M. le président. La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. Daniel Salmon. Madame la secrétaire d'État chargée de la biodiversité, il y a quelques jours, au sommet mondial de la biodiversité à Marseille, le Président de la République déclarait dans un beau discours sa détermination à porter haut et fort les enjeux de la biodiversité.
Et voilà que nous apprenons que le Gouvernement s'apprête à réautoriser des pratiques de chasse récemment interdites (Ah ! sur des travées du groupe Les Républicains.), avec le piégeage traditionnel de plus de 100 000 oiseaux sauvages appartenant à des espèces en déclin, alors même que le Conseil d'État et la Cour de justice de l'Union européenne ont récemment déclaré ces pratiques illégales et que la France a perdu – rappelons-le – près du tiers de ses oiseaux depuis le début du XXIe siècle.
Vous n'en serez pas surprise, madame la secrétaire d'État, mais il nous paraît totalement inimaginable de tolérer demain, à nouveau, ces chasses non sélectives. L'Espagne a déjà été condamnée par l'Union européenne sur ce fondement.
Certains prétendent que, défendre la chasse, c'est défendre la ruralité (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.), c'est défendre les traditions. (Oui ! sur des travées du groupe Les Républicains.)
Non, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, le monde rural n'est pas menacé par l'interdiction de pratiques cruelles et dépassées (Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.), qui s'appliquent sur des espèces en déclin.
La majorité des ruraux sont d'ailleurs opposés à ces pratiques de chasse. Les chiffres sont têtus : seuls 26 % des ruraux sont favorables à la chasse telle qu'elle est pratiquée et 70 % des chasseurs sont des urbains – il faut le préciser.
Oui, nous appelons au respect de la ruralité ! Une ruralité bienveillante, vivante et respectueuse de toutes et de tous. (Vives protestations sur des travées du groupe Les Républicains.) Respecter la ruralité, c'est d'abord cesser de soutenir un modèle libéral qui métropolise la France, en détruisant les emplois ruraux.
Mme Cécile Cukierman. Ce n'est pas cela la chasse française !
M. Daniel Salmon. C'est cesser cette agriculture intensive qui met à mal trop de paysans et de paysages. C'est arrêter de détruire les services publics. C'est aussi pouvoir, le dimanche, se promener tranquillement, en paix, en forêt ou sur des chemins ruraux.
Vos mesures clientélistes n'ont rien à voir avec la défense de la ruralité. Madame la secrétaire d'État, quand allez-vous prendre en compte ces territoires délaissés ? (Applaudissements sur les travées du groupe GEST.)
M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la biodiversité.
Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Monsieur le sénateur Salmon, sur le sujet de la chasse, nous cherchons, en responsabilité, à apaiser le débat. Il est évident que personne ne souhaite voir s'installer une agressivité et une tension entre un monde présumé urbain et un monde rural, mondes qui seraient soi-disant incapables de se comprendre et de s'entendre.
C'est pourquoi nous devons dessiner des solutions pragmatiques.
Il s'agit d'abord de protéger la biodiversité. Vous le savez, nous y travaillons dans le cadre de ce que nous appelons la gestion adaptative et de la notion de sélectivité, qui est extrêmement importante pour le bon état des populations.
Il s'agit aussi de tenir compte du contexte et de pratiques anciennes, qui forment une sorte de patrimoine culturel. Si comme moi vous connaissez bien la ruralité, vous connaissez aussi ce contexte.
À partir de cette situation, des questions juridiques se posent. Sommes-nous, en ce qui concerne la préservation des oiseaux, en conformité avec le droit européen, en particulier avec la directive Oiseaux ? Nous devons encore nous en assurer : en effet, le Conseil d'État a pris une décision sur la forme – la manière dont les arrêtés sont construits –, et non sur le fond. C'est pourquoi nous avons souhaité soumettre de nouveau ces arrêtés. Cela permettra de clore le débat sur l'autorisation de ces différentes pratiques – il y en a plusieurs, ce qui a son importance en termes de sélectivité.
Nous devons aussi observer les conséquences des mesures qui ont déjà été prises. Ainsi, nous avons arrêté la chasse à la glu et suspendu les chasses à la barge à queue noire, au courlis cendré ou au grand-tétras.
Voilà donc notre ligne : un cadre législatif européen sur la sélectivité, un bon état des populations, la sécurité des pratiques et la formation à la chasse. J'ajoute que des questions sociétales peuvent se poser, par exemple sur le bien-être animal – je serai d'ailleurs de nouveau devant vous dans quelques jours pour en débattre.
Au-delà de la démocratisation de certaines pratiques, nous avons assuré un cadre sécurisé et nous sommes très attachés au droit européen et à la conservation des populations. (Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.)