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Texte juridique

Jurisprudence/Responsabilité/Reprise de feu/

Cour administrative d'appel

Arrêt n° 97LY20531 du 17 décembre 2001 SDIS de l’Yonne

"Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expertise ordonnée en référé par les premiers juges, que le second incendie ne peut résulter que d'une reprise du premier feu qui avait détruit un hangar agricole et qui s'était propagé à tous les niveaux et à la toiture de l'habitation attenante dans laquelle était également stocké du fourrage, avant d'être circonscrit après plusieurs heures d'intervention des services de lutte contre l'incendie ; que la reprise du feu s'est produite dans la toiture, à partir de pièces de bois dans lesquelles le feu a couvé un certain temps avant de s'étendre sous l'effet notamment d'un vent violent ; que le S.D.I.S. DE L'YONNE n'établit pas l'inexactitude de ces conclusions en produisant un rapport technique établi cinq ans après le sinistre et dans lequel il formule des hypothèses sur l'origine du second incendie en relevant des incohérences entre l'origine attribuée au second feu par l'expert et la nature des dommages constatés ;
 Considérant qu'il incombe aux services d'incendie et de secours de mettre en place, après l'extinction d'un incendie et en tant que de besoin, un service de surveillance destiné à prévenir le risque d'une reprise du feu ; que dans les circonstances de l'espèce, compte tenu notamment de l'importance et de la durée du premier incendie qui s'était propagé à toutes les parties de l'habitation jusqu'à la toiture, le fait de ne pas prévoir une telle surveillance alors que tout risque de reprise ne pouvait être exclu même en l'absence d'indice concret en ce sens au moment du départ des secours, est constitutif d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune chargée, en vertu des dispositions de l'article L.131-2-6 du code des communes alors en vigueur, de la lutte contre les incendies ; que la faute ainsi commise, qui n'a pas permis de détecter immédiatement la reprise du feu et d'y parer sans délai, est directement à l'origine des dommages résultant du second incendie ; que ni la circonstance que les gendarmes soient demeurés sur les lieux après le départ des secours jusqu'à 17 heures le jour du premier incendie, ni le fait qu'un employé du propriétaire ait effectué une ronde à 20 heures le même jour sans rien remarquer d'anormal, ni le délai qui s'est écoulé entre l'extinction du premier feu et sa reprise, n'ont d'incidence sur la responsabilité de la commune, dès lors qu'il incombait au service d'incendie et de secours de mettre en place une surveillance permanente et de la maintenir aussi longtemps que tout risque de reprise du feu ne pouvait être écarté ; qu'enfin, si le S.D.I.S. DE L'YONNE soutient que la victime a commis une faute en n'assurant pas à proximité de son immeuble un stockage d'eau permettant de lutter efficacement contre l'incendie, cette situation, à supposer qu'elle puisse être constitutive d'une faute imputable au propriétaire des lieux, était connue du service d'incendie et de secours au moment de la reprise du feu et aurait dû être prise en compte par lui pour organiser la surveillance qu'il lui appartenait de mettre en place afin de parer rapidement à une éventuelle reprise ; qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la nouvelle expertise sollicitée par le S.D.I.S. DE L'YONNE, que celui-ci n'est fondé à invoquer ni l'absence de faute du service d'incendie et de secours, ni l'absence de lien de causalité entre la faute et le dommage, ni à se prévaloir d'une faute de la victime"

"Considérant que si, aux termes des dispositions de l'article 91 de la loi susvisée du 7 janvier 1983 alors en vigueur, "les communes sont civilement responsables des dommages qui résultent de l'exercice des attributions de police municipale, quel que soit le statut des agents qui y concourent", leur responsabilité est, en vertu des mêmes dispositions, atténuée à due concurrence lorsque le dommage résulte en tout ou partie de la faute d'un agent ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune et que la responsabilité de la personne morale dont relève l'agent ou le service concerné a été mise en cause par la commune ou la victime ;
Considérant qu'aux termes de l'article 34 du décret susvisé du 6 mai 1988 relatif à l'organisation générale des services d'incendie et de secours : "Le directeur départemental des services d'incendie et de secours exerce, sous l'autorité du préfet ou du maire, les missions dont il est chargé par chacun d'eux dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police. Il contrôle la mise en oeuvre opérationnelle de l'ensemble des moyens relevant du service départemental d'incendie et de secours, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale compétents en matière de lutte contre l'incendie ( ...)" ; qu'aux termes de l'article 35 du même décret : "Le commandement des opérations de secours relève, sous l'autorité du préfet ou du maire agissant dans le cadre de leurs pouvoirs respectifs de police: 1. En cas d'intervention d'un centre de première intervention, au chef de ce centre ou, en son absence, au sapeur-pompier le plus ancien dans le grade le plus élevé; 2. Dès l'intervention sur premier appel ou sur deuxième appel d'un centre de secours principal ou d'un centre de secours, au chef de ce centre ou, en son absence, à l'officier des centres le plus élevé en grade. Le commandement appartient au directeur départemental des services d'incendie et de secours dès qu'il arrive sur les lieux du sinistre ou, en son absence, à l'officier de sapeurs-pompiers désigné par le préfet" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'en cas d'intervention du service départemental d'incendie et de secours, le commandement des opérations de secours lui incombe, y compris la mise en place des mesures de surveillance destinées à parer à une éventuelle reprise du feu après le départ des secours ; qu'il en résulte que la carence fautive constatée en l'espèce sur ce point doit être imputée au seul S.D.I.S. DE L'YONNE ; que celui-ci n'est, par ailleurs, pas fondé, pour les motifs déjà exposés, à soutenir que la commune devrait supporter une part de responsabilité pour n'avoir pas pris les dispositions nécessaires en vue d'assurer un approvisionnement suffisant en eau pour lutter efficacement contre l'incendie à proximité du lieu du sinistre ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le S.D.I.S. DE L'YONNE n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Dijon l'a condamné à garantir intégralement la COMMUNE DE GIVRY des condamnations prononcées contre celle-ci"