Portail National des Ressources et des Savoirs

Hospitalisation sans consentement : une inconstitutionnalité et des réserves

Chapo
Le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution, le 26 novembre 2010, l'un des huit articles du code de la santé publique relatifs à l'hospitalisation sans consentement en général et à l'hospitalisation à la demande d'un tiers en particulier.Cons. const. 26 nov. 2010, n° 2010-71 QPC
Texte

"

Commentaire :

Les huit articles (art. L. 326-3, L. 331, L. 333, L. 333-1, L. 333-2, L. 334, L. 337 et L. 351 CSS [art. L. 3211 3, L. 3211-12, L. 3212-1, L. 3212-2, L. 3212-3, L. 3212-4, L. 3212-7 et L. 3222-1 nouv.]), visés par la question prioritaire de constitutionnalité (QPC), transmise le 24 septembre 2010 par le Conseil d'État (V. Dalloz actualité, 5 oct. 2010, obs. Biget), sont issus de la loi n° 90-527 du 27 juin 1990, dite « loi Evin », qui a repris les deux procédures distinctes d'hospitalisation sous contrainte : l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et l'hospitalisation d'office (HO) ordonnée par le préfet ou le maire et motivée par la sécurité des personnes et l'ordre public. La requérante contestait, d'une part, les conditions de l'hospitalisation à la demande d'un tiers (HDT) et, d'autre part, l'insuffisance des droits des personnes hospitalisées sans leur consentement (HDT ou HO).
Sur les conditions de l'hospitalisation à la demande d'un tiers
Le Conseil, selon les termes de son communiqué de presse, a distingué les conditions d'admission et le maintien de l'hospitalisation. En ce qui concerne les conditions d'admission, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut être hospitalisée sans son consentement, à la demande d'un tiers, que si ses troubles rendent impossible son consentement et si son état impose des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier. En deuxième lieu, diverses conditions de procédure sont posées : demande d'admission présentée par un proche et accompagnée de deux certificats médicaux, confirmation de la nécessité de l'hospitalisation dans les vingt-quatre heures par un psychiatre de l'établissement. Le Conseil constitutionnel a jugé que ces dispositions sont conformes à la Constitution. Elles assurent que l'hospitalisation sans le consentement du malade, à la demande d'un tiers, ne soit mise en œuvre que dans les cas où elle est adaptée, nécessaire et proportionnée à l'état du malade. Par ailleurs, si l'article 66 de la Constitution exige que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, il n'impose pas que cette dernière soit saisie préalablement à toute mesure de privation de liberté.
En ce qui concerne le maintien de l'hospitalisation, le code de la santé publique prévoit qu'au-delà des quinze premiers jours, elle peut être maintenue pour une durée maximale d'un mois, renouvelable, au vu d'un certificat médical circonstancié indiquant que les conditions de l'hospitalisation sont toujours réunies. Le Conseil constitutionnel a rappelé les exigences découlant de l'article 66 de la Constitution, selon lesquelles la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Certes, les motifs médicaux et les finalités thérapeutiques qui conditionnent la privation de liberté des personnes atteintes de troubles mentaux hospitalisées sans leur consentement peuvent être pris en compte pour la fixation de ce délai. Mais, en prévoyant que l'hospitalisation sans consentement peut être maintenue au-delà de quinze jours sans intervention d'une juridiction de l'ordre judiciaire, l'article L. 337 du code de la santé publique méconnait les exigences de l'article 66 de la Constitution. Le Conseil constitutionnel l'a donc déclaré contraire à la Constitution.
Sur les droits des personnes hospitalisées sans leur consentement
Ces droits sont identiques pour les personnes en HDT ou en HO. Ils n'apparaissent pas, par eux-mêmes, contraires à la dignité de la personne. Il appartient aux professionnels de santé ainsi qu'aux autorités administratives et judiciaires de veiller à ce que la dignité des personnes hospitalisées sans leur consentement soit respectée en toutes circonstances. Aux termes de l'article L. 326-3 du code de la santé publique, les restrictions à l'exercice des libertés d'une personne hospitalisée sans son consentement doivent être limitées à celles nécessitées par l'état de santé de l'intéressé et la mise en œuvre de son traitement. Ces dispositions ne portent pas une atteinte disproportionnée à l'exercice de droits constitutionnellement garantis.
Si une personne en HDT ou en HO ne peut s'opposer aux soins médicaux que ses troubles requièrent, le Conseil constitutionnel a jugé que le législateur avait ici opéré une conciliation non inconstitutionnelle entre les exigences de protection de la santé et de protection de l'ordre public, d'une part, et la liberté personnelle, d'autre part. En tout état de cause, les garanties encadrant l'hospitalisation sans consentement permettent que l'avis de la personne sur son traitement soit pris en considération.
Enfin, la personne en HDT ou en HO, ou toute personne intéressée, dispose du droit de saisir à tout moment le tribunal de grande instance pour qu'il soit mis fin à l'hospitalisation sans consentement. Le Conseil constitutionnel a ici formulé une réserve pour que le juge judiciaire soit tenu de statuer sur la demande de sortie immédiate dans les plus brefs délais compte tenu de la nécessité éventuelle de recueillir des éléments d'information complémentaires sur l'état de santé de la personne hospitalisée.
Pour récapituler, par cette décision, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution l'article L. 337 du code de la santé publique, désormais repris à son article L. 3212-7. Il a fixé au 1er août 2011 la prise d'effet de cette déclaration d'inconstitutionnalité afin de permettre au législateur d'y remédier. Il a déclaré les autres articles soumis à son examen conformes à la Constitution tout en assortissant sa décision d'une réserve d'interprétation portant sur l'article L. 351 du même code, désormais repris à l'article L. 3222-1.

A. Astaix

Voir fiche sur les HO et HDT en cliquant sur le lien : Fiche pratique HO et HDT

fichier
-