Présentation :
Plusieurs décisions de justice récentes ont retenu l’attention.
Le droit de l’environnement occupe une place non négligeable avec notamment un jugement inédit qui valide un arrêté « anti-pesticide ».
D’autres problématiques sont par ailleurs abordées : la santé des agents publics ou encore la contribution aux SDIS.
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RESPONSABILITÉ
Responsabilité administrative
Manquement aux obligations européennes
Le recours en manquement est une procédure judiciaire européenne destinée à mettre en cause un État qui manquerait à ses obligations découlant des traités ou du droit dérivé de l’Union.
Même si tous les États membres de l’UE peuvent déposer ce type de recours, en pratique seule la Commission européenne l’utilise.
La Commission a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) en vue de constater le non-respect par la France des dispositions de la directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air ambiant et un air pur pour l’Europe.
La Cour de justice a rappelé au préalable que ce recours « repose sur la constatation objective du non-respect par un État membre des obligations que lui imposent le traité FUE [le traité de fonctionnement de l’Union européenne] ou un acte de droit dérivé ».
Pour les juges européens, il ne fait nul doute, qu’au regard des données résultant des rapports annuels sur la qualité de l’air, la France « a très régulièrement dépassé, d’une part, les valeurs limites annuelles pour le NO2 [dioxyde d’azote] dans douze agglomérations et zones françaises et, d’autre part, la valeur limite horaire pour ce polluant dans deux de ces agglomérations et zones ».
Toujours selon eux, le seul constat démontre une violation aux dispositions combinées de l’article 13§1 de la directive 2008/50 et de l’annexe XI.
La Cour européenne a rejeté un par un les arguments développés par la France parmi lesquels ses difficultés techniques ou structurelles pour améliorer l’air ambiant.
La France a ainsi été condamnée pour avoir dépassé « de manière systématique et persistante » la valeur limite annuelle pour le dioxyde de carbone et ce depuis le 1er janvier 2010.
(CJUE 24 octobre 2019, n° C-636/18, Commission européenne c/ France)
Pouvoirs de police générale du maire
Le Préfet des Hauts-de-Seine a demandé au juge des référés du tribunal de suspendre l’arrêté municipal du 13 juin 2019.
Cet arrêté dit « anti-pesticide » encadre l’usage des produits phytopharmaceutiques dans certains espaces. En effet, le maire de la commune de Gennevilliers a pris un arrêté en vue d’interdire « l’utilisation du glyphosate et de produits phytopharmaceutiques à l’exception des produits à faible risque ou des produits qui n’ont pas fait l’objet de classement, autorisés en agriculture biologique et de bio-contrôle, pour l’entretien de certains espaces définis à son article 2 ».
Le juge des référés a, tout d’abord, mentionné les dispositions du code rural et de la pêche maritime qui fixent le cadre légal pour l’utilisation des produits phytopharmaceutiques. A ce titre, le législateur a instauré une police spéciale qui « relève selon les cas de la compétence des ministres chargés de l’agriculture, de la santé, de l’environnement et de la consommation ou de celle du préfet du département dans lequel ces produits sont utilisés ».
Par conséquent, en dépit des pouvoirs de police générale dévolus au maire, celui-ci « ne saurait s’immiscer dans l’exercice de cette police spéciale » sauf dans deux situations : « en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières ».
Or pour le juge, « il ne saurait être sérieusement contesté que les produits phytopharmaceutiques […] constituent un danger grave pour les populations exposées […] ».
Dès lors, au regard des données avancées par le maire en matière de pollution visible dans sa commune, le juge a estimé que l’élu était bien compétent pour adopter un tel arrêté.
Ce jugement est innovant dans la mesure que c’est la première fois qu’un arrêté dit « anti-pesticide » est accueilli favorablement. Le juge admet, dans certaines situations bien particulières, que le maire puisse agir pour combler les carences des autorités compétentes en matière d’utilisation de pesticides.
Pour mémoire, un jugement en date du 27 août 2019 avait adopté une solution inverse. Le juge des référés avait considéré que le maire « ne saurait en aucun cas s’immiscer par l’édiction d’une réglementation locale, dans l’exercice d’une police spéciale que le législateur a organisée à l’échelon nationale et confiée à l’État » (TA Rennes, n° 1904033, Préfet d’Ille-et-Vilaine c/ Mairie de Langouët). De plus, le principe de précaution dont dispose le maire « ne saurait avoir ni pour objet ni pour effet de permettre à une autorité publique d’excéder son champ de compétence et d’intervention en dehors de ses domaines ». L’arrêté contesté avait été suspendu.
