Dans le cadre du pourvoi en cassation introduit par le SDIS33 contre l'arrêt de la Cour des comptes du 23 mars 2017 - confirmant le jugement de la CRC du 28 septembre 2015 – ayant reproché aux comptables publics d'avoir procédé à 4 reprises au paiements d'indemnités horaires pour travaux supplémentaires (IHTS) et d'indemnités forfaitaires pour travaux supplémentaires (IFTS) sur le fondement de 4 délibérations du BCA, le Conseil d'Etat décide :
1. d'une part, d'annuler cet arrêt au motif que la Cour des comptes a commis une erreur de droit ;
2. d'autre part, de renvoyer l'affaire devant la Cour des comptes ;
3. enfin, de condamner l'Etat à verser au SDIS33 la somme de 3.000 € au titre des frais de procédure (article L.7761-1 du code de justice administrative).
1 - L'erreur de droit de la Cour des comptes
Le Conseil d'Etat censure l'arrêt de la Cour des comptes en se fondant sur les principes régissant la responsabilité des comptables publics et sur les articles L.1424-24 et suivants du CGCT relatifs à la délégation au Bureau du conseil d'administration.
Après avoir rappelé le type de contrôle que les comptables publics doivent exercer sur la production des justifications pour apprécier la validité des créances, le Conseil d'Etat juge que :
"sous réserve de ces obligations (...), il n'appartient pas au comptable, en principe, de vérifier la compétence des auteurs des actes administratifs fournis au titre des pièces justificatives de la dépense".
Le Conseil d'Etat réaffirme donc les limites du contrôle du comptable public dégagées dans son arrêt ENFA du 4 mai 2018 ayant précédemment jugé que si le comptable doit s'assurer que le signataire d'un ordre de payer a la qualité d'ordonnateur de la personne morale concernée - ou a reçu une délégation de ce dernier lui donnant qualité pour agir, il ne lui incombe pas en revanche "de vérifier la compétence de l'autorité ayant pris la décision qui constitue le fondement juridique de la dépense", le comptable public n'ayant pas, par ailleurs, le pouvoir de se faire juge de la légalité de la décision.
Le Conseil d'Etat articule les principes fondant la responsabilité des comptables publics avec les règles de fonctionnement des instances délibérantes du SDIS33.
S'appuyant sur l'article L.1424-27 du CGCT qui permet au Conseil d'administration de déléguer une partie de ses attributions au Bureau, le Conseil d'Etat juge que la Cour des comptes a commis une erreur de droit en relevant que "les délibérations du Conseil d'administration du SDIS fixant la liste des attributions déléguées à son bureau en matière de fonctionnement de l'établissement (...) ne pouvaient être regardées comme ayant donné compétence au bureau pour accorder les indemnités litigieuses".
Le Conseil d'Etat considère donc que la Cour des comptes ne peut faire grief aux comptables publics d'avoir méconnu leurs obligations en ne vérifiant pas si le Conseil d'administration du SDIS avait pu légalement donné compétence à son Bureau pour prendre les délibérations instituant les indemnités en cause.
2 - Le renvoi devant la Cour des comptes
Si le Conseil d'Etat évoque l'analyse détaillée des motifs et des dispositifs des délibérations du SDIS par la Cour des comptes, la Haute juridiction juge en droit et non en fait.
Le Conseil d'Etat renvoie donc l'affaire devant la Cour des comptes. Il ne fait pas droit à la demande du SDIS de régler l'affaire au fond au titre de l'article L.821-2 du code de justice administrative après avoir annulé l'arrêt de la Cour des comptes.
En effet, si le Conseil d'Etat considère que la vérification de la compétence de l'auteur de l'acte ayant engagé une dépense ne relève pas, en principe, des missions du comptable public, il n'applique pas ce motif au cas d'espèce du SDIS dès lors que celui-ci "implique l'appréciation des circonstances de fait".
Cette solution est conforme à la position du Conseil d'Etat qui renvoie en principe les affaires devant la Cour des comptes lorsqu'il prononce la cassation de leurs arrêts.