DISCIPLINE
Sanctions
En l’espèce, un SDIS connaissait de fortes tensions à cause, notamment, de plusieurs incendies successifs déclenchés à proximité d’une caserne – sinistres qui avaient touchés plusieurs véhicules. Au sein de cette caserne, deux pompiers nourrissaient « une animosité réciproque » et, suite à une audition visant à éclaircir les raisons des incendies, les deux hommes se sont violemment confrontés et l’un deux a détruit le rétroviseur du véhicule de son opposant.
Suite à cette altercation et au regard du contexte, le pompier a été suspendu mais il a contesté l’arrêté de suspension estimant que, n’ayant pas fait l’objet de poursuites pénales, son comportement n’était pas de nature à engager sa responsabilité disciplinaire. La Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille lui donne tort. Premièrement, elle estime la sanction proportionnée aux faits : la suspension permettait d’écarter provisoirement du service un homme qui risquait d’aggraver une situation déjà compromise.
Surtout, la CAA vient procéder à un rappel des règles déontologique des sapeurs-pompiers. Elle souligne que « La dégradation volontaire d'un véhicule est contraire à la mission même des sapeurs-pompiers, qui porte non seulement sur la protection des personnes, mais également la protection des biens. L'accentuation d'un conflit interpersonnel par des gestes de violence porte atteinte à la cohésion nécessaire aux sapeurs-pompiers appelés à accomplir ensemble les mêmes missions. De tels gestes révèlent également une absence de maîtrise de soi. ». Au regard de ce code éthique et de l’attitude du requérant, la CAA de Marseille a jugé que la mesure de suspension était tout à fait adéquate. L’absence de poursuites pénales, enfin, ne remet nullement en cause la légalité de la sanction frappant le requérant.
(CAA de MARSEILLE, 5ème chambre, 23/11/2022, 20MA03652, Inédit au recueil Lebon)
RESPONSABILITE
Responsabilité administrative
En l’espèce, la plaignante poursuivait le SDIS au motif que les pompiers, après avoir éteint, de nuit, un incendie, n’avaient pas mis en œuvre moyen pour assécher les flaques d’eaux consécutives à l’extinction du sinistre et n’avaient pas prévenu tous les riverains de l’existence desdites flaques. Inconsciente du danger, la plaignante avait glissé sur une flaque, se blessant lourdement. Elle estime son préjudice à 156 688, 92 euros, somme qu’elle réclame au SDIS ainsi qu’à l’assureur de ce dernier tandis que la CPAM réclame, elle, devoir être dédommagé de la somme de 50 189,76 euros pas le SDIS et de 1091 par l’assureur. Il est d’ailleurs intéressant de voir le calcul et la litanie de préjudices qui ont conduit la partie plaignante à estimer le montant de son dommage, l’essentiel de la somme correspondant au droit à l'indemnisation de sa perte de gains professionnels futurs.
Dédommagée à hauteur de 22 406,04 euros en première instance, la plaignante d’estime insatisfaite et fait appel. L’issue de ce second procès ne fut cependant guère plus heureuse pour la plaignante. En effet, le juge d’appel, contrairement au juge de première instance, n’a pas relevé d’incohérence dans le rapport d’intervention des sapeurs-pompiers. Au contraire, le juge s’est forgé une conviction : alors que l’incendie avait été éteint, vers 3h30 du matin, la plaignante avait été aperçue à sa fenêtre par les pompiers ; ces derniers lui avaient demandé de rester chez elle car il n’y avait plus de risque mais, faisait fi de ce conseil, elle est sortie de chez elle en vitesse, sans motif, en robe de chambre et a chuté lourdement dans le hall inondé de l’immeuble. Dès lors, le comportement de la plaignante est de nature à atténuer la responsabilité du SDIS. Au surplus, ces accusations sur la mauvaise foi du SDIS (qui auraient, selon elle, truqué les comptes rendus suite à son accident) ne sont pas étayées. « Enfin » précise le juge d’appel « la circonstance, attestée par plusieurs habitants de la résidence, que les pompiers n'ont pas réveillé l'ensemble des habitants de la résidence pour les informer de l'intervention en cours, ne remet nullement en cause la teneur des comptes rendus ci-dessus mentionnés. Dans ces conditions, l'accident survenu est entièrement imputable à l'imprudence de Mme B... qui, malgré le conseil qui lui avait été donné, s'est rendue, de surcroît en courant, dans le hall de l'immeuble où se déroulait l'intervention ».
Conclusion logique : la requérante et la CPAM ne sont pas fondées à attaquer le jugement de premier instance qui a plafonné le montant des indemnités à la requérante à 22 406,04 euros.
(CAA de BORDEAUX, 3ème chambre, 15/11/2022, 20BX01298, Inédit au recueil Lebon)
Reprise d’incendie
Cette décision pose des questions particulièrement intéressantes en ce qui concerne les conséquences juridiques de l’absence d’utilisation de caméra thermique – et subsidiairement, de piquet de surveillance – suite à l’extinction d’un incendie.
En première instance, le SDIS a été condamné suite à une reprise de feu ayant entrainé des dommages. Appelés à 3h25 pour un incendie dans une résidence pavillonnaire, les pompiers maitrisent le sinistre à 4h19 et, après avoir effectué leur RCCI, quitte les lieux à 5h05. 23 minutes plus tard, ils sont rappelés pour un nouveaux départ de feu sur le même lieu. Le second sinistre s’est propagé aux bâtiments voisins et a endommagé sérieusement leur charpente ainsi que leur intérieur. L’enquête démontrera que la reprise de feu était dû à « l'auto-inflammation des gaz de pyrolyse des bois résultant du balayage des bois en partie carbonisés par de l'air chaud réchauffé en passant dans l'espace compris entre les murs intérieurs et extérieurs du bâtiment ». D’après l’expertise, l’utilisation d’une caméra thermique aurait permis aux pompiers de détecter le foyer de chaleur dangereux.
Se pose alors la question de la faute du SDIS. Pour le juge, elle est à écarter : les pompiers ne disposaient pas de caméra thermique, laquelle n’est d’ailleurs pas obligatoire ni même préconisée dans le cas de figure auquel était confronté les pompiers. Il en va de même pour le piquet de surveillance : un vice de construction aurait de toute façon empêché les pompiers de repérer à temps la reprise de feu.
En s’appuyant sur ces expertises, la CAA a donc annulé le jugement de premier instance. Reste à savoir si cette décision aurait été identique dans le cas où les pompiers avaient eu la possibilité d’utiliser une caméra thermique.
(CAA de DOUAI, 2ème chambre, 02/11/2022, 21DA01301, Inédit au recueil Lebon)