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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

L'actualité jurisprudentielle est particulièrement dense ces dernières semaines avec des arrêts qui ne passent pas inaperçus.

Dans trois décisions du 24 décembre 2019, le Conseil d’État admet, pour la première fois, la responsabilité de l’État lorsqu'une personne a subi un préjudice du fait de l'application d'une loi devenue inconstitutionnelle a posteriori. Ces trois décisions constituent indéniablement une avancée majeure en faveur des droits du justiciable.

Dans un arrêt du 5 février 2020, la Cour administrative d'appel de Paris limite les possibilités de recours d'un candidat écarté d'une commande publique. En effet, il ne peut contester la régularité de l'offre de son concurrent qui s'est vu attribuer le marché uniquement « si le vice ainsi allégué, sans rapport direct avec son éviction ou l'intérêt lésé dont elle se prévaut, est d'ordre public, c'est-à-dire si le contenu du contrat est illicite ».

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CONSTITUTIONNALITÉ

 

 

Responsabilité administrative

 

Dans trois décisions retentissantes, le Conseil d’État a finalement admis qu'une « personne peut obtenir réparation des préjudices qu’elle a subis du fait de l’application d’une loi déclarée contraire à la Constitution par le Conseil constitutionnel ».

L'article 61-1 de la Constitution permet à tout justiciable qui soutient « qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit » de saisir le Conseil constitutionnel par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée soit devant les juridictions de fond (tribunal administratif, cour administrative d'appel), soit devant la juridiction suprême (Conseil d’État).

Cette procédure a permis d'écarter des dispositions importantes de l'ordonnancement juridique. 

L'inconvénient relevait de l'ordre pratique : lorsque le Conseil constitutionnel déclarait la mesure contestée de nature inconstitutionnelle, cette décision ne bénéficiait pas au requérant qui avait déposé la QPC. 

Bien souvent, la décision du Conseil constitutionnel provoquait des effets réels uniquement dans le futur. Dorénavant, cette décision du Conseil aura des effets immédiats à l'égard du justiciable qui a soulevé une QPC puisqu’elle ouvre droit à des réparations.  

Elle doit être mise en parallèle avec une précédente décision. En 2007, le Conseil d’État avait déjà admis cette responsabilité lorsque le requérant démontre avoir subi un préjudice du fait de l’application d’une loi contraire aux engagements internationaux et européens (CE 8 février 2007, n° 279522, Gardedieu).

(CE 24 décembre 2020, n° 425981, n° 425983, n° 428162)

 

 

STATUT

 

 

Droits et libertés

Droit de la grève

 

Un syndicat de sapeurs-pompiers a saisi en urgence, sur le fondement de l'article L.521-2 du code de la justice administrative (référé-liberté), le juge des référés du Tribunal administratif de Strasbourg. Le syndicat a demandé à la juridiction « d'enjoindre au service départemental d'incendie et de secours [...], d'une part, de mettre fin à l'atteinte au droit de grève résultant de la note d'information 01-ADM-2020 du 2 janvier 2020 et des pratiques des officiers en charge des centres de secours de Saint-Avold et d'Hagondange qui imposent aux agents de confirmer leur intention de faire grève avant la prise de poste et, d'autre part, de définir des modalités d'exercice du droit de grève comportant l'assignation des agents dans un délai raisonnable avant le début de la garde ».

Le droit de grève n'est pas une liberté absolue ; elle peut faire l'objet de restrictions par le législateur (article 34 de la Constitution) pour prendre en compte le principe de valeur constitutionnelle de continuité des services publics (CC 25 juillet 1979 n° 79-105 DC, Loi modifiant les dispositions de la loi n° 74-696 du 7 août 1974 relatives à la continuité du service public de la radio et de la télévision en cas de cessation concertée du travail).

Pour les sapeurs-pompiers, le législateur n'a jamais proposé un cadre règlementaire. Il faut se tourner vers la jurisprudence du Conseil d’État qui en a fixé les limites. A titre d'illustration, la retenue de 1/30e ne s’applique pas pour les sapeurs-pompiers telle que prévue par la loi n° 87-588 du 30 juillet 1987. La jurisprudence a donc jugé que pour calculer la retenue, celle-ci devait être proportionnelle à la durée de la grève (CAA Nancy 31 mars 2001, Département de la Moselle).

