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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Cinq arrêts d'espèces sont présentés et concernent un contentieux récurrent de la sécurité civile : la responsabilité pour faute, la contestation des permis de construire, les marchés publics mais aussi le temps de travail effectif

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LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

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Acte administratif

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Permis de construire

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Une société s'est vu accorder un permis de construire portant sur la reconstruction de bâtiments sinistrés. Une propriétaire a contesté l'arrêté municipal du 6 novembre 2015 devant le Tribunal administratif de Marseille lequel a été annulé.

Le projet doit respecter un certain nombre de normes et notamment il ne doit pas porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique (article R.111-2 du code de l'urbanisme).

La propriétaire a soutenu "en première instance que le projet porte atteinte à la sécurité publique en ce que la société pétitionnaire ne peut aménager et sécuriser l'accès prévu sur [une rue] dès lors qu'elle-même serait l'unique propriétaire du passage pavé constituant l'accès et que cet accès ne serait pas accessible". Or, elle n'a pas démontré qu'elle était également propriétaire de ce chemin privé.

La juridiction d'appel a constaté par ailleurs "qu'il existe un second accès sur la rue du Bon Pasteur et que les commissions de sécurité et d'accessibilité ont rendu des avis favorables sur le projet portant sur un établissement recevant du public les 19 octobre et 6 novembre 2015".

Ensuite concernant les dispositions générales du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public, "il ressort des pièces du dossier que le projet portant sur un établissement recevant du public est, comme il a été dit précédemment, desservi par la rue du Bon Pasteur et l'impasse de Lacamp, dont les caractéristiques sont suffisantes pour permettre l'accès des véhicules de lutte contre l'incendie et de secours, comme l'a considéré la commission de sécurité le 6 novembre 2015".

La cour administrative d'appel a considéré que c'est à tort que le juge des référés a annulé l'arrêté municipal.

(CAA Marseille 5 mars 2020, n° 19MA03044 – 19MA03045, commune de Marseille c/ Mme E...)

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Une SARL a relevé appel du jugement du 12 avril 2018 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête en annulation dirigée contre l'arrêté du 30 mars 2016 par lequel le maire de la commune de Le Tignet a refusé de lui délivrer un permis de construire.

Aux termes de l'article UC 3 du règlement du plan d'occupation des sols, "les caractéristiques des accès et des voies privées doivent être adaptées à l'opération et satisfaire aux exigences de sécurité et défense contre l'incendie".

Il est ressorti des pièces du dossier que "le terrain d'assiette du projet est desservi par le chemin du Font du Rouve qui est une voie publique", "d'une largeur moyenne de 4 mètres, avec des accotements relativement plats, offre des possibilités de croisement des véhicules et présente des caractéristiques suffisantes pour desservir en toute sécurité le projet en litige limité à six nouvelles constructions". A ce titre, le conseil départemental et le SDIS avaient rendu des avis positifs.

Or de l'avis du conseil départemental et des photographies produites, "le débouché du chemin du Font du Rouve sur la route départementale 2562 est extrêmement dangereux".

Pour la juridiction d'appel, c'est à bon droit que les premiers juges ont pu estimer que ce motif justifiait le refus d'accorder un permis de construire.

La requête a été à nouveau rejetée.

(CAA Marseille 5 mars 2020, n° 18MA02819, SARL Présence c/ commune de Le Tignet)

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Règlement opérationnel

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Le syndicat CFDT Interco a sollicité la modification des règlements de formation du SDIS afin notamment que le temps de trajet des agents en formation soit considéré comme du temps de travail effectif. Cette demande a été rejetée aussi bien devant le conseil d'administration du SDIS que devant le Tribunal administratif Caen.

Le syndicat a interjeté appel.

L'article 1.12 du règlement de formation relatif aux sapeurs-pompiers professionnels et personnels administratifs et techniques spécialisés stagiaires prévoit que " (...) le décompte du temps de travail est forfaitairement fixé à 8 heures par journée de stage (4 heures pour une demi-journée) (...) ".

L'article 1.13 du même règlement ajoute que " (...) La participation à un stage sur le territoire du département n'ouvre droit à aucune prise en compte de temps de travail au-delà des 8 heures journalières fixées forfaitairement (4 heures pour une demi-journée) ".

Sans oublier, l'article 3.20 du règlement de formation du SDIS précise que : " (...) Le temps de déplacement, calculé forfaitairement entre le lieu d'affectation et le lieu de formation, est ajouté au temps d'encadrement des stagiaires pour la détermination du temps de travail (...) Sauf organisation ou tâches particulières, le temps de travail décompté sur la base du temps d'encadrement est donc de : / 8 heures + durée forfaitaire de trajet aller-retour pour une journée d'encadrement, / 4 heures + durée forfaitaire de trajet aller-retour pour une demi-journée d'encadrement ".

