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Actualité jurisprudentielle

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Doctorante en droit public
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

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CONSTITUTIONNALITE

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Le Conseil constitutionnel a été saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) relative à l'article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime lequel prévoit l'élaboration des chartes d'engagements départementales dans le cadre de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques.

Il a déclaré ce texte inconstitutionnel ; il approuve ainsi les requérants qui soutenaient que la disposition contestée méconnaissait l’article 7 de la Charte de l’environnement. L’article 7 dispose que « Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement ».

La juridiction constitutionnelle considère, d’une part, que « dès lors qu'elles régissent les conditions d'utilisation à proximité des habitations des produits phytopharmaceutiques, lesquels ont des conséquences sur la biodiversité et la santé humaine, ces chartes ont une incidence directe et significative sur l'environnement ». Ces chartes qui constituent « des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement » doivent donc se conformer à l’article 7 de la Charte de l’environnement.

D’autre part, « le législateur a prévu une procédure particulière de participation du public », ce qui exclut de facto celle de l'article L. 123-19-1 du code de l'environnement. Cette participation particulière consiste en une concertation au niveau départementale qui se cantonne à ne réunir que « les seuls représentants des personnes habitant à proximité des zones susceptibles d'être traitées par des produits phytopharmaceutiques ».

(CC 19 mars 2021, n° 2021-891 QPC, Association Générations futures et autres)

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L’opposition parlementaire a saisi le CC contre la loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières. Cette loi réintroduit l’usage d’insecticides néonicotinoïde dans les champs de betterave sous certaines conditions.

Les requérants ont soutenu que cette loi méconnaissait les articles 1 à 6 de la Charte de l’environnement.

Si le CC admet que ces pesticides « ont des incidences sur la biodiversité, en particulier pour les insectes pollinisateurs et les oiseaux ainsi que des conséquences sur la qualité de l'eau et des sols et induisent des risques pour la santé humaine », il constate également que le législateur a réduit leur utilisation au traitement des betteraves sucrières.

Par ailleurs, le législateur a poursuivi un motif d'intérêt général en protégeant la production entreprises agricoles et industrielles de ce secteur lequel subissait de « graves dangers qui menacent la culture de ces plantes » (en l’occurrence, la présence d’infestations massives de pucerons vecteurs de maladies virales).

Le Conseil observe que cette mesure est temporaire, applicable jusqu’en 2023, soit le temps nécessaire pour mettre au point des solutions alternatives.

Ensuite, « cette dérogation ne peut être mise en œuvre que par arrêté conjoint des ministres de l'agriculture et de l'environnement, pris après avis d'un conseil de surveillance spécialement créé, au paragraphe II bis de l'article L. 253-8, et dans les conditions prévues à l'article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009, applicable aux situations d'urgence en matière de protection phytosanitaire ».

Enfin, « les dispositions contestées n'autorisent que les traitements directement appliqués sur les semences, à l'exclusion de toute pulvérisation, ce qui est de nature à limiter les risques de dispersion de ces substances ». Mais surtout, « lorsqu'un tel traitement est appliqué, le semis, la plantation et la replantation de végétaux attractifs d'insectes pollinisateurs sont temporairement interdits, afin de réduire l'exposition de ces insectes aux résidus de produits employés ».

Pour le CC, « l’usage limité et contrôlé » de ces insecticides constitue une mesure ne contrevenant pas à l’article 1er de la Charte de l’environnement et tout en poursuivant un motif d'intérêt général, est « proportionnée à l'objectif poursuivi ».

Le principe de non-régression n’est nullement invoqué, le Conseil préférant se fonder sur l’article 1er de la Charte qui instaure le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé protégé.

(CC 10 décembre 2020, n° 2020-809 DC, Loi relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières)

Pour aller plus loin : une excellente analyse de cette décision couplée avec une autre (décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020, Loi d'accélération et de simplification de l'action publique) a été réalisée par Patricia Rrapi (MCF à l’Université Paris Nanterre) dans la revue des Droits de l’Homme (revue en ligne et gratuite).

Référence électronique : Patricia Rrapi, « La culture des artichauts, terre fertile de la régression », La Revue des droits de l’homme [En ligne], Actualités Droits-Libertés, mis en ligne le 22 mars 2021, consulté le 25 mars 2021. URL : http://journals.openedition.org/revdh/11679 ; DOI : https://doi.org/10.4000/revdh.11679

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STATUT

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Rémunération

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Un SPP a sollicité la réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité du décret du 20 avril 2012. Il est reproché à cet acte d’une part de « l'absence de dispositions transitoires relatives au régime indiciaire applicable aux lieutenants de sapeurs-pompiers professionnels, lauréats du concours externe 2011 sous l'empire du décret du 30 juillet 2001, mais nommés sous l'empire du décret du 20 avril 2012 », et d’autre part, d’une méconnaissance du principe d'égalité de traitement.

Les arguments invoqués ont tous été écartés.

Tout d’abord, le pouvoir réglementaire avait bien prévu des mesures transitoires.

Ensuite, le principe de sécurité juridique ne signifie pas « un droit au maintien de la réglementation existante ». Le moyen n’était pas fondé d’autant que « le décret n° 2010-330 du 22 mars 2010, publié au journal officiel de la République française du 26 mars 2010, avait fixé l'échelonnement indiciaire applicable aux membres des cadres d'emplois régis par le décret n° 2010-329 du 22 mars 2010 portant dispositions statutaires communes à plusieurs cadres d'emplois de fonctionnaires de la catégorie B de la fonction publique, et que la réforme mise en œuvre par le décret du 20 avril 2012 faisait l'objet d'une négociation avec les organisations professionnelles ».

