M. Jean Hingray attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de l'alimentation sur le démantèlement progressif de l'office national des forêts (ONF) et ses effets directs dans la gestion de nos forêts. La forêt du Grand-Est et donc la forêt vosgienne traversent actuellement une crise climatique sans précédent. Les arbres sont victimes de multiples fléaux : sécheresse, scolytes, chalarose, chenilles processionnaires, aux conséquences éminemment plus désastreuses et pernicieuses dans la durée que la tempête de 1999. Les répercussions économiques et environnementales sont particulièrement préoccupantes. Les élus des communes forestières, les agents de l'ONF et les acteurs de la filière font face à l'urgence du terrain, au dépérissement sévère de ce patrimoine naturel et à la chute des cours du bois. Les impacts en termes de budget pour les communes forestières et leurs élus sont incommensurables et devraient saper toutes les bases foncières existantes. Dans ce contexte, l'office national des forêts (ONF) tente de poursuivre tant bien que mal ses missions de service public, à travers la gestion et la conservation des forêts domaniales. Alors que l'ampleur de la tâche est immense, ce service continue cependant à subir des réformes structurelles incompréhensibles se traduisant notamment par une diminution constante des effectifs. Les conditions de travail des agents sont de plus en plus dégradées. Le contrat d'objectifs et de performance (COP) signé entre l'État et l'ONF pour la période 2016-2020 fait craindre des évolutions majeures qui ne sont pas de nature à dissiper les inquiétudes des agents, bien au contraire. Dans les Vosges, la colère gronde actuellement au titre du plan de réorganisation qui prévoit, sans concertation, les fermetures de trois unités territoriales de l'ONF (Senones, Bruyères et Charmes). Ce plan de réorganisation constitue pour le moins un curieux paradoxe alors que M. le Premier ministre venait annoncer 200 millions d'euros pour la forêt, dans le cadre de plan de relance, lors de son déplacement dans les Vosges, à Golbey, le jeudi 3 septembre 2020. Le temps forestier n'est pas celui du temps politique, des effets d'annonces et de la communication. La forêt s'inscrit dans le temps long. Les agents ONF y ont toute leur place. Seuls ces agents peuvent avoir la connaissance fine du terrain et l'expertise. Ils ont en réalité de moins en moins les moyens de le faire et d'assurer leurs missions de prospective et de stratégie forestière. Les agents s'inquiètent à juste titre d'une destruction du service public forestier et de sa privatisation rampante ; pour quels résultats ? L'ensemble des professionnels forestiers, ainsi que les élus et citoyens préoccupés par l'état des forêts publiques françaises attendent des garanties. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour assurer la survie de ce service public forestier de qualité, s'il entend renoncer à cette logique purement comptable de « redressement » de l'ONF, qui s'inscrit à ce jour en totale contradiction avec une gestion durable de nos forêts et de la biodiversité.
Le Gouvernement est attaché à la pérennité de l'office national des forêts (ONF) et entend conserver l'unité de gestion des forêts publiques, domaniales et communales, par l'ONF. Pour mener une politique forestière ambitieuse et développer les usages du bois, l'État a besoin d'un ONF fort et performant, au regard des défis que rencontre la forêt face au changement climatique et du potentiel qu'elle représente par la valorisation des matériaux bois dans l'atténuation du changement climatique. Il s'agit de maintenir les différents services que les forêts publiques rendent, que ce soit les services économiques, environnementaux, climatiques ou sociétaux. La gestion durable et multifonctionnelle est au cœur du modèle de l'ONF et doit le rester. Ce principe est un élément central du nouveau contrat d'objectif entre l'État et l'ONF pour la période 2021-2025. Pour autant, l'ONF connaît depuis plusieurs années une situation financière en déséquilibre, aggravée récemment par la crise des scolytes dans l'Est de la France, la crise économique et l'impact du changement climatique. Cette situation appelle donc des réponses conjoncturelles mais aussi structurelles, notamment sur son modèle de financement. L'endettement de l'ONF atteint aujourd'hui 350 millions d'euros (M€) et menace la pérennité de l'établissement. Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé de renouveler, dans le cadre du contrat État-ONF 2021-2025, sa confiance en l'ONF, garant de la gestion durable et multifonctionnelle des forêts publiques, tout en engageant des mesures importantes visant à lui redonner des perspectives soutenables. L'État maintient le statut de l'établissement public à caractère industriel et commercial de l'ONF et réaffirme qu'il n'existe aucun projet de privatisation. Ce contrat conforte les missions d'intérêt général (MIG) portées par l'ONF, et consacre la notion de prise en charge à coût complet de ces missions, quel qu'en soit le commanditaire. De son côté l'État s'engage sur un financement complet des MIG qu'il confie à l'ONF. La revalorisation des financements accordés au titre des MIG, à périmètre constant, sur la biodiversité et en outre-mer va permettre de rétablir cet équilibre, et représente 12 M€ depuis 2021 et atteindra 22 M€ en 2024. Les MIG confiées par l'État à l'ONF représenteront ainsi 55 M€ par an. En complément, le Gouvernement décide de mobiliser 60 M€ supplémentaires répartis entre 2021 et 2023 (30 M€ en 2021, 20 M€ en 2022 et 10 M€ en 2023) pour soutenir son établissement en renforçant la subvention d'équilibre. Ceci vient en complément des 140 M€ de versement compensateur annuel. Enfin, dans le cadre du volet forestier du plan France Relance, une dotation de 30 M€ a été allouée pour 2021 à l'ONF pour financer la reconstitution des forêts domaniales atteintes par les crises sanitaires, parmi lesquelles notamment celle des scolytes, ainsi que 1 M€ pour mettre en place de nouveaux vergers à graines de l'État sur des essences d'avenir en lien avec le changement climatique. En contrepartie de ces engagements de l'État, il est demandé à l'établissement un effort de réduction de ses charges à hauteur de 5 % à l'horizon de cinq ans afin d'atteindre l'équilibre financier de l'établissement en 2025. Il est ainsi attendu de l'ONF la poursuite de la mise en œuvre de son schéma d'emplois (- 95 ETP par an) sur la durée du prochain contrat État-ONF et une modération de ses dépenses de fonctionnement à hauteur de 4 M€ dès 2022. Ceci représente une baisse inférieure à 5 % du montant des charges annuelles sur la durée du contrat. Dans le cadre de cet effort, l'État demande à l'établissement de préserver le maillage territorial pour garantir le niveau de services auprès des communes. En parallèle, le Gouvernement a souhaité maintenir l'association étroite des communes forestières à la gouvernance de l'ONF. L'ONF et la FNCOFOR vont s'engager dans une convention arrêtant leurs engagements réciproques sur 2021-2025. Par ailleurs, sur la base d'une comptabilité analytique réformée, l'ONF va assurer une transparence économique et financière renforcée vis-à-vis de l'État, des communes forestières et de ses administrateurs. Initialement envisagé après un réexamen à compter de 2023, le Président de la République a annoncé qu'aucun soutien complémentaire des communes propriétaires de forêts au budget de l'ONF ne sera sollicité. Cette décision doit permettre de s'engager ensemble avec les communes forestières au développement de la filière, en particulier en développant la contractualisation de la vente de bois. En synthèse, le Gouvernement entend ici, avec ses engagements forts et ses orientations précises, donner à l'ONF de la visibilité et des perspectives soutenables, assurer un retour progressif à l'équilibre financier en associant toutes les parties prenantes et lui donner des outils pour mieux maîtriser à l'avenir son modèle économique. L'importance accordée à l'ONF par le Gouvernement reflète l'ambition portée pour la filière forêt-bois et la volonté de placer cette filière au cœur de sa stratégie dé-carbonation. En effet, la filière permet de compenser environ 20 % des émissions françaises de CO2. Elle joue aussi un rôle majeur en matière d'atténuation du changement climatique. Ce rôle repose sur la résilience des forêts, et notamment sur leur capacité à s'adapter à ce changement climatique. Or les sécheresses des années 2003, 2018 et 2019, ainsi que les attaques de scolytes des forêts d'épicéas de l'Est de la France ont été des alertes fortes sur la résilience des forêts. Pour répondre à ce défi, le Gouvernement a décidé, dès juillet 2020, d'investir 200 M€ dans la filière forêt et bois. Dès juillet dernier, le Premier ministre a renforcé ces moyens à hauteur de 100 M€, portant ainsi l'effort à 300 M€ dans le cadre du plan France Relance. Dans le cadre du plan France 2030 annoncé par le Président de la République le 12 octobre dernier, 500 M€ sont dédiés pour les forêts françaises et la filière bois. Les assises de la forêt et du bois sont l'occasion de partager les enjeux et de construire des solutions opérationnelles permettant de déployer au mieux ces moyens. Conscients de l'impact de la crise des scolytes, le Gouvernement français a instauré dès 2018 des aides à l'exploitation et à la commercialisation des bois colonisés par ces insectes et les a prolongés systématiquement. Au regard des impacts sur les finances des communes propriétaires de forêt, le ministère de l'agriculture et de l'alimentation et la ministre chargée de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales ont décidé un mécanisme de soutien exceptionnel en faveur des communes forestières particulièrement touchées par la crise des scolytes, et qui entraîne une dégradation importante de leur situation financière. Par ailleurs, les modalités de constitution d'un fonds d'amorçage pour les communes forestières font actuellement l'objet de discussions avec la Banque des Territoires. De même, des échanges avec les représentant de Régions de France et de la fédération nationale des communes forestières doivent être menés prochainement afin de déterminer l'architecture optimale du dispositif. L'ensemble de ces efforts illustre la détermination du Gouvernement à répondre aux enjeux de la filière forêt et bois.