M. Michel Vergoz. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.
Monsieur le ministre, depuis maintenant deux semaines, la Réunion brûle, un joyau de la nation se consume. Deux mille neuf cents hectares d'un trésor naturel inscrit au patrimoine mondial de l'UNESCO sont partis en fumée depuis le 25 octobre 2010. Ce sinistre, d'une ampleur plus de trois fois supérieure à celui de l'an passé, est un désastre écologique en même temps qu'une catastrophe économique.
La raison principale pour laquelle cet incendie s'est propagé aussi rapidement nous a indignés : l'absence de moyens aériens décisifs et le refus par les autorités de mobiliser le bombardier d'eau Dash 8 de la sécurité civile dès que la situation de crise a été avérée.
Au cours de la seule nuit du 28 au 29 octobre, près de 900 hectares sont partis en fumée. Les autorités sont restées délibérément sourdes aux appels des élus locaux. Elles sont aussi restées aveugles en refusant, jusqu'au 31 octobre, ce qui figurait pourtant en clair dans le plan de prévention et de lutte contre les feux de forêt, arrêté par l'État et présenté au grand public le 8 juillet 2011, soit trois mois et demi seulement avant la catastrophe.
Les services de l'État et le Gouvernement sont donc restés sourds et aveugles. En revanche, ils ne sont pas restés muets. Que de certitudes décalées, de remarques ironiques ou de moqueries déplacées ont été proférées par les services de l'État et les membres du Gouvernement !
La ministre chargée de l'outre-mer a qualifié de « besoin psychologique » des Réunionnais l'envoi sur place du Dash 8 !
La confiance se construit et se mérite. Le Gouvernement nourrit, hélas ! par ses actions la défiance envers la République. C'est préoccupant.
Lundi 31 octobre, à dix-neuf heures trente, le préfet et la ministre chargée de l'outre-mer ne confirment toujours pas l'envoi du Dash 8 de la sécurité civile. Le même jour, trois heures plus tard seulement, le ministère de l'intérieur publie un communiqué annonçant l'envoi non pas d'un Dash 8, mais de deux.
Que doit-on penser, monsieur le ministre ? Pouvez-vous nous révéler les réelles raisons qui ont conduit à refuser l'envoi du bombardier d'eau dès que l'incendie s'est déclaré et avant qu'il ne se propage ? Pouvez-vous nous éclairer sur l'enquête criminelle en cours, alors que celle de l'année dernière n'a pas abouti ? À quand l'élaboration d'un nouveau plan crédible et efficace de prévention et de protection pour les feux de forêt, en concertation avec l'ensemble des élus locaux et à la hauteur des enjeux ?
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. Michel Vergoz. Ne serait-il pas temps d'engager une coopération régionale avec les pays de la zone, en particulier avec l'Afrique du Sud, notamment dans le domaine de la sécurité civile ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste-EELV. – Mme Fabienne Keller applaudit également.)
M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration. Monsieur le sénateur, la France entière a été touchée par cet incendie de grande ampleur qui a dévasté une vaste partie du parc national de la Réunion. Ce sont en effet près de 2 900 hectares qui sont partis en fumée dans une zone inscrite au patrimoine mondial de l'UNESCO, du fait d'incendies d'origine volontaire dont les auteurs, c'est exact, n'ont toujours pas été trouvés.
Néanmoins, je me réjouis comme vous qu'aucune victime ne soit à déplorer.
La ministre chargée de l'outre-mer, qui s'est rendue sur place, a annoncé des mesures de soutien au département de la Réunion : un financement à hauteur de 50 % de l'accroissement du parc de véhicules de lutte contre les feux de forêt ; la mise à disposition par le préfet d'une enveloppe de 3 millions d'euros pour des actions de remise en état dans le périmètre de l'incendie ; la mobilisation du fonds de secours du ministère de l'outre-mer pour les agriculteurs touchés par l'incendie.
J'ajoute une chose très importante : le représentant de l'UNESCO a bien assuré à la France que le classement du parc ne serait pas remis en question.
M. Michel Vergoz. Heureusement !
M. Claude Guéant, ministre. S'agissant maintenant des moyens de secours, vous me permettrez d'abord de dire que la solidarité nationale s'est pleinement exercée puisque 420 sapeurs-pompiers sont venus assister leurs collègues de la Réunion. Au plus fort de l'incendie, entre 1 100 et 1 200 personnes, dont les 400 sapeurs-pompiers de la Réunion, ont uni leurs efforts pour lutter contre ce fléau.
Vous évoquez plus spécialement la question des moyens aériens. À cet égard, je veux dire de manière forte que ce n'est pas la polémique qui éteint les incendies. La lutte contre les incendies requiert du savoir-faire et de la technique. C'est un métier.
M. Ronan Kerdraon. La vérité vous gêne !
M. Claude Guéant, ministre. Vous ne l'avez pas dit, mais tous les experts ont observé que le feu se propageait non pas en surface, mais de façon souterraine.
M. Alain Gournac. Exactement !
M. Claude Guéant, ministre. Par conséquent, la bonne réponse consistait à isoler les territoires, à couper le terrain, pour éviter la propagation du feu.
Tous les experts - je dis bien tous les experts - nous disent que l'intervention au début de l'incendie d'un bombardier d'eau n'aurait eu aucun effet ; l'eau, en arrivant au sol, aurait ruisselé et ne serait pas parvenue à stopper la propagation de l'incendie. Dès lors que les bombardiers d'eau ont pu être utiles pour éteindre les reprises de feu, ils ont été envoyés sur place. Vous en aviez demandé un ; j'ai pris la décision d'en envoyer deux. De fait, les bombardiers d'eau sont intervenus au moment où les experts estimaient que c'était utile. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher. Très bien !