Présentation :
Une ICPE peut se définir comme « toute installation exploitée ou détenue par une personne physique ou morale, publique ou privée, qui peut présenter des dangers ou des inconvénients pour notamment la santé, la sécurité, la salubrité publique ou encore la protection de l’environnement ».
Peuvent constituer des installations classées, un dépôt, un chantier, une exploitation agricole, une usine, un atelier, une station-service, une installation de stockage des déchets, une carrière, un site industriel Seveso, une éolienne de plus de 12 mètres.
Les ICPE sont soumises à un régime qui varie en fonction du risque, voire du danger qu’elles peuvent générer (régimes d’autorisation, d’enregistrement ou de déclaration).
Le non-respect de la réglementation par l’exploitant entraîne des sanctions administratives et/ou pénales.
Une police spéciale des ICPE a été instaurée par le législateur et relève de la compétence du préfet (articles L.511-1 et suivants du code de l’environnement).
Il est de jurisprudence constante qu’en présence d’une police spéciale, les pouvoirs de police administrative générale du maire s’efface en l’absence de péril imminent.
Pour autant, le maire n’est pas totalement inactif. Il peut tout d’abord interpeller le préfet afin que celui-ci puisse user de ses pouvoirs. Il dispose ensuite d’un pouvoir de police en matière de déchets (article L.541-3 du Code de l’environnement), ce qui lui permet de lutter contre le dépôt de déchets sauvages. Enfin, le maire dispose de la faculté d’engager la responsabilité pénale des exploitants en cas de dysfonctionnements graves sur l’environnement.
Les quelques arrêts présentés ci-dessous ne représentent qu’un petit échantillon du contentieux de masse qu’engendre cette matière. Ce premier volet aborde uniquement la responsabilité administrative.
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Un riverain de la commune de Saint-Cyprien a fait installer sans autorisation sur sa propriété un plan d’eau. Après une mise en demeure restée lettre morte, le Préfet de la Corrèze lui a, par arrêté du 12 novembre 2015, ordonné le paiement d’une astreinte journalière de 10 euros jusqu’à satisfaction de cette mesure.
Le requérant a interjeté appel du jugement du Tribunal administratif de Limoges qui a rejeté sa demande tendant à l’annulation de cet arrêté.
Les juges d’appel ont pris le soin, à titre liminaire, de rappeler les dispositions relatives aux pouvoirs de police spéciale du préfet.
Ainsi, aux termes de l’article L.214-3 du code de l’environnement, « sont soumis à autorisation de l'autorité administrative les installations, ouvrages, travaux et activités susceptibles de présenter des dangers pour la santé et la sécurité publique, de nuire au libre écoulement des eaux, de réduire la ressource en eau, d'accroître notablement le risque d'inondation, de porter gravement atteinte à la qualité ou à la diversité du milieu aquatique, notamment aux peuplements piscicoles ».
Les juges ont ensuite donné raison au préfet lequel a estimé que « le plan d’eau appartenant [au requérant] était soumis à autorisation, en application de l’article L.214-1 du code de l’environnement, dès lors qu’il relevait des rubriques 3.1.1.0 et 3.1.2.0 de la nomenclature prévue à l’article R.214-1 du code de l’environnement ».
De plus, l’instruction a révélé à travers plusieurs éléments le caractère dangereux pour la sécurité de l’étang.
C’est la raison pour laquelle les juges ont confirmé le jugement de première instance. Pour eux, le préfet a correctement user de ses pouvoirs de police spéciale.
(CAA Bordeaux 26 novembre 2019, n° 18BX00560, M. B… A… c/ Préfet de la Corrèze)
Après l’arrêt de son activité de fabrique de matériel destiné principalement à l’électrolyse, la société Progalva a été mise en demeure par arrêté préfectoral du 20 septembre 1990 de remettre en état le site situé à La Chapelle-La-Reine.
Par plusieurs arrêtés successifs, le Préfet de la Seine-et-Marne a ordonné à l’encontre de la société Progalva le versement de trois sommes : une première liée au montant des travaux à réaliser pour remettre en état le site, une deuxième pour la réalisation d’une étude hydrogéologique et une troisième pour la dépollution du site en vue de l’élimination des déchets restant sur le site.
En 2012, la préfecture a ordonné le versement d’un complément au montant des travaux à réaliser pour la mise en sécurité du site suivi un mois plus tard d’un titre de perception du même montant.
La société a contesté la légalité de l’arrêté du 17 septembre 2012 ainsi que le titre de perception.
Le Tribunal administratif de Melun a rejeté sa demande tendant à l’annulation de ces deux actes.
La Cour administrative d’appel de Paris a jugé l’arrêté régulier et a donc récusé l’ensemble des arguments de la société requérante.
Tout d’abord, les juges d’appel ont écarté d’office le défaut de motivation en fait et en droit supposé de l’arrêté.