Pour les juges d'appel, "aucune des dispositions citées au point 3 que ce décompte forfaitaire, qui tient compte d'une moindre intensité du travail fourni par les stagiaires durant les trajets notamment, serait erronée en droit ou entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'amplitude maximale de la journée de travail des personnels concernés n'excède pas douze heures comme le prévoit l'article 3 du décret du 25 août 2000 cité au point 3".

De plus, la différence de traitement entre le stagiaire et le formateur ne rend pas la décision illégale.

La requête du syndicat est à nouveau rejetée.

(CAA Nantes 10 mars 2020, n° 18NT00490, Syndicat CFDT Interco c/ SDIS)

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Contrat administratif

Marchés publics

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Le 8 août 2013, le SDIS a lancé, suivant la procédure adaptée, une consultation en vue de l'achat d'appareils d'analyses médicales destinés à l'évaluation de l'aptitude physique des sapeurs-pompiers.

Lorsqu'une administration souhaite réaliser un achat dont la valeur estimée est inférieure aux seuils de procédure formalisée, elle peut recourir à une procédure dite adaptée (ou Mapa).

Dans ce cas, il peut déterminer librement les modalités de la procédure dans le respect des principes de la législation en matière de marchés publics (liberté d'accès, égalité de traitement des candidats et transparence des procédures).

Le SDIS a demandé au tribunal administratif de Rennes de condamner la société désignée attributaire du lot à lui verser une certaine somme, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en raison de la livraison d'un matériel cassé et inutilisable.

La première juridiction a reconnu la responsabilité de la société et l'a condamnée à indemniser le SDIS.

La société a relevé appel du jugement. Celle-ci a rappelé les clauses du contrat. Dans l'article 1.3. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché stipule que "la durée du marché se confond avec le délai d'exécution indiqué à l'acte d'engagement et au présent CCAP ". Ce délai d'exécution "est de douze mois à compter de la notification du marché au titulaire du lot dont les " prestations " doivent commencer en premier" et s'applique également aux prestations de maintenance préventive.

Les juges administratifs d'appel ont estimé qu'en refusant d'assurer la maintenance des deux appareils d'analyses sanguines, la société n'a pas contrevenu à ses obligations contractuelles.

Le jugement a donc été annulé.

(CAA Nantes 6 mars 2020, n° 19NT00854, société Planète Médicale c/ SDIS)

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RESPONSABILITÉ

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Responsabilité administrative

Responsabilité administrative pour faute

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Deux sociétés ont demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner la commune de Tourettes à leur verser respectivement une certaine somme d'argent en réparation des préjudices nés de l'incendie d'un bâtiment à usage de location de matériels de BTP et de jardinage.

Le Tribunal administratif a rejeté leur requête.

Les deux sociétés ont reproché à la commune de Tourettes les conséquences de l'aggravation du feu en raison "de la défaillance des moyens de lutte contre l'incendie mis à la disposition des pompiers par la commune".

Les secours se sont déroulés de la manière suivante :

"Il résulte de l'instruction qu'à 19h48 l'alarme incendie du bâtiment s'est déclenchée, suivie d'une intervention sur place pour vérifier la réalité de l'alerte par la vue de fumées, et que le service d'incendie et de secours a été appelé à 19h59. Les pompiers qui sont arrivés à 20h08 ont dû faire face à un feu déjà monté en puissance se propageant verticalement par rapport à
son environnement immédiat. A 20h10, une lance alimentée par un engin mobile est mise en batterie pour ne plus être alimentée à 20h14, faute d'eau. A 20h18, une lance est activée par alimentation sur le poteau d'incendie. En raison de la présence d'un seul poteau d'incendie sur
le secteur, des engins supplémentaires sont demandés à 20h18, alors qu'à 20h23 est posé le constat du percement de la toiture d'une partie de la mezzanine et du bâtiment nord.
Sont finalement mises en oeuvre quatre lances à incendie. Il est constaté à 20h37 une brusque chute de pression et de débit d'eau, qui a pour effet de réactiver l'incendie. Les moyens de lutte contre le feu sont alors réorganisés en fonction de l'eau disponible à partir des engins présents. A 20h40, l'eau arrive normalement à nouveau, et le feu est circonscrit à 20h48-20h49 pour être éteint à 21h52, les opérations étant terminées à 00h44. L'origine du feu est déclarée accidentelle sans avoir pu être caractérisée."

Les juges administratifs d'appel ont également rejeté la demande indemnitaire au motif que les deux requérantes n'ont pas suffisamment démontrer le quantum exact de leur préjudice.

Néanmoins le jugement est annulé pour avoir accueilli "la fin de non-recevoir opposée en défense par le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) du Var tirée de la tardiveté des conclusions indemnitaires de la requête".

(CAA Marseille 3 mars 2020, n° 19MA03476, société d'Exploitation des Etablissements Coltam et société Swiss Life Assurances de biens c/ commune de Tourettes)

lien externe
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