Pour la jurisprudence, « il revient aux chefs de services, responsables du bon fonctionnement des services placés sous leur autorité, de fixer eux-mêmes, sous le contrôle du juge, en ce qui concerne ces services, la nature et l'étendue des limitations à apporter au droit de grève en vue d'en éviter un usage abusif ou contraire aux nécessités de l'ordre public ou aux besoins essentiels de la nation ».

Le conseil d'administration du SDIS avait fixé par délibération du 19 décembre 2017 modifiée par une délibération du 24 juin 2019 le règlement lequel « prévoit que lorsqu'un mouvement de grève est en cours, les agents de la garde descendante peuvent être maintenus en service pendant une durée ne dépassant pas une heure, « le temps que le service constate les effectifs présents de la garde montante ainsi que les personnels déclarés grévistes susceptibles d'être réquisitionnés (...) afin d'assurer la continuité du service » ».

Ce règlement précise en outre que « Dans ce cadre, la garde montante à l'exception des agents ayant déclaré leur intention de faire grève 48 heures avant le début du mouvement de grève, pourra être rassemblée exceptionnellement à la prise de poste ».

De plus, une note de service du 2 janvier 2020 prévoit que « les chefs de service exigent des agents déclarés grévistes 48 heures avant leur prise de poste, qu'ils confirment leur intention de faire grève dans le quart d'heure précédant la prise de service » soit par téléphone soit par leur présence, « la hiérarchie se donnant la possibilité de signifier immédiatement des réquisitions ».

Le Conseil d’État a validé le raisonnement du juge des référés qui a estimé que les restrictions imposées aux sapeurs-pompiers dans l'exercice du droit de grève étaient proportionnées et justifiées car elles découlent des contraintes inhérentes du métier :

« Pour rejeter la requête du syndicat requérant, le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg a considéré, en premier lieu, que si le mode de fonctionnement adopté par le SDIS [...] impose certaines contraintes aux agents grévistes, il n'est, en l'espèce, fait obstacle au droit de grève que dans le seul cas des sapeurs-pompiers réquisitionnés et dans l'unique but de conserver la capacité du SDIS à exercer des missions qui répondent à un besoin essentiel de la population. En deuxième lieu, il a relevé, sans que cela soit contesté par le requérant, que les chefs de centre ne peuvent connaître leurs besoins réels en effectifs qu'au moment de la prise de service. En dernier lieu, il a retenu la circonstance que les chefs de centre doivent encore tenir compte, dans leurs réquisitions, des compétences et qualifications particulières nécessaires à l'exercice des missions à assurer dès lors qu'elles peuvent ne pas être possédées par les agents présents à la prise de service. »

La requête est à nouveau rejetée.

(CE 5 février 2020, n° 438093, syndicat CFDT Interco c/ SDIS)

 

 

LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

Contrat administratif

Marchés publics

Le service de l'achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) du ministère de l'intérieur a lancé une procédure d'appel d'offres ouvert en vue de la passation d'un accord-cadre relatif à la fourniture de matériel de secourisme. Ce marché était divisé en cinq lots, dont le lot n° 3 intitulé " trousse sauvetage intervention gendarmerie niveau 1 " pour lequel la société Equipements et métiers de la défense (EMD) a fait acte de candidature.

L'offre de cette dernière a été considérée comme étant irrégulière par le pouvoir adjudicateur, c'est son concurrent la société CIR Médical qui s'est vu attribuer le marché.

Après avoir tenté de remettre en question cette décision de rejet, la société EMD a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler le lot n° 3. La société demanderesse a relevé appel du jugement de rejet.

Au soutien de sa demande, la société EMD a contesté la décision du pouvoir adjudicateur d'une part, et a pointé du doigt l'irrégularité de l'offre de la société CIR Médical d'autre part.

La cour administrative d'appel a confirmé le jugement de rejet. Pour la juridiction administrative, l'offre proposée par la société EMD était effectivement irrégulière ; les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision. 

Mais elle a aussi tiré un autre enseignement : un candidat écarté ne peut dénoncer la supposée irrégularité de l'offre d'un de ses concurrents sauf « si le vice ainsi allégué, sans rapport direct avec son éviction ou l'intérêt lésé dont elle se prévaut, est d'ordre public, c'est-à-dire si le contenu du contrat est illicite ».