Ensuite, les juges ont rappelé les obligations qui pèsent sur l’exploitant : « Les articles L. 512-6-1 et L. 512-12-1 du code de l'environnement prévoient que lorsque l'installation est mise à l'arrêt définitif, son exploitant place son site dans un état tel qu'il ne puisse porter atteinte aux intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 et qu'il permette un usage futur du site au moins comparable à celui de la dernière période d'exploitation de l'installation mise à l'arrêt ». Cette obligation demeure même lorsque l’exploitant a cédé le site à un tiers.
S’il n’est pas contesté qu’entre 1984 à 1990, d’autres sociétés aient pu exploiter le site, cet état de fait n’a pas fait perdre la qualité d’exploitant à la société demanderesse.
De plus, celle-ci ne peut invoquer la vente d’une partie du site pour se dédouaner de ses responsabilités.
Enfin, la somme exigée au titre de la consignation est justifiée car elle est fondée sur le dossier établi par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME).
Concernant le titre de perception, celui-ci doit comporter un certain nombre d’éléments obligatoires. Les juges ont constaté en l’espèce que le titre en question n’avait pas été signé par l’ordonnateur désigné dans l’acte. Par conséquent, les juges ont accueilli la demande en annulation.
Le jugement a donc été annulé.
(CAA Paris 21 novembre 2019, n° 18PA03011, Société Progalva c/ Préfet de Saint-et-Marne)
Deux associations environnementales et des riverains ont sollicité le juge administratif en vue de l’annulation de l’arrêté préfectoral du 17 mars 2015 qui a autorisé une société à exploiter onze éoliennes et trois postes de livraison sur le territoire des communes de Champlay, Guerchy et Neuilly.
Par un jugement du 25 avril 2017, le tribunal administratif a rejeté leur demande.
La Cour administrative d’appel de Lyon a estimé que l’arrêté attaqué présentait un vice susceptible d’être régularisé. En application de l’article L.181-18 du code de l’environnement, elle a, par un arrêt avant-dire droit, sursis à statuer « dans l’attente de la production par le préfet de la région Bourgogne Franche-Comté d'une autorisation modificative en vue de régulariser l'arrêté du 17 mars 2015 ».
Le ministre chargé de l’énergie s’est pourvu en cassation.
L’article 6 de la directive européenne du 13 décembre 2011 oblige les Etats à désigner une autorité compétente pour « rendre un avis sur l'évaluation environnementale des plans et programmes susceptibles d'avoir des incidences notables sur l'environnement ».
En France, « l'autorité administrative de l'Etat compétente en matière d'environnement mentionnée à l'article L. 122-1 est le préfet de la région sur le territoire de laquelle le projet de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement doit être réalisé » (article R.122-6 du code de l’environnement).
Dans son arrêt rendu le 20 octobre 2011, la Cour de justice de l’Union européenne a considéré que si les dispositions de l’article 6 de la directive de 2011 « ne font pas obstacle à ce que l'autorité publique compétente pour autoriser un projet soit en même temps chargée de la consultation en matière environnementale, elles imposent cependant que, dans une telle situation, une séparation fonctionnelle soit organisée au sein de cette autorité, de manière à ce qu'une entité administrative dispose d'une autonomie réelle, impliquant notamment qu'elle soit pourvue de moyens administratifs et humains qui lui sont propres, et soit ainsi en mesure de remplir la mission de consultation qui lui est confiée et de donner un avis objectif sur le projet concerné ».
Au titre de ses pouvoirs de contrôle de conventionalité, le Conseil d’Etat avait annulé l’article R.122-6 par un arrêt du 6 décembre 2017.
Face au non-respect de la France de cette directive, le Conseil d’Etat a rappelé qu’il revient aux juges du fond d’en assurer la garantie. La Haute juridiction a précisé que « lorsque le préfet de région est l'autorité compétente pour autoriser le projet en cause, si la mission régionale d'autorité environnementale du Conseil général de l'environnement et du développement durable définie par le décret du 2 octobre 2015 relatif au Conseil général de l'environnement et du développement durable et les articles R. 122-21 et R. 122-25 du code de l'environnement peut être regardée comme une entité disposant, à son égard, d'une autonomie réelle lui permettant d'exercer la mission de consultation en matière environnementale, il n'en va en principe pas de même des services placés sous son autorité hiérarchique, telles les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement ».
En l’espèce, l’avis a été rendu par les services de la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Bourgogne, placée directement sous l’autorité du préfet de région et ne disposant pas de l’autonomie nécessaire.
Pour la juridiction suprême, il y a bien méconnaissance du droit européen justifiant le rejet du pourvoi.
Une association environnementale a demandé devant le Conseil d’Etat l’annulation partielle du décret du 6 juin 2018 modifiant la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE) en ce qui concerne diverses activités en relation avec la valorisation des déchets.
