PROPOSITION DE RÉSOLUTION
Article unique
L’Assemblée nationale,
Vu l’article 34-1 de la Constitution,
Vu l’article 136 du Règlement,
Vu les articles 1er et 5 de la charte de l’environnement de 2004 annexée à la Constitution,
Vu le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, par lequel la Nation garantit à toute personne le droit fondamental à la protection de la santé,
Vu l’article 191 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,
Vu la communication de la Commission du 2 février 2000 sur le recours au principe de précaution, prise en application de la résolution du 13 avril 1999 du Conseil, ainsi que la résolution du Conseil européen de Nice des 7 à 10 décembre 2000 sur le principe de précaution, annexée aux conclusions de la présidence,
Considérant que le principe de précaution s’impose dans le domaine sanitaire en application du droit européen, mais que, tel qu’il est défini par la charte de l’environnement de 2004, il ne s’applique aux risques sanitaires qu’en cas de combinaison des dispositions de ses articles 1er et 5, c’est-à-dire de risque pour l’environnement ayant également une incidence sur la santé ;
Considérant que la mise en œuvre cohérente et conforme à l’intention du constituant des dispositions de l’article 5 de la Charte, d’application directe, comme du principe de précaution applicable dans le domaine sanitaire résultant du droit européen, devrait utilement s’appuyer sur la définition de lignes directrices pour la mise en place d’une organisation des rôles dévolus aux autorités publiques ;
Considérant que le débat public doit permettre l’expression pluraliste des valeurs, des choix de société, des priorités sociétales, de sorte que toute décision portant sur un risque à prendre, quand bien même il serait hypothétique, soit précédée d’une réflexion portant sur l’utilité sociale, le coût économique et environnemental, et les enjeux éthiques des choix qui découleront de cette décision ;
Considérant que l’expertise scientifique, outre celle des disciplines scientifiques concernées pour permettre l’évaluation du risque, doit s’étendre au domaine et aux techniques des sciences humaines et sociales, selon une procédure qui ne se confond pas avec une simple consultation de la société civile, mais qui vise à permettre la présentation au public des avantages et des inconvénients comparés, de tout ordre, du procédé ou du produit auquel est associé un risque incertain mais plausible relevant de la précaution ;
Considérant le devoir de prévention sanitaire qui s’impose aux autorités publiques conformément au onzième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui a prévu que « Elle [La Nation] (…) garantit à tous (…) la protection de la santé » ;
1. souhaite que, pour l’application du principe de précaution, soit mise en œuvre une procédure d’identification de l’émergence de nouveaux risques pour l’environnement, la santé publique et la sécurité alimentaire, confiée à une instance choisie à cet effet et chargée, une fois l’émergence d’un risque hypothétique analysée comme plausible, de désigner un référent indépendant, pilotant, sur un sujet donné, la mise en œuvre du régime de précaution dans chacune de ses phases et en rendant publiquement compte ;
2. estime que le référent précité devrait avoir la faculté de susciter l’expertise scientifique contradictoire et indépendante nécessaire à l’évaluation du risque et des bénéfices escomptés, directs ou indirects, ainsi que l’expertise scientifique sociétale permettant l’évaluation de l’utilité collective du procédé ou du produit considéré ;
3. précise que le rapport du référent précité devrait comporter, en particulier, un examen des avantages et des charges résultant de l’action ou de l’absence d’action ainsi qu’une analyse des coûts et des bénéfices des différentes options possibles, lorsque cela est approprié et réalisable, sans préjudice d’autres méthodes d’analyse non économiques, notamment d’ordre social ou éthique, tout particulièrement pour ce qui touche à la protection de la santé ;
4. considère que l’évaluation des risques et des bénéfices escomptés doit s’inscrire dans les principes d’excellence, d’indépendance, de transparence, d’interdisciplinarité et de contradiction, et s’attacher à caractériser l’incertitude scientifique et technique en ce qui concerne le risque plausible considéré ;
5. souhaite que les rapports d’évaluation des risques et des bénéfices escomptés s’appuient sur un jugement étayé et contradictoire, réalisé par l’instance d’identification précitée, de la qualité scientifique des travaux disponibles, qui tienne compte, dans la plus grande transparence, du respect des règles d’indépendance de l’expertise au regard d’éventuels conflits d’intérêts, notamment non scientifiques, concernant leurs auteurs ;
6. souhaite également qu’à l’issue de l’expertise, le référent soumette aux autorités compétentes les éléments nécessaires à l’organisation d’un débat public, que le public et les parties prenantes accèdent ainsi à l’état disponible complet des rapports d’évaluation et d’expertise, et que, après la tenue du débat public, le référent rende publics les rapports résultant de ce débat ainsi que les propositions qu’il formule à destination des autorités publiques ;
7. rappelle qu’il appartient aux autorités publiques, saisies par le référent de l’ensemble des conclusions de l’expertise et des débats publics, de promouvoir les recherches scientifiques permettant de mieux cerner le risque considéré, et de prendre les mesures, proportionnées et provisoires, qui s’imposent pour le limiter, en motivant leurs décisions ;
8. précise que de telles mesures devraient être proportionnées au niveau de protection recherché en mettant en balance le risque redouté et les bénéfices directs ou indirects escomptés, et choisies de façon à être effectives, non discriminatoires et cohérentes au regard des mesures déjà prises dans des situations similaires, tout en tenant compte des développements scientifiques et techniques les plus récents et de l’évolution du niveau de protection recherché ;
9. rappelle enfin que, bien que de nature provisoire, les mesures de précaution doivent être maintenues tant que les travaux scientifiques demeurent incomplets, imprécis ou non concluants et tant que le risque est réputé suffisamment important pour ne pas accepter de le faire supporter à la société, leur maintien dépendant de l’évolution des connaissances scientifiques et techniques, à la lumière de laquelle elles doivent être régulièrement réévaluées.