats locaux et non pas à un syndicat national ou local ».

Par conséquent, le refus opposé par le SDIS77 en application de l’article 17 est inopérant. La cour d’appel a donc confirmé le jugement. (CAA Paris 12 juillet 2019, n° 18PA02935)

 

 Accident de service

Un salarié est décédé des suites d’un arrêt cardiaque survenu au travail. Les proches de la victime ont demandé une indemnisation.

Par un arrêt rendu le 12 avril 2018 par la Cour d’appel de Versailles, les requérants ont été déboutés aux motifs que « l'enquête administrative de la caisse n'avait identifié aucune cause de stress professionnel important ; qu'au contraire, l'ambiance est qualifiée de très bonne, la victime étant décrite comme un homme très engagé professionnellement, très équilibré, chaleureux et souriant, à l'opposé d'une personne stressée ; que la réunion à laquelle la victime devait participer, qui avait à peine commencé, ne présentait aucune difficulté particulière, d'autant moins que les résultats devant y être présentés étaient bons et que rien ne permettait d'envisager que la victime puisse être mise, d'une façon ou d'une autre, en difficulté ; que les relations de la victime avec son nouveau supérieur, arrivé au mois d'août, étaient très constructives et le dialogue très ouvert, le management de ce dernier étant plus en adéquation avec la philosophie de la victime ; ».

La Cour de cassation a cassé l’arrêt et a rappelé les dispositions de l’article L.411-1 du code de la sécurité sociale : « l'accident survenu au temps et au lieu du travail est présumé être un accident du travail, sauf à établir que la lésion a une cause totalement étrangère au travail ».

En résumé, un accident de travail doit réunir deux conditions :

-          Le salarié doit avoir été victime d’un fait accidentel dans le cadre de son activité professionnel ;

-          Ce fait accidentel doit avoir entraîné l’apparition soudaine d’une lésion.

Mais dès lors que l’accident a eu lieu au temps et lieu du travail, la Cour de cassation a établi une présomption d’imputabilité, c’est-à-dire que l’accident au travail a pour effet de renverser la charge de la preuve quant au lieu entre l’accident et le contexte professionnel. Seule la matérialité des faits continue de reposer à la charge de la victime ou de ses proches.

Il s’agit d’une jurisprudence constante de la Cour de cassation : Soc. 12 décembre 2002, n° 01-20.516, 2ème Civ. 1er juillet 2003, n° 01-13433, 2ème Civ. 16 septembre 2003, n° 02-30009, 2ème Civ. 20 septembre 2005, n° 04-30332. (2ème Civ. 11 juillet 2019, n° 18-19160)

 

Le Conseil d’État a adopté une position similaire en matière d’accident de service.

Récemment, il a rappelé qu’une « maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service » (CE 13 mars 2019).

En l’espèce, une attachée territoriale a demandée au tribunal administratif la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un syndrome dépressif sévère médicalement.

La Cour administrative d’appel a rejeté la demande aux motifs d’une part que « la maladie de [la requérante] ne pouvait être regardée comme résultant exclusivement de la sanction d'exclusion temporaire de service » et d’autre part les procédures disciplinaires mises en place « ne révélaient pas de volonté délibérée de son employeur de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou d'altérer sa santé ».

Le Conseil d’État a approuvé partiellement le raisonnement des juges du fond. La cour a eu raison de « vérifier l'existence d'un lien direct de la maladie de [l’agent public] avec l'exercice de ses fonctions » et de déduire que « des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service ».

En revanche, la Haute cour a considéré que la juridiction d’appel a commis une erreur de droit en soulevant l’absence de volonté délibérée de l’employeur de « porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé » de son employé. L’arrêt de la cour d’appel a donc été cassé. (CE 13 mars 2019, n° 407795)

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