M. Philippe Madrelle appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement sur l'inquiétude légitime des habitants de la presqu'île d'Ambés suite à la publication d'un rapport commandé par la communauté urbaine de Bordeaux sous le nom "Aménagement et développement durable des zones inondables – Phase 2 - Propositions d'aménagements".
Il souligne le fait que ce rapport est en totale contradiction avec les conclusions du « plan digues » de l'État contre les inondations maritimes par submersion. En effet, ce rapport de la communauté urbaine de Bordeaux prévoit, en compensation du rehaussement des digues autour des zones urbaines et industrielles, un arasement des digues à Parempuyre, St Louis de Montferrand et St Vincent de Paul. C'est ainsi que sur la seule commune de St Vincent de Paul serait arasée la moitié du linéaire des digues construites par le conseil général. Il lui rappelle que ces digues ont durant cinquante ans montré leur totale efficacité, notamment lors des marées-tempêtes de 1999, 2009 et 2010. L'arasement mettrait en danger plus de 190 maisons et près de la moitié de la population de St Vincent de Paul. Ce projet d'arasement menace également les habitants du sud d'Ambés et de St Louis de Montferrand : 300 foyers et maisons seraient alors mis en danger. En outre, l'état déplorable du réseau hydraulique ne permet plus à ce jour l'évacuation des eaux de crues. En outre, ce rapport de la communauté urbaine de Bordeaux prévoit des extensions urbaines et industrielles en plein milieu de zones inondables. La priorité n'est-elle pas de sauvegarder les vies humaines et d'assurer la sécurité des habitants de la presqu'île d'Ambés sans oublier la sauvegarde de l'environnement ? En conséquence, il lui demande que ce projet d'arasement des digues avec la mise en place d'une zone d'expansion de crues ne soit jamais réalisé. Il en va de la survie de toute la presqu'île.
M. Philippe Madrelle. En début d'année a été publié un rapport commandé par la communauté urbaine de Bordeaux et intitulé « Aménagement et développement durable des zones inondables. Phase 2. Propositions d'aménagement », dont la diffusion a suscité l'inquiétude légitime de tous les habitants de la presqu'île d'Ambès, en aval de Bordeaux, et bien au-delà.
Quatorze mois après la tempête meurtrière Xynthia, le Sénat vient de voter à la quasi unanimité une proposition de loi tendant à assurer une gestion effective du risque de submersion marine, dont mon collègue et ami Alain Anziani était l'auteur, après avoir été le rapporteur de la mission commune d'information sur les conséquences de la tempête Xynthia. Ce texte témoigne de la prise de conscience et de la volonté politique de limiter et d'éviter de nouveaux drames, conséquences de ces catastrophes naturelles.
Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, vous vous rappelez comme moi la terrible tempête du mois de décembre 1999, suivie en 2009 des tempêtes Martin et Klaus. Les communes de Saint-Louis-de-Montferrand et d'Ambès, qui ont dû faire face à de graves inondations, ont alors payé un lourd tribut. Les berges constituent des périmètres sensibles qui doivent être préservés et protégés, puisqu'elles sont les premières touchées en cas de catastrophe.
Si les conclusions du document commandé par la communauté urbaine de Bordeaux ont suscité tant d'inquiétudes, c'est qu'elles sont en totale contradiction avec les conclusions du plan digues.
En effet, ce rapport prévoit, en compensation du rehaussement des digues qui sont présentes autour des zones urbaines et industrielles, un arasement de celles qui sont situées à Parempuyre, Saint-Louis-de-Montferrand et Saint-Vincent-de-Paul. Or, depuis cinquante ans, ces ouvrages ont montré leur efficacité, notamment lors des dernières marées-tempêtes de 1999, 2009 et 2010. L'abandon de toute protection mettrait de nombreuses vies en danger.
Alors que la nécessaire et indispensable préservation de la vie humaine – préalable incontournable – est désormais inscrite dans le droit de l'urbanisme, l'arasement de ces digues menacerait près de 200 maisons et près de la moitié de la population de Saint-Vincent-de-Paul, soit 500 habitants. Un tel projet, que l'on peut qualifier d'incohérent, pour ne pas dire de fou, menace également les habitants du sud d'Ambès et de Saint-Louis-de-Montferrand : 300 foyers d'habitation seraient alors concernés.
Monsieur le secrétaire d'État, nous avons bien conscience que les digues ne constituent pas, à elles seules, une protection absolue, mais leur présence est essentielle ! Le problème du financement de l'entretien de ces ouvrages indispensables à la protection de la population est d'ailleurs à l'ordre du jour.
L'un des objectifs de ce projet d'arasement est la protection de l'agglomération bordelaise en période de submersion marine. Or il ferait baisser le niveau de l'eau de seulement deux à quatre centimètres, voire d'un centimètre, selon certains experts.
