Présentation :
Les arrêts et décisions concernent principalement la légalité administrative : permis de construire, mesure d’éviction ou encore installations classées.
En fin d’année, la Cour des comptes a émis un référé concernant la mise à jour du contrat général interministériel en matière de sécurité civile, celui-ci a été rendu public récemment. Le référé n’est pas une décision de justice ; il s’agit d’une « communication adressée par le Premier président de la Cour des comptes à un ministre pour lui faire part des observations formulées par la Cour à l'issue d'un contrôle ».
----------
INSTITUTIONS
Contrôle de la Cour des comptes
Direction générale de la sécurité civile et la gestion des crises (DGSCGC)
La DGSCGC a fait l’objet d’un contrôle par la Cour des comptes en vertu de l’article L.111-3 du code des juridictions financières.
La Cour a émis plusieurs recommandations :
1° Elle a reconnu le rôle majeur de la DGSCGC dans le domaine de la sécurité civile. Néanmoins, elle a jugé nécessaire « d’actualiser le contrat général interministériel (CGI) pour permettre à la DGSCGC de mieux assurer, au plan interministériel, sa fonction de coordination des capacités et des investissements en matière de sécurité civile et de gestion des crises, ainsi que la programmation budgétaire qui en résulte ».
2° La Cour conseille, au regard de l’importance du CGI, d’enlever, du moins partiellement, son classement « confidentiel défense » « afin d’en faciliter le partage entre les administrations concernées [intérieur, outre-mer, écologie, développement durable, économie et finances, santé et agriculture] ».
3° La juridiction a proposé « de mandater le secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale pour assurer la réécriture et l’actualisation du contrat général interministériel 2015 à 2019 sur la période de 2020 à 2025, en y intégrant la dimension capacitaire et sa traduction budgétaire concernant la direction générale de la sécurité civile et la gestion des crises ».
LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE
Acte administratif
Permis de construire
Un particulier a contesté la légalité du permis de construire délivré par la commune d’Arnay-le-Duc qui a autorisé l’édification d’un laboratoire industriel à une société à responsabilité limitée.
Le Tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande en annulation du permis de construire.
Le requérant a interjeté appel. Il a invoqué plusieurs moyens qui ont tous été écartés par la Cour administrative d’appel de Lyon.
Celui-ci reprochait notamment que le dossier de demande de permis ne comportait pas l’ensemble des documents exigés en matière de sécurité.
Bien que « les plans de situation, de masse et de façades des constructions projetées ne mentionnent rien des conditions d'accessibilité des engins de secours, et plus particulièrement les largeurs des voies et les emplacements des baies d'intervention pompiers », le SDIS a indiqué que « l'établissement est accessible sur quatre façades par une rue ayant les caractéristiques d'une voie engin et qu'il comporte notamment trois sorties vers l'extérieur ».
De plus, le SDIS a mentionné « une résistance au feu du bâtiment satisfaisante ».
Les juges administratifs ont estimé, par ailleurs, que la société n’avait pas à accompagner sa demande de permis d’une justification du dépôt de la demande d’enregistrement ou de déclaration au motif que « la construction projetée [par la société] stocke une très faible quantité de matière bitumeuse, laquelle est en tout cas très largement inférieure ».
La requête a ainsi été rejetée.
(CAA Lyon 15 janvier 2020, n° 18LY03955, M. B… c/ commune d’Arnay-le-Duc)
Une société a obtenu un permis de construire pour la réhabilitation de l’hôtel Guerguy et la construction de quatre bâtiments à usage de résidence de tourisme à la suite du silence gardé par la commune de Théoule-sur-Mer à l’expiration d’un délai de deux mois.
Le Préfet des Alpes-Maritimes a demandé au juge des référés du Tribunal administratif de Nice « d'ordonner, sur le fondement des dispositions des articles L. 554-1 du code de justice administrative et L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales, la suspension de l'exécution de la décision » implicite du maire.
Le tribunal administratif a effectivement donné gain de cause au préfet.
La Cour administrative d’appel de Marseille a été ensuite saisie.
Le préfet a souligné l’irrégularité du projet au regard du plan de prévention du risque naturel incendie de forêt (PPRIF).
