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TUTELLE D’ÉTAT : RESPONSABILITE DE L’ÉTAT EN CAS DE DYSFONCTIONNEMENT

Chapo
Considérant qu’il y avait bien eu une faute dans le fonctionnement d’une tutelle par l’administrateur public qui en était chargé, la Cour de cassation rappelle qu’en ce cas, seul l’État est responsable à l’égard de la personne protégée, par application de l’ancien 473 du code civil.
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Dans cette importante décision du 27 février 2013 destinée à être publiée au Bulletin, la première chambre civile précise les conditions dans lesquelles la responsabilité de l’État peut être retenue dans l’éventualité d’une tutelle qui lui est confiée, dès lors que celle-ci a incorrectement fonctionné, causant un préjudice à la personne protégée. En effet, l’ancien article 473 du code civil, partiellement repris aux articles 412 et 422 depuis la grande réforme des incapacités de 2007, prévoyait un régime spécial de responsabilité en ces termes : « L’État est seul responsable à l’égard du pupille, sauf son recours s’il y a lieu, du dommage résultant d’une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle, soit par le juge des tutelles ou son greffier, soit par l’administrateur public chargé d’une tutelle vacante en vertu de l’article 433 » (al. 2). L’enjeu pratique des solutions intéressant cette disposition est particulièrement significatif ; aussi la solution de la Cour de cassation revêt un grand intérêt.

Cet arrêt répond à trois questions fondamentales dès lors que l’on s’intéresse à un régime spécial de responsabilité. Contre qui agir ? Qui peut agir ? Et pour quels motifs peut-on agir ? Le contexte était celui d’une personne majeure, dont la tutelle avait été déléguée à une association. À l’initiative de celle-ci, des travaux avaient été réalisés chez la personne incapable. Pendant l’intervention, le robinet du gaz fut laissé quelques instants à l’air libre, proquant un incendie, lequel causa visiblement le décès de l’occupant étant donné que l’assureur de son logement a dû s’acquitter d’une indemnité au profit de ses héritiers. Subrogée dans les droits de la victime, la compagnie se retournait contre l’État et l’association pour obtenir le remboursement.

Tout d’abord, contre qui agir ? La réponse de la Cour de cassation est nette : seulement contre l’État. Au visa de l’ancien article 473, alinéa 2, du code civil, la Cour rappelle que l’« État est seul responsable à l’égard de la personne protégée, sauf son recours s’il y a lieu, du dommage résultant d’une faute quelconque qui aurait été commise dans le fonctionnement de la tutelle par l’administrateur public chargé d’une tutelle vacante ». Ainsi, il n’est pas possible de se retourner contre l’association, l’État faisant écran. La cour d’appel ne pouvait donc admettre l’action de la compagnie d’assurance en remboursement de l’indemnité versée, exercée contre l’association. Seul l’État pouvait être condamné (V., par ex., Civ. 1re, 17 févr. 2004, no 02-10.109, AJ fam. 2004. 144).

Sur ce premier point, il n’est pas certain que cette solution puisse perdurer après la réforme de 2007 dans la mesure où le nouvel article 412 est ainsi libellé. Le premier alinéa dispose que « tous les organes de la tutelle sont responsables du dommage résultant d’une faute quelconque qu’ils commettent dans l’exercice de leur fonction », le second précisant que, « lorsque la faute à l’origine du dommage a été commise dans l’organisation et le fonctionnement de la tutelle par le juge des tutelles, le greffier en chef du tribunal de grande instance ou le greffier, l’action en responsabilité est dirigée contre l’État qui dispose d’une action récursoire ». L’article 422, applicable aux majeurs protégés, vise les mêmes personnes, ainsi que le mandataire judiciaire à la protection des majeurs. Et, dans cette éventualité, l’action pourrait être exercée contre ce dernier ou l’État.

Ensuite, qui peut agir ? En effet, on a toujours considéré qu’il s’agissait d’une action attitrée, réservée au seul pupille. C’est d’ailleurs ce que rappelait l’arrêt du 17 mars 2010, lorsqu’il énonçait que « l’action de l’article 473, alinéa 2, du code civil, est réservée au majeur protégé, son représentant légal ou à ses ayants droit », ce que ne démentent pas les nouveaux articles 412 et 422. En l’espèce, la Cour de cassation prolonge le raisonnement. L’assureur, subrogé dans les droits de la victime, est recevable à agir contre l’État, seul responsable selon l’article 473.

Enfin, pour quel motif agir en responsabilité ? Le texte fait état d’une faute quelconque, commise dans le fonctionnement de la tutelle. Pour la Cour de cassation, celle-ci a été caractérisée par la cour d’appel, contrairement à ce que soutenait le pourvoi. En effet, le robinet de gaz n’avait pas été neutralisé lors des travaux. Or l’association « devait veiller au bien-être et à la sécurité de l’incapable ». Elle avait ainsi l’obligation de s’assurer que l’intervenant avait supprimé « tout risque pour une personne dont les facultés de discernement étaient altérées, une telle vérification ne nécessitant pas de connaissances techniques particulières ».

par Thibault de Ravel d'Esclapon le 11 mars 2013 - Dalloz actualités (extraits).

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