Par une décision conjointe du ministre de l’intérieur et du président du SDIS, un officier de sapeur-pompier a été sanctionné par une exclusion temporaire de trois jours. Or, devant les juridictions, la sanction est annulée et le juge enjoint le président du SDIS concerné de reconstituer la carrière de l’agent sanctionné et de supprimer la mention de cette sanction de son dossier. Quelques mois après la décision, l’agent consulte son dossier individuel et constate que la décision portant sanction disciplinaire s’y trouve encore. Un mois plus tard, il sollicite de nouveau la consultation de son dossier et voit cette demande lui être implicitement refusée. Comme le prévoit le code de la justice administrative, l’officier demande au juge d’assurer l’exécution de la décision de justice rendue pleinement exécutoire à l’expiration des délais de recours.
Il demande à ce que l’intégralité des pièces soient versées à son dossier, y compris celle qui se trouverait selon lui dans un dossier parallèle conservé à la DG du SDIS. Or, le juge constate que son dossier a été mis à jour depuis sa dernière consultation par l’agent et que l’officier n’apporte aucune preuve de l’existence d’un dossier parallèle. Il note également que, depuis qu’il a fait enregistrer son recours, l’homme n’a jamais manifesté l’intention de se déplacer pour constater la suppression des mentions. Le juge décide donc, qu’eu égard à la modification des mentions au cours de la procédure, il n’y a pas lieu de donner raison au demandeur car le premier jugement est exécuté au jour où il statue. Néanmoins, il précise dans son arrêt qu’“Il serait souhaitable […] que ce dernier [le SDIS] invite formellement M. B... à venir consulter son dossier individuel dans un délai raisonnable.”
(CAA de LYON, 3ème chambre, 16/03/2022, 21LY03135, Inédit au recueil Lebon)
En l’espèce, un CIS a mis en place un protocole sanitaire afin de faire face à des cas de punaises de lit en son sein. Dans ce cadre, les agents étaient contraints d’effectuer un lavage de leurs tenues à soixante degrés. Dans le cadre de ce protocole, sept agents sur onze vont effectuer le lavage de leurs tenues dans les machines à laver du CIS juste avant le rassemblement, ne leur permettant pas d’y assister en tenue. La hiérarchie engage donc des procédures disciplinaires à l’encontre de ces agents. À l’issue des procédures, seul deux d’entre eux sont sanctionnés. Or, il s’avère que les agents sanctionnés sont également les représentants syndicaux qui avaient engagé ce protocole sanitaire.
Le juge administratif est saisi de cette affaire par l’un des deux représentants syndicaux qui s’estime victime de discrimination en raison de ses engagements. Au regard des relations tendues entretenues par le demandeur avec sa hiérarchie en raison de son engagement syndical, le juge estime qu’il existe bien une présomption d’atteinte au principe de non-discrimination sur le fondement des activités syndicale.
Le SDIS va néanmoins réussir à renverser la présomption en montrant que la procédure disciplinaire visait l’ensemble des personnels qui se sont présentés sans tenues au rassemblement. Il montre que les deux agents sanctionnés se distinguaient des autres eu égard à leur présence à la réunion adoptant le protocole sanitaire suscité. Dès lors, ils ne pouvaient ignorer que le protocole ne les obligeait pas à laver l’ensemble de leurs tenues simultanément, contrairement aux autres agents qui avaient pris connaissance du protocole seulement quelques minutes avant le rassemblement.
(CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 07/04/2022, 20VE02288, Inédit au recueil Lebon & CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 07/04/2022, 20VE02287, Inédit au recueil Lebon)
Suite au passage de l’examen, un homme obtient son diplôme de “service de sécurité incendie et d'assistance à personnes 3” (SIAP3). Une fiche individuelle précisant ses notes et attestant de sa réussite aux épreuves lui est remis le jour même. Deux mois plus tard, le président du jury va venir annuler cette attestation en affirmant l’inaptitude de l’homme qui n’avait pas préalablement présenté les diplômes nécessaires à la validation de sa participation à l’examen.
À deux reprises, l’homme adressera un courrier au directeur adjoint du SDIS pour contester cette invalidation et à deux reprises, le SDIS va confirmer sa position. Finalement, c’est l’avocat de l’homme qui va adresser un dernier courrier au SDIS, sollicitant la transmission de la décision d’annulation du diplôme. N’ayant pas obtenu de réponse après deux mois, il convient d’admettre que le SDIS refuse implicitement sa demande.
Lorsque l’affaire est présentée devant le juge d’appel, l’homme n’a toujours pas fourni le diplôme nécessaire pour s’inscrire à l’examen du SSIAP3, ni devant le juge du fond, ni devant la CAA. Dès lors, le juge en déduit qu’il ne peut dire que la décision est sans fondement.