Surtout, la solution adoptée s’écarte sérieusement de la position adoptée par le Conseil d’Etat (cf. Veille juridique n° 2019-10).
La portée du jugement demeure incertaine. En effet, le jugement du 8 novembre n’est pas encore devenu définitif, il est susceptible de faire l’objet d’un appel. Il s’agit d’une affaire à suivre.
(
, n° 1912597, Préfet des Hauts-de-Seine c/ arrêté municipal du 13 juin 2019)
STATUT
Droits et libertés
Protection sociale des sapeurs-pompiers volontaires
Un sapeur-pompier volontaire a été blessé au genou à deux reprises lors d’interventions. Ces blessures ont été reconnues imputables au service. De ce fait, le sapeur-pompier bénéficie d’une allocation d’invalidité.
Il a toutefois saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne afin d’être indemnisé de l’intégralité des préjudices subis des suites de son invalidité. De plus, il a demandé qu’une faute soit retenue à l’encontre de son employeur.
Par un jugement du 26 avril 2016, le tribunal a écarté une quelconque faute du SDIS, mais a toutefois alloué un complément d’indemnisation.
En appel, le jugement a été infirmé au motif que l’absence de faute du SDIS empêchait toute indemnisation supplémentaire.
Le requérant s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’État a mentionné les dispositions relatives à la protection sociale particulière des sapeurs-pompiers volontaires.
Les juges du Palais-Royal ont déduit que les dispositions citées « ne font […] pas obstacle à ce que le sapeur-pompier volontaire qui subit, du fait de l’invalidité ou de la maladie, des préjudices patrimoniaux d’une autre nature ou des préjudices personnels obtienne de la personne publique auprès de laquelle il est engagé, même en l’absence de faute de celle-ci, une indemnité complémentaire réparant ces chefs de préjudice, ni à ce qu’une action de droit commun pouvant aboutir à la réparation intégrale de l’ensemble du dommage soit engagée contre la personne publique, dans le cas notamment où l’accident ou la maladie serait imputable à une faute de nature à engager la responsabilité de cette personne ou à l’état d’un ouvrage public dont l’entretien lui incombait ».
En refusant d’allouer au demandeur une indemnité complémentaire, les juges d’appel ont commis une erreur de droit.
L’arrêt de la cour d’appel a ainsi été annulé.
(CE 7 novembre 2019, n° 409330, M. P… C… c/ SDIS des Ardennes)
LÉGALITÉ FINANCIÈRE
Contributions aux SDIS
Les services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) sont des établissements publics, dotés de la personnalité juridique et de l’autonomie financière.
Cet établissement est dirigé par un colonel sapeur-pompier et placé sous la double autorité du préfet départemental (pour la gestion opérationnelle) et du président de son conseil d’administration (pour la gestion administrative et financière).
La complexité du fonctionnement du SDIS se répercute dans son financement. Son budget annuel est issu principalement des contributions du département, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).
Ce sont les articles L.1424-35 et suivants du code général des collectivités territoriales (CGCT) qui déterminent le régime applicable concernant la contribution des collectivités et des EPCI.
En outre, les SDIS peuvent recevoir des revenus provenant du fond d’aide à l’investissement et de l’État lui-même pour des objets bien déterminés.
L’article L.1424-36-1 du CGCT dispose que « Les crédits du fonds d'aide à l'investissement des services départementaux d'incendie et de secours sont attribués aux services départementaux d'incendie et de secours, par les préfets des zones de défense dont ils ressortent, sous la forme de subventions pour la réalisation d'une opération déterminée correspondant à une dépense réelle d'investissement et concourant au financement des systèmes de communication ou à la mise en œuvre des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques mentionnés à l'article L. 1424-7 ».
Le ministre chargé de la sécurité civile peut également attribuer une dotation aux SDIS « pour une dépense d'investissement intervenant dans le champ de la sécurité civile et concourant à la mise en œuvre de projets présentant un caractère structurant, innovant ou d'intérêt national » (article L.1424-36-2 du CGCT).
De plus, l’État participe « au coût de la nouvelle prestation de fidélisation et de reconnaissance des sapeurs-pompiers volontaire » (article L.1424-36-3 du CGCT).
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Dans une l’espèce, lors de trois délibérations en date du 15 décembre 2015, le conseil d’administration du SDIS 83 a adopté une nouvelle méthode de rééquilibrage des charges contributives des communes et des EPCI et a également fixé le montant global prévisionnel de leurs contributions au titre de l’année 2016.