Ce projet « serait situé à une distance inférieure à 150 m d'un point d'eau normalisé ». De plus, il ne comporte pas « une voie périphérique répondant aux prescriptions de la zone B1 du PPRIF ».
C’est pour cette raison que « le SDIS a relevé, s'agissant de l'accessibilité aux véhicules de secours et de lutte contre l'incendie, l'absence de voie périphérique au contact du secteur rouge et, s'agissant de la défense extérieure contre l'incendie, l'absence de poteau d'incendie normalisé ».
L’article R.111-27 du code de l’urbanisme dispose que « Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales ».
Pour les juges du fond, « la circonstance que la SAS SOFERIM met le terrain à la disposition du SDIS pour des entraînements et que le projet prendra place sur des emplacements partiellement défrichés n'est pas de nature à faire regarder le projet comme ne portant pas atteinte au site et aux paysages naturels ».
Sans surprise, la requête de la société requérante a été une nouvelle fois rejetée.
(CAA Marseille 23 janvier 2020, n° 19MA05346, SAS SOFERIM c/ Préfecture des Alpes-Maritimes)
Un particulier a reçu l’autorisation de construire quatre logements et un local de rangement pour vélos sur le maire de Châlons-en-Champagne.
Un couple a saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne contre l’arrêté du 7 juin 2018 qui a accordé le permis de construire afin que celui-ci effectue un contrôle de légalité.
La demande a été rejetée. Les justiciables ont relevé appel. Plusieurs vices ont été soulevés parmi lesquels les voies ne seraient pas adaptées au passage de véhicules de secours.
Or, le procès-verbal de constat a fait ressortir « qu'il est possible, pour un véhicule de secours et d'incendie engagé dans l'impasse et qui voudrait accéder à la construction projetée, de faire ensuite demi-tour au niveau des places de stationnement situées devant cette construction ».
De même, « le service départemental d'incendie et de secours, consulté le 7 octobre 2019, a estimé que l'accessibilité du terrain […] ne posait pas de difficultés, les véhicules des pompiers pouvant accéder au terrain par [une autre rue], dès lors que le projet se situe à environ 70 mètres de cette voie ».
Par ailleurs, les juges du fond ont estimé, que « le projet litigieux nécessite un simple branchement aux réseaux publics existants ». Les demandeurs ne peuvent invoquer l’application des dispositions L.111-11 du code de l’urbanisme qui impose que « Lorsque, compte tenu de la destination de la construction ou de l'aménagement projeté, des travaux portant sur les réseaux publics de distribution d'eau, d'assainissement ou de distribution d'électricité sont nécessaires pour assurer la desserte du projet, le permis de construire ou d'aménager ne peut être accordé si l'autorité compétente n'est pas en mesure d'indiquer dans quel délai et par quelle collectivité publique ou par quel concessionnaire de service public ces travaux doivent être exécutés ».
(CAA Nancy 16 janvier 2020, n° 18NC02211, Mme et M. C… c/ commune de Châlons-en-Champagne)
Mesure d’éviction
Le 9 octobre 2019, la Préfète de Seine-et-Marne a mis en demeure une communauté des gens du voyage, installés illégalement sur un terrain appartenant à une société, de quitter les lieux.
Le Tribunal administratif de Melun a annulé l’arrêté préfectoral au motif que certaines communes sont tenues de mettre à disposition un terrain d’accueil des gens du voyage, et par conséquent, « le préfet ne peut mettre en œuvre la procédure prévue à l'article 9 de la loi du 5 juillet 2000 que si un arrêté interdisant le stationnement des résidences mobiles a auparavant été pris par le maire ».
Pour les juges de la Cour administrative d’appel de Paris, les premiers juges ont commis une erreur d’appréciation. En effet, la commune était en règle ; elle avait mis en place un schéma départemental d’accueil des gens du voyage. La préfète était donc bien compétente pour mettre en demeure les intéressés de quitter les lieux, d’autant plus que la décision prise était motivée. Il était « mis en avant l'absence de sanitaires et de branchement au réseau d'évacuation des eaux usées, le branchement sauvage à une borne incendie et au réseau électrique au moyen de rallonges qui traversent la cour du site empêchant la circulation des camions de la société nécessaire pour l'activité du site ainsi que l'installation sur la voie pompiers longeant les locaux ».
