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L'arrêt « Val de Garonne » du Conseil d'Etat remis en cause par la loi NOTRe ?

Nom de l'expert
DEMIERRE
Prénom de l'expert
le Colonel Sacha
Fonction de l'expert
Directeur départemental adjoint des services d'incendie et de secours de la Marne
Chapo du commentaire
Dans la chronique juridique de l’ENSOSP de juillet 2013, nous avions pu analyser l’arrêt du Conseil d’Etat « Val de Garonne » rendu le 22 mai 2013, requête n° 354992, et commenter sa portée pour le paiement par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) des contributions communales au budget du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS).
Texte du commentaire

Dans la chronique juridique de l’ENSOSP de juillet 2013, nous avions pu analyser l’arrêt du Conseil d’Etat « Val de Garonne » rendu le 22 mai 2013, requête n° 354992, et commenter sa portée pour le paiement par un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) des contributions communales au budget du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS) (cf. également la chronique d'Audrey MOREL SENATORE).

Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat rappelle que la gestion du service d’incendie et de secours a été confiée au SDIS par la loi n° 96-369 du 03 mai 1996 et que la participation des communes au financement du SDIS est une contribution financière obligatoire au sens de l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Dès lors, le Conseil d’État affirme que la contribution d’une commune au budget du SDIS ne peut pas faire l’objet d’un transfert à un EPCI dont elle est membre, au titre d’un transfert de compétence, si cet EPCI ne dispose pas déjà de la « compétence incendie ».

Les EPCI qui détiennent la « compétence incendie » sont :

- les EPCI à fiscalité propre qui détenaient cette compétence à la date de promulgation de la loi n° 96-369 du 03 mai 1996,

- les EPCI à fiscalité propre créés postérieurement à la promulgation de la loi n° 96-369 du 03 mai 1996, mais qui résultent de la transformation d’un autre EPCI à fiscalité propre qui détenait cette compétence à la date de promulgation de la loi du 3 mai 1996.

Suite à cet arrêt du Conseil d’Etat de 2013, et en application de son dispositif, les services de l’Etat ont apprécié la réalité de la « compétence incendie » des EPCI versant les contributions au SDIS.

Or, dans de nombreux cas, le transfert a été opéré après 1996 à destination d’EPCI ne résultant pas de la transformation d’un autre EPCI à fiscalité propre qui détenait la « compétence incendie ». Il peut être cité un département dans lequel tous les EPCI étaient dans cette illégalité.

En conséquence, la possibilité de verser la contribution au SDIS a été refusée à ces EPCI notamment par les services des finances publiques obligeant les communes membres de ces EPCI à devoir réinscrire cette dépense obligatoire sur leurs budgets communaux, après la définition d’une répartition des plus délicates dans le contexte des budgets publics toujours plus contraints.

Cette interdiction faite à une commune de pouvoir transférer le paiement de sa contribution au SDIS à un EPCI dont elle est membre, ne disposant pas de la compétence incendie, était donc créatrice de situations à contre-courant des volontés actuelles de favoriser l’intercommunalité. En effet, la reconnaissance de l’intercommunalité pour les contributions financières au budget du SDIS s’inscrit dans l’objectif continu du législateur de généraliser de façon systématique l’intercommunalité à fiscalité propre sur l’ensemble du territoire national, notamment avec le schéma départemental de coopération intercommunale institué dans le cadre de la loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.

En outre, l’appel à contribution auprès des EPCI qui jouent ce rôle de contributeur financier permet des modalités de calcul des contributions au SDIS plus équitables pour l’ensemble des communes et EPCI du département, en particulier en remplaçant le potentiel fiscal par le potentiel financier agrégé qui tient compte des dotations et reversements entre collectivités ne pouvant être mesurés que dans le cadre intercommunal.

Diverses questions parlementaires ont rappelé cette problématique mais le gouvernement ne pouvait que rappeler l’état de droit et la position du Conseil d’Etat refusant un tel transfert. Aussi, il était nécessaire de modifier la loi, en particulier l’article L. 1424-35 du CGCT.