En sus, le juge retient que dans le dernier courrier (celui de l’avocat), l’homme sollicite la communication de la décision invalidant sa présentation à l’examen et non les motifs de la décision implicite. Or, le droit prévoit que la décision doit être motivée mais en aucun cas qu’elle doit être rédigée. Le tribunal va donc rejeter la requête de l’homme et donc valider l’invalidation de l’examen par le président du jury.
(CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 27/04/2022, 20VE00298, Inédit au recueil Lebon)
L’affaire concerne l’intervention médicale ayant fait suite à une intoxication médicamenteuse volontaire après consommation d’alcool et de cannabis. La plaignante avait en effet été admise dans un centre hospitalier qui lui avait administré divers médicaments afin de contenir son agressivité. Suite à une détresse respiratoire, le médecin-réanimateur décide de sédater complètement la plaignante avec une intubation. Mais il apparaitra ensuite que cet acte va priver d’air le cerveau de sa patiente au point de la conduire à de graves déficits moteurs.
La famille de la victime saisit la commission régionale de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCIAM) compétente qui rend un avis défavorable à l’indemnisation de la victime et de ses proches. La commission estime en effet que l’état antérieur a joué un “rôle critique” dans la survenance du dommage. La famille va donc porter demander réparation au juge, estimant que la charge incombe au centre hospitalier en cause ou, à défaut, à l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).
Le juge administratif, compétent en la matière, commence par rappeler que le centre hospitalier ne peut être reconnu responsable des dommages que s'il y a une faute de sa part. L’enquête diligentée par la CRCIAM révèle que le fait que la perte d’autonomie trouve “très probablement” son origine dans l’intubation de la victime. En revanche, elle exclut clairement tout manquement de la part des équipes médicales du centre hospitalier qui l’a effectuée.
Concernant le droit à réparation au titre de la solidarité nationale, le juge rappel qu’il n’existe que si le dommage est imputable à l’acte médical et qu’il a eu des conséquences anormales au regard de son état de santé. Si la seconde condition est clairement remplie, le juge considère qu’il n’existe aucune preuve que l’anoxie cérébrale soit liée à une faute médicale du centre hospitalier. En sus, les expertises n’apportent aucun élément permettant d’imputer le dommage à l’acte de soin. Le juge apprécie également les antécédents du patient dans son appréciation : il estime qu’une “addiction quotidienne importante au cannabis depuis sa majorité, un éthylisme chronique, une consommation de drogues dures et une obésité morbide" sont également des causes déterminantes du dommage.
Depuis un arrêt de 1992i, le juge administratif a abandonné la condition de faute lourde en matière d’acte médicaux. Aujourd’hui, une faute simple suffit à engager la responsabilité de l’hôpital public, c’est à dire que n’importe quelle faute, quel que soit sa gravité, permet à la victime d’obtenir réparation pour les dommages qui lui ont été causés.
Malgré cette évolution sémantique, la qualification de faute relève de l’appréciation souveraine du juge qui prend en compte les faits qui lui sont rapportés, mais également, la difficulté particulière de l’activité médicale en cause. En somme, si elle ne porte plus son nom, l’exigence de faute lourde existe encore dans les faitsii. À ce titre d’ailleurs, le législateur lui-même s’est livré à cet état de fait en créant des régimes spécifiques à certaines activités médicalesiii.
En sus, la mise en place du régime d’indemnisation justifie cette appréciation stricte du juge sur la faute. En effet, s'il refuse d’imputer la réparation au professionnel ou à l’établissement en cause, la victime peut toujours se tourner vers ce mode de réparation alternatif de la faute.
(CAA de DOUAI, 2ème chambre, 26/04/2022, 21DA00720, Inédit au recueil Lebon)
Un agent sapeur-pompier sollicite la protection fonctionnelle par un courrier. Ce dernier est reçu par le SDIS le 10 juin 2020. L’agent n’obtient aucune réponse de son SDIS. Le 22 octobre 2020, sa requête dirigée contre cette décision implicite est enregistrée aux greffes du tribunal.
En principe, le silence gardé de l’Administration pendant deux mois vaut décision de rejet. De même, le délai de recours contre une décision administrative est en principe de deux mois à compter de la notification ou de la publication (Article R.421-1 du CJA).
Or, les délais suscités doivent être replacé dans leur contexte. Le premier semestre de l’année 2020 était en effet marqué par un confinement, mettant un frein à toute activité en France : il était beaucoup plus complexe, voire impossible de porter plainte. Dans ce contexte le gouvernement va adopter une ordonnance qui va suspendre les délais administratifs et contentieux ayant cours au 12 mars 2020 jusqu’au 23 juin 2020.
En conséquent, le délai du silence gardé de l’administration correspondant à la décision de rejet ne débutait pas à la réception de la demande par le SDIS mais au 23 juin. La décision de rejet issue du silence gardé de l’Administration intervenait donc au 23 aout 2020, lançant donc le délai du recours contentieux (délai dans lequel il est possible pour l’intéressé de former un recours) à cette date. Dès lors l’homme disposais donc de 2 mois pour faire enregistrer son recours, soit jusqu’au 24 octobre 2020. Le recours va donc être admis comme recevable, en termes de délai, par la Cour administrative d’appel (CAA) de Marseille qui renvoie l’affaire devant le Tribunal administratif (TA) de Bastia pour un jugement au fond.
