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Compétence incendie et intercommunalité : le Conseil d'Etat rappelle le droit et entretient l'expectative vis-à-vis du législateur

Nom de l'expert
Morel Senatore
Prénom de l'expert
Audrey
Fonction de l'expert
Responsable LEDeSC - ENSOSP
Chapo du commentaire
Les rencontres juridiques des services d'incendie et de secours organisés les 6 et 7 juin dernier par le SDIS 49 avait prévu un atelier sur la clarification juridique du financement des opérations immobilières des SDIS : le jour même de l'atelier, l'arrêt Val de Garonne tant attendu du Conseil d'Etat venait d'être publié
Texte du commentaire

L'arrêt Val de Garonne était attendu. Les enjeux qu'il pouvait présenter avaient été évoqués lors du colloque sur l'intercommunalité et les SDIS en juin dernier à l'ENSOSP dont les actes ont été publiés dans la revue Perspectives (Perspectives, 2013-09, p. 35-55). Le Colonel RIGAUD et M. Laurent FORNER du SDIS 47, respectivement directeur et directeur administratif et financier, ainsi que M. Philippe PASQUET, directeur général des services de l'EPCI en question, avaient présenté ce cas dont le dénouement jurisprudentiel devaient concerner plus d'un SDIS.
Les trois quarts des centres d'incendie et de secours (CIS) du SDIS nécessitent une reconstruction, un agrandissement ou une réhabilitation. Au vu de la masse financière que cela induit, le SDIS se saisi de la possibilité offerte par l'article L1424-12 du CGCT en assurant la maîtrise d'ouvrage de son plan pluriannuel immobilier. Un tiers du financement est pris en charge par le SDIS et un autre tiers par le Conseil général.
Le dernier tiers devait être réparti entre les communes défendue en 1er appel par le centre d'incendie et secours objet de l'opération. Ce dernier tiers pose problème, la charge financière étant trop importante pour certaines communes. Ces dernières souhaitent alors transférer le financement qui leur incombe à leur intercommunalité, plus puissante notamment avec la bonification des ressources accordées par l’État par le mécanisme instauré par le Législateur en 1999 (v. RIGAUD, FORNER et PASQUET, ibidem, p. 37-38).
Sur le fondement de l'article L. 5211-17 CGCT, le conseil communautaire de la Communauté de communes Val de Garonne demande alors une modification de ses statuts afin que lui soient transférées les compétences relatives aux contingents "service d'incendie et de secours" et les compétences relatives à la participation aux financement immobiliers des CIS couvrant le territoire de Val de Garonne par délibération du 30 juin 2009 notifiée le 3 juillet suivant aux communes concernées. Le transfert de compétences devant être prononcé par arrêté du préfet, son silence a fait naître une décision implicite de refus le 3 décembre 2009 confirmée expressément le 30 décembre suivant. La communauté de communes décide d'attaquer cette décision devant le TA de Bordeaux en vue de la faire annuler et d'enjoindre le préfet de prononcer ledit transfert de compétence.
En première instance, le TA de Bordeaux offre une lecture restrictive de la loi du 5 mai 1996 (TA Bordeaux, 28 déc. 2013, req. 0905029). Selon lui, la compétence qui a été dévolue au SDIS par cette loi peut n'être qu'opérationnelle, et ainsi partageable avec les communes qui "contribuent en vertu de l'article 1424-45 (...[ du CGCT]) au financement de ce service en ce qui concerne le contingent incendie et secours et peuvent apporter leur contribution aux investissements immobiliers des centres de secours". Il distingue ainsi la nature de la compétence de son financement. On pourrait retrouver, par analogie, cette distinction dans la jurisprudence administrative notamment depuis l'affaire du Bac d'Eloka (TC, 2 janv. 1921 Société Commerciale de l'Ouest Africain) entre la nature de l'activité de service public et sa gestion et/ou son financement.
Cette analogie n'est pas favorablement accueillie par la CAA de Bordeaux (25 oct. 2011 req. n°11BX00534). Pour le juge d'appel le Législateur de 1996 entend confier la gestion du service incendie et secours au SDIS. Puisque la communauté de communes Val de Garonne n'a pas été au nombre des EPCI qui ont détenu des compétences en matière d'incendie et de secours antérieurement à la promulgation de la loi du 3 mai 1996, et que la participation des communes au financement du SDIS, dépense obligatoire au sens de l'article L. 1424-35 du CGCT, ne constitue pas une compétence au sens de l'article L. 5214-16 du CGCT, susceptible de donner lieu à transfert au profit de l'EPCI, le jugement du TA doit être annulé.
