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Facturation des interventions sortant du cadre du service normal

Nom de l'expert
DESMATS
Prénom de l'expert
Edouard
Fonction de l'expert
CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Dans une jurisprudence du 11 mai 2022, le Conseil d’État est venu confirmer la possibilité pour la gendarmerie de facturer le service d’ordre assuré par ses soins au cours d’une manifestation organisée par une association. En l’espèce, la gendarmerie avait facturé la prestation à l’association qui a refusé de la payer. En effet, cette dernière estimait que le but non lucratif de la manifestation l’exemptait de ce paiement. En sus, elle mettait en avant l’absence de convention préalable à la manifestation et la nature de l’intervention.

Or, le juge va considérer qu’eu égard aux dispositions du code de la sécurité intérieure, la prestation pouvait être facturée. En effet, l'article L.211-11 du code envisage cette possibilité lorsque le service d’ordre de la manifestation est assuré par le concours des forces de l’ordre, indépendamment de la nature de l’événement. En sus, la nature de l’intervention et notamment le fait que les gendarmes présents aient sanctionné des infractions au code de la route, ne remet pas en cause la facturation. Si les gendarmes ont effectivement usé de leurs prérogatives de puissance publique, la facturation porte sur le service d’ordre assuré par la gendarmerie.

(CE, 5ème et 6ème ch. réunies, 11 mai 2022, Association Moto-Club de Nevers et de la Nièvre c/ Direction générale de la gendarmerie nationale, n°449370)

 

Dès lors, il convient de se demander si l’intervention de sapeurs-pompiers pourrait également faire l’objet d’une facturation et sur quel fondement.

 

Les missions des SIS sont définies à l’article L.1424-2 du Code général des collectivités territoriales, de manière restrictive. L’article L.1424-42 du même code ouvre la possibilité de facturer les interventions qui sortent du champs d’application de ce premier article. Cette facturation, présentée dans l’article comme une « participation aux frais » doit se faire « dans les conditions déterminées par délibération du conseil d’administration ». Il est donc essentiel que chaque SDIS assure la signature d’une telle délibération préalablement à toute facturation.

 

Par exemple, la délibération n°11 du conseil d'administration du SIS 67 du 16 décembre 2021 envisage les tarifs de chaque mobilisation de sapeurs-pompiers hors du cadre classique. Elle envisage notamment la facturation :

  • Des piquets de sécurité ;
  • Des interventions facturables (permettant d’envisager facilement tous les cas de figure en facturant la prestation au regard des moyens engagés) ;
  • Des mises à disposition de locaux ;
  • De certaines interventions « classiques » ;
  • De formations ;
  • De prestations spéciales pour les autres personnes publiques.

Ces différentes prestations sont directement rattachées à un prix. La délibération prévoit également une convention type pour assurer l’unicité de toutes les prestations de mise à disposition de moyens humains et matériels. Concernant le prix de la prestation, la convention type prévoit une évolution des prix en cas d’aléa.

 

Notamment depuis la loi MATRAS, l’article L.1424-42 du Code général des collectivités territoriales envisage encore directement trois hypothèses de facturation des activités des SIS :

  • Les interventions en cas de carence ambulancières, sur demande du SAMU ;
  • Les interventions sur le réseau routier et autoroutier concédé ;
  • Les mise à disposition de moyens au profit des SMUR.

 

Concernant les interventions sur la prescription du SAMU en cas de carences ambulancières[1], le récent arrêté du 22 avril 2022 modifiant l'arrêté du 30 novembre 2006 est venu fixer un tarif d’indemnisation national forfaitaire de 200 euros. Auparavant, les conventions entre SDIS et SAMU étaient départementalisées en fonction de trois modalités, rendant peu accessibles les tarifs réels.

Concernant les interventions sur le réseau routier et autoroutier concédé, le coût des interventions fait l’objet d’une convention. L’arrêté du 7 juillet 2004 pris en application des trois derniers alinéas de l'article L. 1424-4 du code général des collectivités territoriales propose une convention type pour les SDIS. Dès lors, le coût de l’intervention est facturé à la société d’exploitation autoroutière. Le droit encadrant cette possibilité n’a pas prévu de possibilité pour cette dernière de se retourner contre le tiers responsable de l’intervention.

Concernant la mise à disposition de moyens au profit des SMUR, le coût des interventions fait là-encore l’objet d’une convention. En fait, la loi « MATRAS » est venue consacrer la position jurisprudentielle antérieure en consacrant légalement les conventions d’appui logistique conclues entre les SDIS et les CH. Néanmoins, cette consécration risque de remettre en cause le recours aux sapeurs-pompiers, eu égard au coût qu’ils vont pouvoir représenter à terme pour ces établissements de santé.

 

En somme, il est possible pour les SDIS de facturer toutes les opérations qui sortent du champ prévu par l’article L.1424-2 du Code général des collectivités territoriales. Mais toute facturation devra préalablement être envisagée soit dans une délibération, soit dans une convention, selon les dispositions légales exposées.

[1] Notion définie à l’article L. 1424-2 du Code général des collectivités territoriales : « Les interventions effectuées par les services d'incendie et de secours sur la prescription du service d'aide médicale urgente, lorsque celui-ci constate le défaut de disponibilité des transporteurs sanitaires privés pour une mission visant à la prise en charge et au transport de malades, de blessés ou de parturientes, pour des raisons de soins ou de diagnostic, et qui ne relèvent pas de l'article L. 1424-2 sont des carences ambulancières. »

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