Enfin, « le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme dans l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ». En l’espèce, les juges du fond ont jugé que « la différence de traitement qui résulte de la succession de deux régimes juridiques dans le temps n'est pas, en elle-même, contraire au principe d'égalité ».

(CAA PARIS, 2ème chambre, 17 mars 2021, n° 20PA00554, M. D… C…)

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LEGALITE ADMINISTRATIVE

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Acte administratif

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Le préfet de la Loire-Atlantique a demandé au juge des référés d’ordonner la suspension de l’exécution de l’arrêté pris par la commune de la Montagne lequel interdit le rejet hors de la propriété des produits phytopharmaceutiques.

La préfecture a recouru à la procédure de l’article L. 554-3 du code de justice administrative laquelle « est conditionnée par la justification d’un degré suffisant quant à l’atteinte aux libertés publiques ou individuelles qu’elle vise à prévenir ».

Pour le juge des référés, « ni l’atteinte à la liberté du commerce et de l’industrie, alors qu’il résulte des pièces du dossier que l’activité agricole est à peu près inexistante dans la commune de La Montagne, ni l’atteinte au droit des utilisateurs privés d’utiliser les produits en cause, alors notamment que l’usage des produits phytopharmaceutiques de synthèse leur est interdit depuis le 1er janvier 2019, ne sont susceptibles de revêtir un degré de gravité justifiant le recours à la procédure de l’article L. 554-3 du code de justice administrative ».

La requête de la préfecture a donc été rejetée.

(TA Nantes 5 mars 2021, n° 2102294, Préfet de la Loire-Atlantique)

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Le préfet de la Seine-Saint-Denis demandé devant la juridiction administrative de première instance d’annuler l’arrêté « anti-pesticide » du 16 septembre 2019 pris par le maire de la commune d’Epinay-sur-Seine pour vice d’incompétence.

Plutôt que de répondre à la requête, le tribunal administratif a préféré surseoir à statuer afin de transmettre la QPC au Conseil d’Etat. La question porte sur « la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l’article L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime ».

Ce texte « attribue au ministre chargé de l’agriculture la compétence pour prendre les mesures d’interdiction, de restriction ou d’encadrement de l’utilisation des produits phytopharmaceutiques pour protéger la santé des travailleurs agricoles et de toute personne susceptible d’accéder à des zones récemment traitées contre les émanations de ces produits, est applicable au présent litige ».

Pour information, lorsqu’une juridiction de première instance estime nécessaire de poser une QPC, elle doit la transmettre à la juridiction suprême de son ordre, laquelle joue un rôle de second filtre. Si la juridiction suprême (Conseil d’Etat ou Cour de cassation) considère que les conditions sont remplies, elle peut décider de la transmettre directement au Conseil constitutionnel.

(TA Montreuil 11 mars 2021, n° 2002482, Préfet de la Seine-Saint-Denis)

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Plusieurs requérants ont demandé l’annulation de l’arrêté du 22 mars 2019 qui restreint l’accès au concours sur titres et épreuve de médecins et pharmaciens de SPP.

Ainsi, les candidats au concours de pharmaciens de SPP doivent remplir notamment les conditions d’exercice de la pharmacie en France. Cet arrêté impose aux candidats français d’être titulaires d’un diplôme d’études spécialisées de pharmacie (article R.5126-101-1 du code de la santé publique). Quant aux ressortissants de l’UE, de la Suisse, ou issus d’un autre Etat partie à l’accord, ils doivent avoir obtenu une autorisation individuelle « à exercer la profession de pharmacien à usage intérieur » tel que prévu à l’article R.5126-101-3 du même code.

Par contre, sont, en principe, exclues, « les personnes habilitées à exercer l'activité de pharmacien au sein d'une pharmacie à usage intérieur par les dispositions des articles R.5126-101-2 et R.5126-101-4 du code de la santé publique ».

Pour les requérants, l’acte juridique viole le principe constitutionnel d’égalité devant la loi et le principe d'égal accès aux emplois publics.

Le Conseil d’Etat a rappelé, de manière constante, que ce principe « ne s'oppose pas à ce que les règles de recrutement destinées à permettre l'appréciation des aptitudes et des qualités des candidats tiennent compte tant de la variété des situations, notamment des études suivies ou des expériences professionnelles antérieures, que de celle des besoins des services publics dès lors que ces différences tiennent à des considérations objectives en rapport avec la capacité des candidats ».

La Haute juridiction a jugé que cette différence de traitement vis-à-vis des candidats au concours de SPP était justifiée : « la distinction opérée par l'article 4 du décret du 20 septembre 2016 entre les pharmaciens titulaires d'un diplôme d'études spécialisées ou pouvant se prévaloir d'un titre équivalent de formation, délivré par un Etat membre de l'Union européenne, un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou la Suisse, et les autres pharmaciens, notamment ceux qui remplissent seulement la condition d'expérience professionnelle prévue par les articles R. 5126-101-2 et R. 5126-101-4 du code de la santé publique et l'article 7 du décret du 9 mai 2017, repose sur des considérations objectives en rapport avec leurs capacités respectives et l'intérêt du service, tenant en particulier aux impératifs de la gérance des pharmacies à usage intérieur des services départementaux d'incendie et de secours que les personnes admises au concours ont vocation à assurer ».

La requête a donc été rejetée.

(CE 22 mars 2021, n° 431188, Mme I..., M. F..., Mme N..., Mme Q..., M. G..., Mme L..., Mme D..., Mme P... et Mme M...)

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