Pour l’association requérante, « le décret attaqué méconnaît les objectifs de la directive 2011/92/UE en ce qu'il soumet des activités relevant de son annexe II au régime de l'enregistrement prévu aux articles L. 512-7 et suivants, alors que l'examen au cas par cas de la nécessité d'une évaluation environnementale que comporte ce régime ne satisfait pas aux objectifs de cette directive, d'une part, parce que cet examen est effectué par le préfet par ailleurs compétent pour statuer sur la demande d'autorisation, d'autre part, parce ce qu'il ne prend pas en compte l'ensemble des critères définis dans l'annexe III de la directive, visant à déterminer si le projet d'exploitation doit faire l'objet d'une évaluation de ses incidences sur l'environnement ».
Pour les conseillers d’Etat, les dispositions issues du code de l’environnement ne contreviennent pas au droit européen cité plus haut.
Si la directive européenne du 13 décembre 2011 impose que l’avis soit rendu « par une autorité compétente et objective en matière d'environnement », elle ne fait pas obstacle à ce que le préfet soit compétent à la fois pour statuer sur la demande d’enregistrement effectuée au titre de la législation des ICPE et d’examiner au cas par cas les projets qui doivent être soumis à une évaluation de leurs incidences sur l’environnement.
De même, ce texte européen n’empêche pas le préfet de région de se prononcer « sur l'autorisation administrative requise pour le projet sous réserve qu'elle ne soit pas chargée de l'élaboration du projet ou en assure la maîtrise d'ouvrage ».
Par ailleurs, les juges du Palais-Royal ont estimé que ce principe de non-régression était respecté. Là encore, ce principe général du droit n’impose pas que les activités soient soumises à une évaluation environnementale de façon systématique.
Pour toutes ces raisons, il a été jugé que l’association demanderesse n’était pas fondée à contester la légalité du décret.
Les requérants ont saisi le juge administratif en vue de l’annulation des arrêtés préfectoraux des 24 juillets 2013 et 11 août 2015 qui autorisent « par renouvellement et extension, [une société] à exploiter une carrière de sables siliceux, de quartzite et d'argile sur le territoire des communes de Vallabrix […] et de Saint-Victor-des-Oules […] ».
Par un jugement du 22 novembre 2016, le Tribunal administratif de Nîmes a pris acte des désistements des conclusions des demandes dirigées contre l’arrêté de 2015, a annulé l’arrêté de 2013 et a autorisé, à titre provisoire, la société « à poursuivre pendant une durée de douze mois l'exploitation de la carrière afin de permettre la réalisation d'une nouvelle étude d'impact et la prescription par le préfet du Gard de nouvelles mesures compensatoires ».
Les juges d’appel ont énoncé le principe de référence : « Si, lorsque l'autorité administrative prend, pour l'exécution d'une décision juridictionnelle d'annulation, une nouvelle décision d'autorisation d'exploiter ayant un caractère provisoire, le recours dirigé contre cette décision juridictionnelle conserve son objet, il en va autrement en cas d'intervention d'une nouvelle autorisation définissant entièrement les conditions d'exploitation de l'installation et dépourvue de caractère provisoire, se substituant à l'autorisation initialement contestée ».
Et de conclure que « l'intervention de cette nouvelle autorisation, qu'elle ait ou non acquis un caractère définitif, prive d'objet la contestation de la première autorisation, sur laquelle il n'y a, dès lors, plus lieu de statuer ».
Ainsi, pour les juges administratifs, il n’y a pas lieu de répondre aux conclusions des parties.
La ville de Paris a obtenu un permis de construire en date du 17 décembre 2015 en vue de la réalisation de son programme qui comprend notamment une installation de collecte de déchets dangereux, soumise à déclaration.
Le 9 avril 2015, la mairie a reçu de la préfecture un récépissé « accompagné des prescriptions générales applicables à cette activité ».
L’association « Sauvons notre stade » a contesté cette décision préfectorale devant le Tribunal administratif de Paris lequel a rejeté ses conclusions.
Après la recevabilité d’intervention en appel de l’association France nature environnement, celle-ci a soutenu que les premiers juges du fond aient commis des erreurs de droit, « d'une part, en estimant que la voie d'accès à l'installation devait s'entendre de la seule rampe d'accès à celle-ci et, d'autre part, en jugeant qu'était inopérant le moyen tiré de l'incompatibilité de la configuration des voies d'accès à l'installation classée avec l'article UG 3.1 du plan local d'urbanisme ».
Or, pour les juges administratifs d’appel, « de telles erreurs n'affectent pas la régularité du jugement mais seulement son bien-fondé ».
Les juges d’appel ont apporté quelques précisions. Selon eux, « il résulte de ces dispositions qu'il appartient au préfet de délivrer le récépissé de la déclaration d'ouverture d'une autorisation classée faite auprès de lui, dès lors que l'installation relève bien du régime de la déclaration et que le dossier est régulier et complet ». Par conséquent, « il ne lui appartient pas en principe de s'assurer à ce stade que l'installation sera en mesure de fonctionner conformément aux prescriptions applicables dont il joint une copie au récépissé ».
Les juges ont ainsi rejeté un par un les arguments de la société requérante.