Dans sa décision du 12 juillet 2017 (n° 394254), le Conseil d’État avait condamné l’État pour ne pas avoir appliqué les dispositions de l’article 23 de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe. Il avait également enjoint à l’État « de prendre toutes les mesures nécessaires pour que soit élaboré et mis en œuvre, pour chacune des zones énumérées au point 9 des motifs de cette décision, un plan relatif à la qualité de l’air permettant de ramener les concentrations en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 sous les valeurs limites fixées par l’article R. 221-1 du code de l’environnement dans le délai le plus court possible et de le transmettre à la Commission européenne avant le 31 mars 2018 ».
De nombreuses associations, personnes physique et commune ont saisi le Conseil d’État afin qu’il constate que sa décision de 2017 n’a pas été exécutée à la date du 31 mars 2018.
L’article 23 de la directive européenne de 2008 prévoit que « les États membres doivent notamment veiller à ce que, dans l’ensemble de leurs zones et agglomérations, d’une part, les niveaux de particules fines PM10 dans l’air ambiant ne dépassent pas 40 µg/m3 en moyenne par année civile et 50 µg/m3 par jour plus de 35 fois par année civile, cette obligation étant en vigueur en vertu de textes antérieurs depuis le 1er janvier 2005, et, d’autre part, les niveaux de dioxyde d’azote ne dépassent pas 40 µg/m3 en moyenne par année civile, au plus tard à compter du 1er janvier 2010 ».
De plus, ce texte dispose qu’en « cas de dépassement de ces valeurs limites après le délai prévu à cette fin, les États membres doivent établir des plans relatifs à la qualité de l’air prévoyant « des mesures appropriées pour que la période de dépassement soit la plus courte possible » et contenant « au moins les informations énumérées à l’annexe XV de la directive » ».
Dans sa décision du 24 octobre 2019, la CJUE avait aussi constaté les manquements de la France. Elle lui a reproché d’avoir « dépassé de manière systématique et persistante la valeur limite annuelle pour le dioxyde d’azote depuis le 1erjanvier 2010 », soit depuis 7 années consécutives. La Cour avait considéré que « la France [n’avait] pas mis à exécution des mesures appropriées et efficaces pour que la période de dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote soit la plus courte possible, au sens de la directive ».
Les conseillers d’État ont observé que « si la moyenne annuelle maximale de concentration de ce polluant a diminué entre 2016 et 2018 pour neuf » des 12 zones administratives de surveillance (ZAS), « la valeur limite de concentration en moyenne annuelle civile [...] demeurait dépassée dans dix d’entre elles en 2018, dernière année pour laquelle le Gouvernement a fourni [à la juridiction administrative] des mesures complètes définitives ». Ces dépassements persistent au-delà de 2018 au regard des données provisoires de l’année 2019.
Ensuite, il est relevé que le gouvernement a effectivement quatorze feuilles de route à la Commission européenne le 13 avril 2018 contenant une liste d’actions à mener. Néanmoins le gouvernement se garde bien d’afficher le moindre objectif à atteindre pour obtenir un air plus sain.
Face à l’inaction des gouvernements successifs, la Haute juridiction administrative a décidé de hausser le ton. Elle a donc jugé qu’ « eu égard au délai écoulé depuis l’intervention de la décision dont l’exécution est demandée, à l’importance qui s’attache au respect effectif des exigences découlant du droit de l’Union européenne, à la gravité des conséquences du défaut partiel d’exécution en termes de santé publique et à l’urgence particulière qui en découle, il y a lieu, dans les circonstances de l’affaire, de prononcer contre l’État, à défaut pour lui de justifier de cette exécution complète dans un délai de six mois à compter de la notification de la présente décision, une astreinte de 10 millions d’euros par semestre jusqu’à la date à laquelle la décision du 12 juillet 2017 aura reçu exécution, étant rappelé que ce montant est susceptible d’être révisé à chaque échéance semestrielle à l’occasion de la liquidation de l’astreinte ».