Monsieur le secrétaire d'État, vous en conviendrez, il existe très certainement d'autres solutions pour protéger certaines populations qu'en mettre en danger d'autres ! On ne peut faire de cette presqu'île d'Ambès et des marais de l'estuaire de la Gironde des zones d'épandage des submersions marines pour éviter la montée des eaux à Bordeaux. N'oublions pas la présence, dans cet espace, non seulement de nombreux sites industriels classés « SEVESO seuil haut », mais aussi de la centrale nucléaire du Blayais. En 1999, nous avons frôlé la catastrophe à cause des inondations : la montée imprévue des eaux a failli provoquer un accident majeur dans cette centrale nucléaire !
Avec les habitants riverains de l'estuaire de la Gironde, plus particulièrement ceux de la presqu'île d'Ambès, nous demandons que soient recherchées des solutions globales de lutte contre les inondations, qui protégeraient toutes les populations riveraines, sans exception.
Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.
M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports. Monsieur le sénateur, comme vous l'avez très justement rappelé, l'estuaire de la Gironde a été touché par des inondations fluviomaritimes d'ampleur lors de la tempête de 1999 et du passage de Xynthia en 2010.
À la suite des événements de 1999, les études conduites par le syndicat mixte pour le développement durable de l'estuaire de la Gironde, le SMIDDEST, en collaboration avec la communauté urbaine de Bordeaux et le syndicat mixte du schéma directeur de l'aire urbaine, ont confirmé l'interdépendance des territoires vis-à-vis des phénomènes d'inondation et la nécessité d'une approche globale appréhendant l'ensemble des projets à moyen terme susceptibles d'avoir un impact sur l'équilibre hydraulique de l'estuaire.
Trois grands secteurs actuels d'expansion de la crue fluviomaritime consacrés principalement à l'activité agricole ont été identifiés : les marais du Blayais, le secteur de Ludon-Parempuyre et les marais de la presqu'île d'Ambès, que vous avez évoqués, monsieur le sénateur.
Dans ce contexte, la communauté urbaine de Bordeaux travaille depuis plusieurs mois à l'élaboration d'un schéma de gestion des inondations sur son territoire, qui a vocation à être intégré dans un programme d'actions de prévention des inondations. Ce document, à l'échelle du territoire de la communauté urbaine de Bordeaux, prévoit d'améliorer les protections de l'agglomération et de mieux mobiliser les champs d'expansion de Ludon-Parempuyre et de la presqu'île d'Ambès.
Les études techniques en cours, qui doivent aboutir à l'été 2011, visent à limiter le nombre des habitations affectées par ces mobilisations. Ainsi, plusieurs zones au sein de ces trois grands secteurs, dont le centre de la presqu'île d'Ambès, sont libres de tout habitat et pourraient être sur-inondées.
La délimitation géographique de ces zones et les conditions techniques de leur mobilisation n'ont toujours pas été déterminées à ce jour.
Ces secteurs sont protégés des inondations résultant des grandes marées annuelles par un linéaire de digues en terre qui assure aujourd'hui la protection de l'habitat dispersé. Il n'est pas envisagé d'araser ces ouvrages qui protègent ces lieux des inondations régulières. Cette option n'est d'ailleurs pas retenue dans le projet de programme d'actions de prévention des inondations.
En outre, l'État promeut depuis un an auprès des collectivités concernées, gestionnaires de digues, la nécessité de conforter les digues et les ouvrages hydrauliques existants dans le cadre du plan national « submersions rapides », afin de garantir la protection des biens contre les inondations fréquentes. Ce plan de restauration s'inscrira également, de façon cohérente, dans le programme d'actions de prévention des inondations de l'estuaire de la Gironde.
Par ailleurs, le schéma de gestion des inondations prévoit de poursuivre l'urbanisation dans des champs d'expansion actuels de la crue. Les services de l'État ont fait connaître leur désaccord sur ce dernier point et souligné l'impossibilité d'inscrire une telle mesure au programme d'actions de prévention des inondations. La communauté urbaine de Bordeaux devrait revoir ce point dans son schéma.
L'élaboration du programme d'actions de prévention des inondations associe les collectivités en charge de l'aménagement du territoire et prévoit une phase intense de concertation au cours des prochains mois. Celle-ci prendra la forme de groupes de travail thématiques et de réunions d'information et d'écoute publiques, qui seront ouverts à tous les acteurs des territoires, au premier rang desquels les élus. Les associations de la presqu'île d'Ambès seront bien entendu conviées à participer à cette démarche d'information et de concertation.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Madrelle.
M. Philippe Madrelle. Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de vos propos apaisants. Néanmoins, de graves inquiétudes demeurent et la polémique ne tarit pas. Il revient en définitive au préfet, représentant du Gouvernement, de trancher, puisqu'il s'agit d'une responsabilité régalienne.
Il était de mon devoir de vous interpeller et de tirer la sonnette d'alarme. En effet, vouloir transformer les marais de la presqu'île d'Ambès et ceux de l'estuaire de la Gironde en zones d'épandage des crues pour éviter la montée des eaux dans l'agglomération bordelaise, en faisant fi de la menace qui pèserait sur près de 300 foyers, ainsi que – j'insiste sur ce point ! – de la présence de la centrale nucléaire du Blayais, relèverait de l'inconscience ! J'espère que d'autres solutions seront retenues, comme vous l'avez laissé entendre, monsieur le secrétaire d'État, et qu'elles seront conformes au bon sens.