En fait, cette affaire est un “serpent de mer” des juridictions. En effet, par une ordonnance du 26 octobre 2020, le président du TA de Bastia avait rejeté la demande de l’homme eu égard à la tardiveté de la requête. Il considérait alors les délais de principe sans prendre en compte l’ordonnance suscitée. Par une ordonnance du 9 novembre 2020, le président de la 8ème chambre de la CAA de Marseille avait confirmé cette décision. C’est le Conseil d’État qui va casser cette réflexion par un arrêt du 29 novembre 2021 et renvoyer l’affaire devant la CAA de Marseille. Avec le recul dont nous disposons aujourd’hui sur la gestion de la crise sanitaire, cette solution semble plus cohérente dans son contexte et respecte l’ordonnance suscitée, qui, si elle n’entendait pas forcément s’appliquer à ce litige en particulier, reste une ordonnance, et est donc applicable à tous les litiges en l’espèce.
(CAA de MARSEILLE, 4ème chambre, 26/04/2022, 21MA04046, Inédit au recueil Lebon)
Le syndicat SUD SDIS National estime qu’il est illégal de permettre à des mineurs de s’engager comme SPV et de participer aux opérations de lutte contre l’incendie ou de secours. Cet engagement des mineurs dès 16 ans méconnaitrait :
Concernant l’argument selon lequel l’engagement de mineur serait contraire à la Constitution (protection de l'intérêt supérieur de l'enfant), le juge met en balance différentes garanties :
Eu égard à toutes ces garanties apportées par la loi, le juge va considérer que l’engagement de mineurs comme SPV n’est pas contraire à la Constitution.
De même, le juge écarte l’argument selon lequel l’engagement de mineur serait contraire à la directive 94/33/CE pour les mêmes motifs cités plus haut.
Concernant le droit international, le juge rappelle que le droit en question vise avant tout l’interdiction aux mineurs d’exercer une activité “susceptible de compromettre la santé, la sécurité ou la moralité des adolescents”. Il rappelle également que le droit international laisse une marge d’appréciation aux États et requiert “l’intervention d'actes complémentaires pour produire des effets à l'égard des particuliers”.
Ainsi, le juge va confirmer la possibilité pour les SDTIS de permettre l’engagement de mineurs en tant que SPV.
(Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 19/04/2022, 451727, Publié au recueil Lebon)
En l’espèce, un SDIS fait appel contre une décision du juge du fond (premier juge à statuer) qui annulait la décision de non-renouvellement de l’engagement d’un SPV.
En premier lieu, l’acte en question renvoyait aux dispositions d’un décret alors abrogé. Le juge de la cour administrative d’appel (CAA) va considérer que l’erreur n’était pas substantielle, c’est-à-dire qu’elle ne remettait pas en cause la décision du SDIS en question.
Mais le juge du fond fondait essentiellement sa décision d’annulation de l’acte en cause sur l’absence de faits fondant la décision du SDIS. Or, pour le juge de la CAA, il ressort clairement que la décision était fondée en fait, notamment eu égard :
Le SPV avait été reçu par le directeur adjoint de son SDIS au sujet de son attitude. À l’issue de cet entretien, il avait pu renouveler son engagement et re-signer la charte nationale du SPV, sans qu’aucun changement notable n’ait été observé par la suite.
Eu égard à l’ensemble de ces faits, le juge va estimer que les fondements de l’acte, c’est-à-dire “l'attitude très critique et méprisante de l'intéressé à l'égard des autres sapeurs-pompiers volontaires du centre de secours de A..., son manque de respect envers sa hiérarchie, ainsi qu'un manque de participation à la vie collective” sont matériellement constitués et qu’ils justifient la décision prise.
Comme le prône cet arrêt et dans la logique de la jurisprudence classique en la matière, le non-renouvellement n’est pas une sanction. Mais restant un acte individuel défavorable à son destinataire, il doit être motivé. Pour que l’acte soit confirmé par les juridictions, il ne peut être fondé sur un fait isolé (à moins que celui-ci soit extrêmement grave, relevant d’avantage du système disciplinaire dès lors) mais devra d’avantage s’appuyer sur un faisceau d’indices qui tend à montrer un comportement du SPV néfaste pour le service. L’important devant le juge sera d’avoir des preuves de ces faits répétés, d’où l’importance pour les officiers de passer par des écrits qui retracent les événements avec des témoignagesiv et ce pour tous les événements qui semblent déplacés par rapport au comportement que doit avoir un sapeur-pompier.
(CAA de NANTES, 3ème chambre, 08/04/2022, 20NT03788, Inédit au recueil Lebon)