Dans la nuit du 27 au 28 février 2010, une partie du territoire de la commune de la Faute-sur-Mer a été inondée consécutivement à la survenance de la tempête « Xynthia » et à la submersion de l’ouvrage de protection, la digue Est. Vingt-neuf habitants sont décédés et un nombre conséquent d’immeubles ont été ravagés.
Les ayants droit ont demandé au Tribunal administratif de Nantes de condamner in solidum la commune de la Faute-sur-Mer, l’Etat et l’association syndicale de la Vallée du Lay (ASVL).
Dans son jugement, la première juridiction a accueilli la demande et a jugé que les preuves rapportées étaient suffisantes pour entrer en voie de condamnation.
Les trois parties condamnées ont relevé appel. La Cour administrative d’appel de Nantes a dû répondre aux moyens soulevés par les demandeurs en commençant par sa propre compétence matérielle.
Les requérants ont affirmé que seule la juridiction judiciaire était compétente « eu égard au caractère personnel des fautes commises par [le] maire de La Faute-sur-Mer et par […] sa première adjointe, qui sont détachables du service ».
Les juges administratives ne sont pas de cet avis ; ils ont considéré d’une part que « les fautes retenues contre [l’élu] et son adjointe chargée de l'urbanisme avaient été commises dans l'exercice de leurs fonctions et avec les moyens du service et qu'elles ne présentaient pas le caractère de fautes personnelles détachables du service de nature à exonérer la commune de toute responsabilité ».
Concernant la responsabilité des trois personnes, celle-ci a été à nouveau retenue.
Il est tout d’abord reproché à la commune de n’avoir pas réalisé les travaux sur la digue Est et ce « en dépit de l’absence, à la date du sinistre, d’un transfert effectif de propriété à la commune de la Faute-sur-Mer ». En effet, les juges ont estimé que « cette dernière qui avait reçu des subventions de l’Etat à hauteur de 80 % des dépenses prévues et à laquelle avait été délivrée l’autorisation de réaliser les travaux, devait être regardée comme le maitre de l’ouvrage des travaux de rehaussement de la digue dont les riverains bénéficiaient en leur qualité d’usagers de cet ouvrage ». L’instruction a également révélé des carences de la part de l’élu à user de ses pouvoirs de police générale. Le maire n’a réalisé ni document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM), ni plan communal de sauvegarde (PSC) et surtout n’a pas « informé, par d'autres moyens, ses administrés sur les risques encourus, ni mis en place une quelconque organisation des secours en cas d'inondation ».
La responsabilité de l’Etat a été ensuite reconnue en raison du fait qu’elle exerce la tutelle sur l’ASVL. Là-encore les juges du fond ont jugé que « compte tenu de la connaissance précise qu'avait le préfet de la gravité des risques susceptibles de découler des caractéristiques techniques de la digue Est et de son état d'entretien, en ne clarifiant pas les compétences des deux associations syndicales et en n'exerçant pas son pouvoir de tutelle afin de faire réaliser les travaux d'exhaussement, le plus rapidement possible, l'Etat a commis une faute lourde dans l'exercice de sa mission de tutelle de nature à engager sa responsabilité ».
D’autres fautes sont également imputées à l’Etat. Le projet du plan de prévention du risque d’inondation (PPRI) a d’une part été sous-évalué dans l’appréciation du risque de submersion et, d’autre part n’a pas été adopté au moment de la catastrophe faute d’accord trouvé avec le maire de la commune Faute-sur-Mer.
Enfin, la responsabilité pour faute de l’ASVL n’a pas été écartée. L’instruction a indiqué qu’elle n’a pas suffisamment attiré « l’attention de ces acteurs locaux sur son incapacité à réaliser ses travaux ».
A titre d’information, les deux élus ont été par ailleurs condamnés à de la prison ferme par Tribunal correctionnel le 12 décembre 2014 : une analyse avait été rédigée par Audrey MOREL SENATORE pour la veille juridique n° 2014-31.
(CAA Nantes 10 décembre 2019, n° 18NT02729, n° 18NT02723, n° 18NT02728, n° 18NT02737, n° 18NT02724, n° 18NT02716, n° 18NT02726, n° 18NT02751, n° 18NT02719, n° 18NT02734, n° 18NT02732, n° 18NT02713, n° 18NT02738, n° 18NT02730, n° 18NT02725, n° 18NT01534, n° 18NT02727, n° 18NT02739, Tempête « Xynthia »)