M. Raymond Vall. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.
Monsieur le ministre, depuis plusieurs jours, l'ensemble de la presse et des médias se fait l'écho des graves difficultés financières dans lesquelles se trouvent de nombreux conseils généraux. Ce déséquilibre budgétaire est provoqué par l'inflation des dépenses liées à la politique sociale décidée et transférée par l'État à ces mêmes collectivités, sans que leur soit versée la compensation financière équivalente.
En 2008, ces dépenses se sont élevées à plus de 11 milliards d'euros, l'État n'en ayant compensé que 7,5 milliards d'euros.
L'exemple le plus flagrant est celui de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, dont les charges transférées devaient être initialement supportées à parts égales, mais qui sont aujourd'hui supportées à 70 % par les conseils généraux.
M. Gérard Longuet. Merci, M. Jospin !
M. Raymond Vall. On observe la même dérive pour tous les autres dispositifs tels que le revenu de solidarité active, le RSA, que les conseils généraux compensent déjà à hauteur de 20 %, contrairement aux engagements pris par l'État. Dans le Gers, pour ne citer que cet exemple, les dépenses sont passées de 30 millions d'euros en 1998 à 100 millions d'euros en 2010 !
Cette injustice est aujourd'hui dénoncée par les présidents de conseil général de droite comme de gauche. Elle est confirmée par un récent rapport du professeur Dominique Rousseau remis à l'Assemblée des départements de France, mais aussi par la Cour des comptes, qui dans son rapport sur la décentralisation soulignait ceci : « Les modes de compensation par l'État des transferts ont été très fluctuants et le plus souvent jugés insuffisants ». (M. Jean-Louis Carrère s'exclame.)
Monsieur le ministre, le Gouvernement est bien conscient de cette situation puisque la direction générale des collectivités territoriales a publié une liste des conseils généraux en situation de crise : ils sont 25 en 2010 et seront 60 en 2011.
L'ensemble des élus dénonce donc le non-respect de l'article 72-2 de la Constitution, qui pose pourtant deux principes : d'une part, la compensation à due concurrence des transferts de compétences de l'État vers les collectivités ; d'autre part, le principe d'autonomie financière des collectivités, mis à mal par la suppression, en 2010, des ressources issues de la taxe professionnelle, et par celle, dans le cadre de la réforme des collectivités territoriales, des ressources émanant de la taxe d'habitation.
Ces dettes de l'État envers les départements se traduisent déjà par des réductions d'investissement, qui se répercuteront en cascade sur les autres collectivités, impactant directement l'activité économique, en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue.
M. Raymond Vall. Monsieur le ministre, les sénateurs radicaux de gauche et les membres du groupe RDSE en appellent au respect de l'État de droit, au respect des engagements de l'État et à l'arrêt immédiat de l'asphyxie financière des collectivités.
Ma question est donc très simple : quand comptez-vous enfin doter nos collectivités des moyens nécessaires à l'exercice des missions que vous leur avez transférées ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Bernard Vera applaudit également.)
M. René-Pierre Signé. Bonne question !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, permettez-moi, au préalable, de démentir l'existence de cette prétendue liste de départements en difficulté, que vous avez évoquée. La direction générale des collectivités locales, et donc le ministère de l'intérieur, est totalement étranger à cette publication. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Louis Carrère. C'est une rumeur ! (Sourires sur les mêmes travées.)
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'est dans la presse.
Monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient des difficultés financières d'un certain nombre de départements.
Deux raisons expliquent celles-ci : d'une part, ainsi que vous l'avez rappelé, le fort dynamisme des dépenses sociales, notamment celles qui sont liées à l'APA, laquelle, je le signale au passage, a été transférée aux départements en 2001 par le gouvernement de Lionel Jospin (Applaudissements sur les travées de l'UMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.) ; d'autre part, la crise, qui a entraîné une baisse très importante des ressources fiscales des départements, et principalement des droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, de l'ordre de 2 milliards d'euros en 2009.
Bien entendu, face à cette situation, le Gouvernement n'est pas resté inactif.
D'abord, contrairement à ce qui avait été initialement prévu, il a reconduit en 2009 et en 2010, soit pour deux exercices budgétaires supplémentaires, les crédits du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion, le FMDI, pour un montant de 500 millions d'euros. Je rappelle que ce fonds était prévu à l'origine pour une durée de trois ans : 2006, 2007 et 2008.
Ensuite, le Gouvernement a mis en place en 2009 un mécanisme de remboursement anticipé du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, auquel ont adhéré quatre-vingt-dix départements sur cent. Cela représente pour l'État, par rapport aux dotations habituelles, un effort supplémentaire de 3,8 milliards d'euros,…
M. Pierre-Yves Collombat. Cela n'a rien à voir !
M. Alain Marleix, secrétaire d'État. … dont près de 30 % au bénéfice des seuls départements. Monsieur le sénateur, je pourrai d'ailleurs vous en fournir la liste, qui, elle, est bien réelle.
Enfin, M. le Premier ministre a récemment confié à Pierre Jamet, directeur général des services du département du Rhône, une mission sur la consolidation des finances des départements, fragilisées par la crise.
Le Gouvernement sera sans doute amené à prendre des décisions dès après la remise de ce rapport, à la mi-avril.
De façon plus globale, je vous rappelle que l'effort financier de l'État en faveur des collectivités locales est toujours aussi soutenu. Il s'élève à près de 80 milliards d'euros en 2010, et même, si l'on y ajoute la fiscalité transférée, 98 milliards d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Bravo !
M. Pierre-Yves Collombat. Je le répète : cela n'a rien à voir !