Le jugement du tribunal administratif a donc été annulé.
(CAA Paris 17 janvier 2020, n° 19PA03587, M. B… C… et autre c/ Préfecture de Seine-et-Marne)
Installations classées pour l’environnement
L’association environnementale s’est pourvue en cassation en vue de demander un sursis à exécution de l’arrêt de la Cour d’appel de Nantes qui a annulé le jugement.
Le Tribunal administratif d’Orléans a annulé deux arrêtés :
- L’arrêté du Préfet de la région Centre-Val du 4 février 2016 qui a délivré à une société une autorisation d’exploiter un parc éolien ;
- L’arrêté de la Préfète du Cher du 22 mars 2017 modifiant celui du 4 février 2016 qui autorise la société à déplacer deux éoliennes.
Le Conseil d’État a rejeté les arguments du justiciable qui invoquait à l’encontre de l’arrêt d’appel une dénaturation des faits et une erreur de droit « en estimant que les modalités selon lesquelles le pétitionnaire avait prévu de disposer de capacités financières suffisantes étaient pertinentes, a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis en estimant que la décision d'octroi de l'autorisation litigieuse avait été prise à l'issue d'un examen particulier de la demande et a commis une erreur de droit en jugeant que les nouvelles coordonnées de l'éolienne E3 devaient être mesurées par rapport à la base du mât ».
Par contre, ces mêmes juges ont reconnu que « la cour administrative d'appel de Nantes a commis une erreur de droit et dénaturé les pièces du dossier en estimant qu'aucun élément du dossier ne permettait de tenir pour établi que l'avis de l'autorité environnementale n'aurait pas été rendu dans les conditions d'objectivité et d'impartialité requises, apparaît sérieux et de nature à justifier l'annulation de l'arrêt du 5 avril 2019 contesté ».
Pour autant, l’arrêt en question n’est pas cassé « compte tenu des pouvoirs que la cour tient de l'article L. 181-18 du code de l'environnement pour permettre la régularisation des vices de légalité de l'autorisation d'exploiter et de ce que le vice en cause apparaît régularisable en l'espèce et en l'état de l'instruction ».
RESPONSABILITÉ
Responsabilité pénale
Partie civile
Un ouvrier viticulteur a allumé un feu de branchages et de petits morceaux. Insuffisamment éteint, un incendie s’est déclenché, détruisant sur son passage 68 hectares de bois, forêts, landes, maquis et parcelles de reboisement.
L’auteur de l’incendie a formé un pourvoi en cassation pour contester sa condamnation à verser une indemnité de réparation au SDIS qui s’était constitué partie civile en vue d’obtenir le remboursement des frais qu’il avait exposés pour lutter contre l’incendie.
La chambre criminelle a répondu par un attendu de principe au visa des articles 2-7 du code de procédure pénale et L.1424-42 du code général des collectivités territoriales :
« Il résulte de ces textes que les services départementaux d'incendie et de secours ne sont recevables à se constituer partie civile devant la juridiction de jugement en vue d'obtenir le remboursement des frais qu'ils ont exposés pour lutter contre un incendie que lorsque celui-ci est volontaire ».
Pour elle, la cour d’appel a fait une mauvaise application des textes visés en retenant la qualité de partie civile du SDIS au motif que ce dernier a justifié « de manière précise et détaillée l’étendue de son préjudice ».
L’arrêt d’appel a donc été réformé.
Cette solution n’est pas nouvelle et marque une réticence de la Cour à admettre la recevabilité de partie civile aux collectivités et administrations publiques.
Elle s’était prononcée de manière similaire à l’égard d’une commune qui s’était constituée partie civile suite à la procédure pénale enclenchée à l’encontre d’un de ses cadres pour des faits de harcèlement (Crim. 4 septembre 2019, n° 18-83480, commune de Bouchain c/ M. F… U… : cf. veille juridique n° 2019-15)
(Crim. 14 janvier 2020, n° 19-80.186, M. Q… Y… c/ Ministère public)