Vous trouverez ci-dessous un extrait du travail réalisé par le Lieutenant-colonel Christophe PASQUINI (SDIS du Var) et le Capitaine Martin DEROIDE (SDIS du Morbihan). Ce travail a été primé lors de la Cérémonie des Prix de l'ENSOSP, en novembre 2016, en tant que Prix de l'innovation pour la catégorie du même nom.
Les situations de requérants égarés ou de victimes blessées ou choquées, n’étant pas en mesure de se localiser précisément sont malheureusement fréquentes. Accident de circulation en zone rurale, personne perdue en montagne, promeneur blessé en forêt, accident en mer, sur un plan d’eau ou lors de la pratique d’un sport à risques en dehors des sentiers balisés (VTT, parapente, ski, moto cross…), tous les départements rencontrent la même problématique.
La rapidité de l’acheminement des secours lors d’une situation d’urgence est une préoccupation majeure des SDIS dont la capacité repose notamment sur la qualité et la précision de la prise d’alerte des opérateurs des salles opérationnelles.
Si, il y a dix ans, un premier décret stipulait que «lors d’un appel d’urgence, l’opérateur transmet aux services de secours les données de localisation de l’appelant, lorsque les équipements dont il dispose lui permettent de connaître ces données», sa rédaction peu précise a permis aux opérateurs de téléphonie de ne pas y donner une suite concrète.
Aussi, à ce jour, pour obtenir une localisation précise des demandes de secours dans les cas mentionnés précédemment, les centres de réception des appels d’urgences (également dénommés « public safety access point ») disposent des seules méthodes et outils suivants :
Si un projet de plateforme de localisation des appels d’urgence (PFLAU) a bien été lancé en 2015, seuls quelques SDIS en bénéficient aujourd’hui en phase expérimentale. Le déploiement opérationnel sera généralisé en France d’ici fin 2017, mais la précision de localisation des appels mobiles ne sera pas maximale (rayon de quelques centaines de mètres à plusieurs kilomètres selon les zones) et ne permettra probablement pas de déterminer précisément le lieu des appels de secours dans toutes les situations.
L’objectif principal de ce projet consiste à mettre à disposition des opérateurs de traitement des appels d’urgence (OTAU) une solution simple d’utilisation, permettant de géolocaliser les appels s’appuyant sur les technologies les plus répandues parmi nos concitoyens : le téléphone portable et plus précisément le Smartphone.
Il convient donc, dans un premier temps, de développer un outil répondant au besoin de localisation précise et rapide des opérateurs. A l’issue, d’autres fonctionnalités intéressantes pourront être étudiées.
L’objectif principal de ce projet consiste à mettre à disposition des centres de réceptions des appels d’urgence, le plus largement possible, de manière rapide et à moindre coût, une solution, simple d’utilisation, permettant de géolocaliser les appels d’urgence.
Pour y répondre, trois idées maitresses ont été développées :
a)- Mutualiser le développement informatique de l’outil de géolocalisation
La mise en réseau des compétences informatiques de deux départements (Var et Morbihan) a été un des réels enjeux de ce projet.
Outre un gain de temps considérable, cette pratique a permis de s’enrichir mutuellement d’idées novatrices, tout en conservant un objectif réaliste répondant aux besoins opérationnels, sans « particularisme » local, permettant ainsi d’assurer une compatibilité avec les différentes pratiques départementales.
A notre connaissance, il n’y avait jamais eu de mutualisation de développements informatiques avec, à l’issue, une généralisation aussi rapide et étendue auprès des autres SDIS.
Pour le service de géolocalisation envisagé, les deux développeurs Martin DEROIDE (SDIS 56) et Loïc CLERGET (SDIS 83) disposaient des compétences suffisantes pour développer eux-mêmes l’application. Les priorités de développement ont ainsi été fixées en vue de répartir la charge de travail. Le choix de technologies simples et répandues, déjà utilisées par ailleurs par les sites web marchands (site web/SMS/localisation GPS…), a été réalisé en vue d’aboutir rapidement à un résultat concret et exploitable.
b)- Permettre un accès « Clé en main » à tous les utilisateurs
Plus qu’un simple logiciel présentant les contraintes habituelles (installation, hébergement, mises à jour, maintenance, abonnement…), le choix s’est porté sur la réalisation d’une « web application » hébergée par les deux SDIS porteurs du projet et permettant une utilisation immédiate du service proposé par les différents utilisateurs. En quelques minutes, après création et validation d’un compte administrateur désigné pour son organisation, chaque structure peut être ainsi connectée à la plate-forme GEOLOC18_112.
