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Réforme territoriale : compromis surprise sur le projet de loi

Chapo
Après un an de débats, le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République a été définitivement adopté le 16 juillet 2015, grâce à un compromis entre l’Assemblée nationale et le Sénat.
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La commission des lois de l’Assemblée nationale était déjà convoquée, le 9 juillet à 15 h, pour préparer la nouvelle lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Sa réunion a été annulée à la dernière minute. Car, contre toute attente, les sept députés et les sept sénateurs réunis le matin même au sein de la commission mixte paritaire (CMP) ont trouvé un accord sur un texte de compromis.

Députés et sénateurs ont fait les uns vers les autres des pas importants. Les premiers ont renoncé à des mesures qui étaient des chiffons rouges pour le Sénat, comme la création du Haut conseil des territoires, ou pour les maires, comme l’élection au suffrage universel direct des conseils des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ou la suppression de la minorité de blocage pour le transfert aux EPCI de l’élaboration des documents d’urbanisme. De leur côté, les sénateurs ont accepté un seuil minimal de population pour les EPCI (qui sera finalement de 15 000 habitants, mais avec de larges dérogations et un maintien des intercommunalités récemment constituées d’au moins 12 000 habitants). Ils ont validé également le transfert de la quasi-totalité des transports interurbains des départements aux régions. Ils ont renoncé au report du calendrier de révision des schémas de coopération intercommunale ou à celui de la création de la Métropole du Grand Paris. Ils ont consenti, enfin, au principe de l’engagement de la responsabilité des collectivités en cas de condamnation de la France, de leur fait, par la Cour de justice de l’Union européenne.

Pour trouver un compromis, la CMP a fait preuve de créativité. Ainsi du transfert des ports relevant du département à d’autres collectivités ou EPCI. L'Assemblée voulait qu’il soit obligatoire. Le Sénat le refusait. Finalement, les autres collectivités pourront manifester leur souhait de se voir transférer un port et le département indiquer sa volonté de le conserver. En cas de demandes multiples, le préfet devra proposer, par priorité, la constitution d’un syndicat mixte (une forme de groupement que le législateur, quelques articles plus loin, invite le représentant de l’État à supprimer autant que possible…). Le préfet pourra transférer également une partie seulement du port (seulement une partie « individualisable » et à condition que cette partition ne risque pas de nuire à la sécurité de la navigation). Enfin, en l’absence de demande de transfert ou de maintien de la compétence, c’est la région qui récupérera les ports orphelins.

Les départements gardent les collèges et les routes

Au total, après un peu plus d’un an de débats, les régions ressortent indubitablement renforcées. Privées de la clause de compétence générale, elles voient élargis leurs missions et leurs pouvoirs en matière de développement économique, d’aides aux entreprises, d’emploi, de formation, de transports. Elles n’auront pas, en revanche, la maîtrise des routes et des collèges que conservent les départements.

Alors que leur suppression avait été évoquée au sommet de l’État, les départements ne subissent finalement qu’une érosion limitée de leurs compétences. Ils devront certes céder quelques missions aux métropoles. Mais, en dehors de celles-ci, le texte affirme leur rôle en matière sociale, de solidarité territoriale ainsi que d’accès aux droits et aux services publics.

Poursuivant un mouvement entamé en 1992, le texte renforce à nouveau les compétences obligatoires de toutes les formes d’intercommunalité. Mais la mobilisation des maires, puissamment relayée par le Sénat, permet aux communes de conserver un certain nombre de leviers, avec, en particulier, la préservation de la notion d’intérêt communautaire.

Outre les questions de compétences, le projet de loi traite de sujets d’importance – d’ailleurs généralement plus consensuels –, comme les maisons des services au public, la lutte contre la fracture numérique ou l’open data. Il renforce la transparence financière, tant à l’égard de la population que de l’assemblée délibérante, avec, par exemple, l’introduction de l’obligation de présenter à celle-ci une étude sur l’impact sur les dépenses de fonctionnement des grosses opérations d’investissement. Enfin, il a également été l’occasion d’introduire un certain nombre de mesures de modernisation et de simplification du fonctionnement des collectivités, comme la possibilité de publication électronique du recueil des actes administratifs

Les maires vigilants, les départements mitigés

C’est pour le moins avec circonspection que les associations d’élus ont accueilli le texte de la CMP. L’Association des maires de France estime que « des avancées ont été obtenues grâce au combat clairvoyant qu’elle a mené ». Elle se félicite de l’abandon de l’élection au suffrage universel direct des intercommunalités et du maintien des règles en vigueur sur le transfert du plan local d’urbanisme. Mais elle regrette le relèvement du seuil des intercommunalités à 15 000 habitants et plusieurs transferts de compétences à celles-ci. Tonalité presque identique pour les maires ruraux qui qualifient d’« absurdité contreproductive » le principe même d’un seuil mais estiment que les dérogations « semblent laisser place à une discussion locale davantage tournée vers le pragmatisme et la raison ».

Dans un bref communiqué, l’Assemblée des départements de France considère que l’accord en CMP « est une réponse malheureusement trop partielle aux attentes des départements ». Elle regrette tout particulièrement le transfert des transports scolaires à la région. La tonalité est plus positive du côté de l’Assemblée des communautés de France qui s’est félicitée qu’un accord ait pu être trouvé. Elle espère toutefois toujours un report de l’échéance pour les fusions de communautés. La date du 31 décembre 2016 « n’étant évidemment pas adaptée à la réalité des situations de terrain ».

par Marie-Christine de Montecler pour Dalloz actualités

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