A ce titre, le député Charles de COURSON, président du conseil d'administration du SDIS de la Marne, a déposé un amendement à l’occasion du projet de loi de finances rectificatives pour 2015. Cet amendement a été rattaché à l’examen de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République et a été consolidé avec celui présenté par la député Christine PIRES BEAUNE au sein de la commission des finances de l’Assemblée nationale.

La proposition parlementaire a été adoptée dans le cadre de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRe), publiée au journal officiel le 08 août 2015.

Ainsi, son article 97-2° insère un 5ème alinéa à l’article L. 1424-35 du CGCT précisant que « Par dérogation au quatrième alinéa du présent article, les contributions au budget du service départemental d'incendie et de secours des communes membres d'un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre créé après le 3 mai 1996 peuvent faire l'objet d'un transfert à cet établissement, dans les conditions prévues à l'article L. 5211-17. Dans ce cas, la contribution de cet établissement public de coopération intercommunale est déterminée en prenant en compte l'addition des contributions des communes concernées pour l'exercice précédant le transfert de ces contributions à l'établissement public de coopération intercommunale. »

Cette modification législative permet ainsi de dépasser la jurisprudence « Val de Garonne » du Conseil d’Etat qui ne peut plus trouver à s’appliquer : il est dérogé à la notion de dépense obligatoire (« Par dérogation au quatrième alinéa du présent article ») et le transfert de la contribution des communes à un EPCI est qualifié de compétence avec la référence « aux conditions prévues à l'article L. 5211-17 » du CGCT.

Ce transfert de compétence peut donc désormais s’opérer vers l’ensemble des EPCI. La notion d’ « EPCI compétent en matière d'incendie et de secours » n’est donc plus à apprécier à la date du 03 mai 1996.

Par ailleurs, et dans la continuité des transferts aux EPCI et de la reconnaissance des effets de l’intercommunalité, il doit être précisé l’insertion par la loi NOTRe d’un 6ème alinéa à l’article L. 1424-35 du CGCT disposant que « La présence d'agents publics titulaires ou non titulaires ayant la qualité de sapeur-pompier volontaire parmi les effectifs des communes membres de cet établissement peut être prise en compte pour le calcul du montant global de la contribution qu'il verse. ».

Ce nouvel alinéa permet fort justement d’élargir la possibilité d’abattement, issue de la loi n° 2011-851 du 20 juillet 2011 relative à l’engagement des SPV et à son cadre juridique, pouvant être accordé pour l’emploi public de sapeurs-pompiers volontaires :

- aux contributions des communes au regard de leurs effectifs ;

- aux contributions des EPCI compétents pour la gestion des services d'incendie et de secours au regard de leurs effectifs propres ;

- et désormais aux EPCI en considération des effectifs de leurs communes membres pour lesquelles ils versent la contribution au SDIS.

Enfin, il doit être relevé le rétablissement de l'article L. 1424-1-1 du CGCT permettant de prévoir la représentativité au sein du CASDIS des communes selon si elles contribuent directement au budget du SDIS ou si cette compétence financière est transférée à un EPCI dont elles sont membres.

« Lorsqu'elles ne font pas partie d'un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière d'incendie et de secours, les communes participent à l'exercice de la compétence en matière d'incendie et de secours par le biais de la contribution au financement des services départementaux d'incendie et de secours. Elles sont alors représentées au conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours. Lorsqu'une commune transfère, en application de l'article L. 1424-35, la compétence en matière d'incendie et de secours à l'établissement public de coopération intercommunale dont elle est membre, elle continue, le cas échéant, de siéger au conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours jusqu'au prochain renouvellement de ce dernier. »

Ainsi, la loi NOTRe n’a pas réformé l’organisation territoriale départementale des services d'incendie et de secours. En revanche, en modifiant notamment l'article L. 1424-35 du CGCT, cette loi a sensiblement simplifié et modernisé la gestion intercommunale des contributions aux budgets des SDIS.

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