L’autre idée novatrice de notre projet (ayant largement contribué à son succès) a réellement reposé sur la mise à disposition d’un accès « Clé en main » au service « GEOLOC18_112 », sans aucune contrainte pour les utilisateurs et avec une capacité immédiate d’utilisation.
c)- Limiter les coûts de fonctionnement et d’utilisation
En vue de mutualiser l’utilisation de notre plateforme avec d’autres centres de réception des appels d’urgence, la mise à disposition d’un accès à moindre coût aux utilisateurs tiers était nécessaire. Pour se faire, il a d’abord été décidé de limiter les coûts d’hébergement du site web (serveurs web personnels) et de négocier un partenariat avec une plateforme d’envoi de SMS permettant à chaque utilisateur d’expérimenter gratuitement l’application. L’idée était de déployer le service dans les différentes structures, sans engagement financier de leur part qui aurait nécessité une validation hiérarchique et un engagement « officiel » dans la démarche.
Une application web à vision nationale est, par essence, confrontée aux attentes de multiples utilisateurs qui peuvent varier en fonction des interlocuteurs : utilisateurs, hiérarchie, partenaires extérieurs, service informatique... Il a donc été nécessaire, pour les deux développeurs porteurs du projet, de positionner leur démarche dans l’organisation du SDIS en tenant compte des usages, des pratiques, des méthodes, des ressources allouées et d’identifier les possibilités techniques à sa disposition.
Cette équipe a été également en charge de la gestion de la transversalité et de l’explicitation de la place du projet par rapport aux autres missions des différents services du SDIS. En marge de ce noyau, sont venues se greffer d’autres compétences selon les étapes du projet.
Afin que l’ensemble des groupes utilisateurs constitués soit mobilisé, une forte communication autour du projet a été mise en place. Le projet « GEOLOC18_112 » a été défini par les deux directeurs départementaux comme projet structurant donnant un socle fédérateur source de motivation pour l’ensemble des acteurs impliqués.
De fonctionnement très simple, cette application envoie un SMS depuis une plateforme. Il suffit ensuite au requérant de répondre à la demande de géolocalisation formulée par ce SMS. Sous réserve que l’appel soit émis depuis un Smartphone disposant d'une connexion data, sa position sera affichée dans le système d'alerte en quelques secondes, permettant l'engagement des secours sans perte de temps.
Dans un souci de mutualisation des compétences, les deux concepteurs ont proposé de partager leur nouveau logiciel en mettant, gratuitement et clé en main, un accès à la disposition des organisations recevant des appels d’urgence (sapeurs-pompiers, SAMU, forces de l’ordre, CROSS...)
En trois mois seulement, les utilisateurs du service « GEOLOC18_112 » se sont multipliés : 51 CODIS, le BMPM, 4 SAMU, 7 CROSS (5 en métropole, 1 aux Antilles-Guyane, 1 à la Réunion ainsi que les MRCC de Nouvelle-Calédonie et de Papeete) et les utilisations en situation réelle ont pu démontrer toute leur efficacité.
De plus, le concept innovant de cet outil ainsi que la démarche de mutualisation initiée au profit des différents acteurs de secours ont fait l’objet d’une large communication par le biais des médias nationaux et locaux (Europe 1, France bleue, France 3 Nice Côte d’Azur, TV83...), de la presse (Var Matin, La Rep.fr, Sapeurs-Pompiers Magazine...) et des réseaux sociaux (Facebook et Tweeter notamment). A ce titre, le compte Twitter @GEOLOC18_112 a été créé et recense déjà près de 540 abonnés.
Pour conclure, bien plus qu’un projet, la nouvelle application « GEOLOC_18/112 » participe d’une nouvelle méthodologie de travail ; une approche basée sur le partage et la mutualisation des compétences internes entre les services d’incendie et de secours dans le but d’apporter une réponse toujours plus efficace à la réalisation des principales missions des sapeurs-pompiers. En effet, si le partage de logiciels et l’échange des bonnes pratiques se démocratisent de plus en plus, très rares sont encore les applications ayant rencontré une adhésion et une généralisation aussi rapide et étendue auprès d’autres SDIS.
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