La participation des communes au financement des rénovations immobilières des CIS mis à disposition des SDIS ainsi que le contingent du service incendie et secours sont-ils analysables comme une compétence transférable à un EPCI après la loi du 3 mai 1996 ? La question de principe posée par ce cas d'espèce intéresse de nombreux SDIS dont l'entretien des CIS nécessite un financement pluripartite. Val de Garonne Agglomération se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la CAA de Bordeaux, conduisant ainsi le Conseil d’État à se prononcer le 22 mai dernier (req. 354992 )sur la légalité du transfert de " compétences " relatives au " contingent service d'incendie et de secours " et à la " participation aux investissements immobiliers des centres de secours de Val de Garonne " (les guillemets sont utilisés par le Conseil d’État).
Après avoir rappelé, à l'instar des deux premiers juges, les dispositions de l'article L. 1424-17 du CGCT, la Haute juridiction attire l'attention sur l'article L. 1424-18 du même code : " Sur sa demande, la commune ou l'établissement public de coopération intercommunale ou le département peut se voir confier, par le service départemental d'incendie et de secours, la responsabilité d'une opération de grosses réparations, d'extension, de reconstruction ou d'équipement d'un centre d'incendie et de secours existant à la date de la mise à disposition. Cette opération doit avoir fait l'objet d'une décision préalable de financement de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunale ou du département. "
L'article L. 5211-17 du CGCT, sur lequel s'est fondé le conseil communautaire pour délibérer sur ledit transfert de compétence, ne peut s'appliquer que si les communes concernées décident d'utiliser la faculté que leur offre l'article L. 1424-18 du même code : une commune peut prendre en charge la maîtrise d’ouvrage de biens mis à la disposition du SDIS, puis, après décision préalable de financement de la commune, la transférer à l'EPCI dont elle est membre, quand bien même aucun transfert de compétence n'aurait été opéré avant la loi du 3 mai 1996. Il suffit au SDIS de décider de confier à chaque commune concernée cette maîtrise d'ouvrage.
On déduit de cette précision que seules les intercommunalités détentrices de compétences en matière d'incendie et de secours avant la loi du 3 mai 1996 peuvent se voir confier directement par le SDIS la responsabilité d'une opération de grosses réparations, d'extension, de reconstruction ou d'équipement d'un centre d'incendie et de secours existant à la date de la mise à disposition.
Il est par ailleurs à noté que ces dispositions législatives ne concernent aucunement les opération de construction.
"En revanche", le Conseil d’État rappelle l'interprétation stricte de l'article L. 1424-35 du CGCT : les contributions obligatoires de communes au budget du SDIS ne saurait s'analyser comme une compétence pouvant faire l'objet d'un transfert au profit de leur EPCI. Seul le législateur peut revenir sur cette prescription parfois éloignée des réalités territoriales et le Conseil d’État se garde bien d'adopter une approche empirique des faits dans sa décision.

Ainsi, et à la lecture du quatrième considérant, la " participation des communes au financement du SDIS ", au titre du " contingent " (dépense obligatoire) versé par les communes au SDIS doit être distinguée de la participation des communes aux investissements immobiliers des centres de secours transférés au SDIS permise dans le cadre l'article L. 1424-18 du CGCT. En omettant d'établir cette distinction, la CAA de Bordeaux a dès lors commis une erreur de droit, nécessitant que l'affaire lui soit renvoyée par le Conseil d’État. Toutefois, le résultat devrait rester le même : sauf respect des conditions posées par l'article L. 1424-18 du CGCT, la délibération litigieuse se verra sans doute annulée suivant le raisonnement posé par le juge suprême.

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