Cas pratique troubles du comportement Médecin Colonel Jean-Marie STEVE Référent santé en service du CERISC L’adjudant T., sapeur-pompier professionnel âgé de 49 ans, est encadrant au centre départemental de formation et participe également à des activités opérationnelles (régime d’astreinte poste de commandement). Le responsable hiérarchique adresse un courrier au médecin sapeur-pompier habilité en charge du suivi des agents pour un avis sur sa santé mentale, à la suite de plusieurs conflits l’ayant opposé à ses collègues de travail ainsi que de plaintes de plusieurs stagiaires en formation. Il précise que depuis plusieurs semaines il a un comportement agressif avec violences verbales à l’encontre de son entourage professionnel. Il souhaite que le service de santé lui apporte un aide. La dernière visite médicale périodique date de 8 mois. Il est noté un état de stress avec plaintes multiples sur les conditions de travail, l’ambiance, les missions confiées, les collègues et stagiaires. Un entretien auprès d’un psychologue sapeur-pompier volontaire a été proposé et récusé. Monsieur T. est vu en consultation médicale. Il estime être persécuté par la hiérarchie, ce qui, d’après lui a justifié une hospitalisation d’un mois en service psychiatrique pour « stress et dépression ». Il allègue ne pas prendre de médicaments. Il déclare qu’il n’a pas de problème avec ses collègues ni les stagiaires. Mais il évoque tout de même « de la jalousie et de l’hypocrisie de certaines personnes ». Par ailleurs, il vit seul depuis son divorce et n’a pas d’activités de loisir.
Mélina BRICHLER, 16/02/2022
Réponses aux questions :
Oui, il s’agit d’une visite médicale à la demande de l’employeur. Cette convocation peut être formalisée par un courrier à son responsable hiérarchique en cas de difficulté.
L’anamnèse évoque plutôt une pathologie de type « délire de persécution » à laquelle son hospitalisation et ses difficultés relationnelles ne sont peut-être pas étrangères.
Le médecin sapeur-pompier n’a pas à se prononcer sur ce point car le harcèlement moral n’est pas un diagnostic mais une décision de justice. Cependant les critères caractérisant un harcèlement moral ne sont pas clairement identifiés : pas de répétition retrouvée des faits à son encontre, conditions de travail non dégradées, droits et avenir conservés, pas d’atteinte de sa dignité ni d’humiliations retrouvées. Les plaintes sont formalisées sans acrimonie par son entourage et par sa hiérarchie.
Dans un premier temps, il s’agit de lui proposer de l’aide et de mettre éventuellement en place des mesures de prévention : suivi par son médecin traitant, généraliste et/ou spécialiste, suivi psychologique par un psychologue du servie ou extérieur, conseils managériaux et de comportements. L’évaluation clinique sera attentive à la recherche de facteurs exogènes : alcool, stupéfiants en s’appuyant également sur les examens paracliniques.
Cependant un avis d’aptitude doit être émis et communiqué au supérieur hiérarchique, avec rédaction du certificat médical. Il concerne l’aptitude opérationnelle et au travail. Il sera temporaire si un avis médical auprès d’un psychiatre est nécessaire. En cas d’inaptitude au travail il est impératif d’obtenir un congé maladie ordinaire par son médecin traitant.
En cas de déni de l’intéressé, de refus de soins et surtout d’aggravation des troubles du comportement, l’administration pourra demander l’avis d’un psychiatre agréé puis saisira le Comité Médical Départemental.
Il s’agit bien d’un accident de service car survenu dans le temps et le lieu du travail. Une enquête centrée sur les circonstances devra confirmer l’imputabilité ou apportera les éléments de preuve l’infirmant.
Mélina BRICHLER, 16/02/2022
Quelle est la conduite à tenir en consultation de médecine professionnelle face à une allégation de harcèlement ?
Administrateur du site, 21/01/2019
Le médecin habilité comme le médecin de prévention se trouve dans une situation particulièrement difficile du fait des contradictions auxquelles il est confronté. Son cadre d'action est défini par : • ses missions : Arrêté du 6 mai 2000 • conseil en prévention • surveillance médicale • actions sur le poste de travail • le secret professionnel • secret médical défini par le code de santé publique (articles L1110-4 et e R4127-4) • indépendance du médecin défini par le code de déontologie médicale repris par le code de la Santé Publique (article R4127-95) • l'obligation de porter assistance à personne en danger (article 226-3 du Code pénal) L’allégation de harcèlement peut venir de l’agent mais aussi d’un autre agent de la collectivité : assistante sociale, assistant ou conseiller de prévention, collègue, représentant du personnel ou par le médecin traitant ou un proche. Il est rappelé que le harcèlement n’est pas un diagnostic. C’est une qualification qui relève du juge. Il s’agit d’une situation que l’on peut qualifier de souffrance au travail et qu’il faut prendre en charge sur le plan médical. Démarche du médecin confronté à la souffrance mentale en service 1. Recueil des informations à travers l’expression libre de l’agent 2. Évaluation de l’état de santé - le tableau clinique, les symptômes - la phase évolutive, la gravité - la structure psychologique préexistante - le diagnostic 3. Visite éventuelle du poste de travail 4. Synthèse du contexte professionnel, personnel et social en recueillant des informations auprès de : - la « victime » de harcèlement - l’« auteur » du harcèlement - le médecin traitant - les collègues de travail - le psychologue - la hiérarchie - l’assistante sociale Ces situations peuvent être très complexes (descendante, ascendante, transversale, collective, managériale ...) 5. Les actions possibles : • Proposer à l’agent - une stratégie de désengagement de la situation de souffrance - des conseils pratiques de réactions et de défense (journal de bord, ne pas rester isolé, demander et répondre par écrits, ...) - Alerter le médecin traitant pour prise en charge thérapeutique ou arrêt de travail. Certaines situations permettent d’envisager de déclarer un accident de travail ou une reconnaissance de maladie contractée en service ou à caractère professionnel - effectuer une surveillance médicale rapprochée • Orienter l’agent vers - son médecin traitant - sa hiérarchie (N+1, N+2) - l’assistante sociale - la cellule de soutien psychologique - une association d’aide, de soutien - le service juridique (protection fonctionnelle, action en justice) • Alerter l'autorité territoriale par : - la rédaction de la fiche d'aptitude avec propositions d'aménagement du poste, des horaires, avec aptitude à exercer les mêmes fonctions mais avec demande de changement d’affectation en précisant le degré d’urgence si nécessaire, avec inaptitude temporaire au poste. - le rapport de visite du poste de travail - le rapport annuel d’activité Attention aux pièges ou diagnostics différentiels : - conflits de personne, le plus fréquent - situation de travail dégradée - harcèlement en cascade (harceleur harcelé) - management toxique - syndrome dépressif indépendant du travail - trouble psychiatrique de type paranoïde ou délirant - stratégie d’obtention d’un bénéfice ... Médecin Colonel Jean-Marie STEVE Médecin de prévention Référent Santé en Service de l’ENSOSP
Administrateur du site, 21/01/2019