Le retour d’expérience est un outil de gestion qui permet de favoriser l’apprentissage dans les organisations. Il doit favoriser la production des enseignements dans l’idée de rendre les individus plus apprenants. C’est un processus d’exploration des opérations qui s’intéresse à la formation professionnelle, à l’expérience des agents et à la connaissance en acte mise en œuvre au sein des organisations

Actualité

Retour d'Expérience Opérationnel

Comptes-rendus des retours d'expériences du Médecin Général Debonne (SSA) et du Général Boutinaud (BSPP)

14/01/16

Les attentats du 13 novembre 2015 ont donné lieu à plusieurs retours d'expériences par les organisations de secours et médicales militaires (Service de santé des armées et la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris) qui sont intervenues sur les différents lieux parisiens. Afin de partager les leçons apprises par ces différentes organisations, nous vous proposons les deux compte-rendus de la commission de la défense nationale et des forces armées réalisés sur ce sujet. Le premier compte-rendu concerne l'audition du médecin général Debonne qui est le directeur du service de santé des armées. Il évoque la réponse opérationnelle apportée par le SSA au moment des attentats en mettant plus particulièrement en évidence 5 aptitudes de son service pour la gestion spécifique de ces situations de crise. Dans la continuité de ces propos, la commission de la défense nationale et des forces armées a souhaité auditionner le Général Boutinaud commandant la Brigade de Sapeurs-Pompiers de Paris. Ce compte-rendu comporte deux volets : le retour d’expérience détaillé du Général Boutinaud sur la conduite des opérations de secours des attentats du 13 novembre 2015 à Paris (p. 2 à p. 9) et une séance de questions/réponses avec les membres de la commission (p. 9 à p. 16).

Le Général Boutinaud commandant la brigade de Sapeurs-pompiers de Paris a présenté un certain nombre de points à retenir dans le cadre de son intervention au cours de cette commission. En voici une synthèse :

1. Les Facteurs clés de succès :

- L’anticipation et la planification opérationnelle : la création du plan rouge « alpha » pour la gestion des interventions multi-sites ainsi que la réalisation d’exercices

- L’organisation de la BSPP : La BSPP est constituée de structures opérationnelles colocalisées avec le CTA, l’Etat-major opérationnel (conduite opérationnelle et coordination médicale). Cette configuration favorise la centralisation de la prise de décision pour l’engagement des moyens et les ordres. Sur les lieux de l’intervention, la BSPP pratique la décentralisation de la prise de décision jusqu’au plus bas niveau hiérarchique dans l’objectif d’assurer l’efficacité de la gestion opérationnelle.

- La préparation opérationnelle : la BSPP réalise des exercices sur des scénarios multi-sites régulièrement depuis les attentats de Charlie hebdo. Cette préparation renforce la capacité d’action de l’organisation en limitant l’effet de surprise. La culture militaire associée à l’expérience acquise en opération extérieure des agents constituent également un facteur de réussite contribuant à la gestion de ce type d’opération.

- La prise de décision :

  • Les décisions planifiées permettent d’envisager de dégrader une réponse opérationnelle normale pour préserver le potentiel des moyens pour la gestion des opérations de secours relatives aux attentats. Cette décision implique de solliciter des renforts zonaux pour un engagement en appui de la BSPP afin d’assurer la couverture des risques courants. Les détachements de liaison sont mis en œuvre par la BSPP afin de faciliter la coordination des actions et la remontée d’informations avec les autres administrations. L’assistance des associations de sécurité civile agréées est un point focal pour venir en appui des actions de secours menées par la Brigade (relations inter-organisationnelles établies depuis de nombreuses années). Enfin l’anticipation des besoins en moyens aériens pour l’évacuation des victimes (UA et UR) est essentielle si les capacités des structures hospitalières locales ne sont pas suffisantes ou adaptées.
  • Les décisions prises pour la conduite des opérations impliquent l’adaptation de la réponse opérationnelle en fonction du nombre de victimes blessées et des premières informations des primo-intervenants. Le baptême du terrain pour chaque site d’intervention est important afin d’éviter la confusion dans la gestion des opérations multi-sites. La désignation d’un binôme COS/DSM pour chaque site est une plus-value pour la prise en charge des victimes rapidement. Le COS peut être un officier ou un sous-officier supérieur au sein de la Brigade. Enfin la modification du message d’accueil du 18/112 pour limiter les appels des requérants à des problématiques relevant essentiellement d’une UA. Ce même message a été diffusé sur les réseaux sociaux. Cette mesure a permis de revenir à une situation normale et de limiter la saturation des appels.
2. Les forces de frottements identifiées par le Général Boutinaud sont :

- L’amélioration de la protection des primo-intervenants qui arrivent sous le feu des terroristes encore présents

- La sécurisation des communications entre les différents services pour éviter la confusion et favoriser la coordination des actions de secours

- L’identification des différents acteurs sur les lieux de l’intervention et notamment du COP (Commandant des Opérations de Police) pour optimiser la conduite des actions de secours

- La gestion des rumeurs qu’il faut dissiper très rapidement afin d’éviter une dispersion des moyens. Demander des informations précises aux différents appelants afin d’infirmer ou de confirmer les informations.

- L’insuffisance des moyens matériels qui implique de s’adapter à la situation pour mener à bien les missions de secours (insuffisance du nombre de brancards).

- La généralisation à prévoir sus système SINUS pour l’identification et la traçabilité des victimes par les autres services médicaux. L’absence de cet outil pour les autres services génère des pertes d’informations sur les victimes prises en charge.

- La concentration des moyens de secours sur un seul site quand la situation opérationnelle n’est pas claire (risque de sur-attentat)

- La sollicitation des forces militaires de Sentinelle pour la protection des primo-intervenants et la sécurisation des lieux d’intervention est un point à renforcer.

3. Les mesures adoptées à la suite des opérations :

- Conduite d’un débriefing à chaud, production des compte-rendus d’interventions et defusing pour les intervenants à l’issue de l’opération pour limiter les chocs psychologiques

- Augmentation des équipements (brancards et trousses de damage control dans les engins de secours)

- Amélioration de la permanence des transmissions sur les lieux de l’opération pour limiter l’emploi des mobiles (acquisition d’un véhicule satellite)

- Centralisation des appels 17/18/112 sur une plate-forme unique

- Mise en place d’une formation courte aux gestes qui sauvent dans 6 centres de secours afin de favoriser la résilience sociétale.

Publié le 14/01/16 à 17:50