La commune de Néoules a demandé au tribunal administratif l’annulation de la décision de notification du SDIS du Var du 17 décembre 2015.
Le Tribunal administratif de Toulon a donné raison à la commune et a annulé la décision du SDIS.
Avant de se prononcer, les juges d’appel ont énoncé les dispositions de l’article L.1424-35 du CGCT.
Ce texte impose qu’avant le 1er janvier de l’année en cause, le montant prévisionnel des contributions arrêté par le conseil d’administration du SDIS doit être porté à la connaissance des communes et EPCI.
Dans les six mois suivant son renouvellement, le conseil d’administration « organise un débat portant sur la répartition des contributions entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale du département ».
En l’absence de délibération organisée par le conseil d’administration du SDIS pour déterminer le montant prévisionnel la contribution de chacun, celle-ci « est calculée, dans des conditions fixées par décret, en fonction de l'importance de sa population, de son potentiel fiscal par habitant ainsi que de la part de sa contribution dans le total des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constatée dans le dernier compte administratif connu ».
Selon les dispositions de l’article R.1424-32 du même code, le conseil d’administration est tenu de fixer le montant prévisionnel des recettes du SDIS avant le 15 octobre de l’année précédant l’exercice. Si tel n’est pas le cas à cette date, « celui-ci est égal, […], au montant des contributions de ces collectivités et établissements publics constatées dans le dernier compte administratif connu », revu selon le dernier indice de l’INSEE.
De même, avant le 1er novembre de l’année précédant l’exercice, le conseil d’administration doit avoir, lors d’une délibération, fixer les modalités de calcul des contributions du département, des communes et des EPCI.
A défaut, « la contribution de ces collectivités et établissements au montant prévisionnel des recettes est répartie dans les conditions suivantes : la contribution de chaque commune et de chaque établissement public de coopération intercommunale est égale : a) pour 80 % de son montant à la part de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale dans le total des contributions des communes et des établissements publics de coopération intercommunale constaté dans le dernier compte administratif du service départemental d'incendie et de secours, corrigé, le cas échéant, pour tenir compte des opérations de transfert intervenues dans l'année ; b) pour 20 % de son montant, au produit de la population par l'écart relatif entre le potentiel fiscal moyen par habitant de l'ensemble des communes du même groupe démographique et le potentiel fiscal par habitant de la commune ou de l'établissement public de coopération intercommunale (...) ».
Le conseil d’administration, en fixant le montant prévisionnel des contributions le 15 décembre, n’a pas respecté le délai tel que prévu par l’article R.1424-32 du CGCT à savoir avant le 15 octobre de l’année précédant l’exercice. La Cour administrative d’appel de Marseille a donc rappelé que le conseil d’administration du SDIS ne peut s’écarter de ces délais.
En outre, le conseil d’administration n’a pas la possibilité de modifier les modalités de calcul des contributions du département, des communes et des EPCI en proposant un nouvel indice d’évolution des charges contributives.
Pour les juges d’appel, le conseil d’administration aurait dû se fonder sur l'indice des prix à la consommation, seul critère de droit commun autorisé par les textes.
Pour ces raisons, les juges du second degré ont confirmé le jugement du tribunal administratif qui a annulé les trois délibérations.
En conclusion, pour la fixation du budget annuel, le conseil d’administration du SDIS est tenu d’appliquer strictement les textes en la matière sans possibilité pour celui-ci de s’en éloigner en adoptant de nouvelles conditions.
(CAA Marseille 5 novembre 2018, n° 17MA00791, Commune de Néoules c/ SDIS du Var)
Un conseiller municipal a demandé au Tribunal administratif de Nîmes d’annuler la délibération du 15 septembre 2014 par laquelle le conseil municipal a approuvé la participation de la ville de Vaison-la-Romaine dans la construction d’une caserne ainsi que l’affectation du terrain viabilisé.
Le tribunal administratif a partiellement annulé la délibération contestée et a enjoint la commune de mettre tout en œuvre pour récupérer les sommes qu’elle a versées au SDIS du Vaucluse.
Le SDIS du Vaucluse a interjeté appel de la décision.
La Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que la contribution de la commune dans la construction d’une nouvelle caserne relevait des affaires de la ville au sens de l’article L.2121-29 du code général des collectivités territoriales.
De plus, selon les juges d’appel, le fait que « la commune aurait transféré ses compétences en matière d’incendie et de secours ne prive pas la délibération en cause son caractère d’intérêt communal ».
En raison d’une mauvaise application des textes, le jugement a été infirmé.