La juridiction administrative d'appel a pris le soin de définir un contenu illicite : « Le contenu d'un contrat ne présente un caractère illicite que si l'objet même du contrat, tel qu'il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu'il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu'en s'engageant pour un tel objet, le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».

(CAA Paris 5 février 2020, n° 17PA01931, la société Équipements et métiers de la défense (EMD) c/ ministère de l'intérieur) 

 

Acte administratif

Permis de construire

 

Une société s'est vu délivrée, par l'arrêté du 24 décembre 2015, « un permis d'aménager en vue de la réalisation d'un lotissement de trente-trois lots ». Puis la société s'est vu notifier, par un autre arrêté en date du 14 avril 2017 « un permis d'aménager modificatif portant, d'une part, sur la suppression d'un lot afin de permettre la création d'une aire de retournement et, d'autre part, sur la mise en place d'une haie grillagée ».

La société concernée a contesté les deux décisions du maire de Millery devant le tribunal administratif de Nancy. La juridiction de première instance a fait droit à sa demande en annulant les deux permis.

La commune de Millery a relevé appel du jugement administratif.

La cour administrative d'appel a confirmé le jugement en se fondant sur plusieurs motifs et notamment sur l'article 3 alinéa 1 de la zone 1AU du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Millery qui impose dans le cadre d'un projet de construction l'instauration d'une voie de desserte afin de faciliter la circulation notamment pour les engins de lutte contre l'incendie. Le projet prévoit effectivement une voie de desserte commune mais celle-ci a été considérée comme « impropre à desservir des habitations et insuffisant pour répondre au trafic résultant de la création d'un lotissement de trente-trois lots ».  L'avis favorable rendu par le SDIS n'y change rien.

Sur les possibilités d'une régularisation, les juges d'appel ont considéré que « Les vices entachant tant le permis d'aménager initial que le permis d'aménager modificatif, consistant dans la méconnaissance de l'article 3 alinéa 1 de la zone 1AU du règlement du plan local d'urbanisme et leur incompatibilité avec l'une des orientations particulières d'aménagement définies dans ce plan, ne sauraient faire l'objet d'une régularisation dans le délai d'instruction d'une demande de permis modificatif, dès lors d'une part, que la commune ne s'est engagée à réaliser ou à faire réaliser les travaux de voirie nécessaires au recalibrage et à l'aménagement de la partie terminale de la rue de la Chamblée que d'ici 2021 et que, d'autre part, l'incompatibilité relevée avec l'orientation particulière d'aménagement relative à la zone de la Chamblée concerne la distribution d'une partie significative des bâtiments sur le secteur concerné».

(CAA Nancy 6 février 2020, n° 18NC02136, association Bien vivre à Millery c/ commune de Millery)

 

Arrêté « anti-pesticides »

 

Le collectif des maires anti-pesticides ont saisi le juge des référés du Conseil d’État, sur le fondement de l'article L.521-1 du code de la justice administrative, afin qu'il ordonne la suspension de l'exécution des deux décisions suivantes :

- le décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques à proximité des zones d'habitation ;

- l'arrêté du 27 décembre 2019 relatif aux mesures de protection des personnes lors de l'utilisation de produits phytopharmaceutiques et modifiant l'arrêté du 4 mai 2017 relatif à la mise sur le marché et à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques et de leurs adjuvants visés à l'article L. 253-1 du code rural et de la pêche maritime.

Pour recourir au référé-suspension, le requérant doit justifier la réunion de trois conditions :

- l'introduction d'une requête au fond qui peut être une requête en annulation ou modification de la décision contestée ;

- une situation d'urgence ;

- des doutes sérieux quant à la légalité de la décision attaquée.

Le Conseil d’État a rejeté la requête au motif que la condition d'urgence n'était pas établie et ce en dépit du risque réel des produits phytopharmaceutiques sur la santé des personnes.

Le Conseil d’État a estimé d'une part que le décret fixe « seulement le contenu et les modalités d’élaboration de chartes d’engagements des utilisateurs, qui ne sauraient en tout état de cause avoir d’incidence sur ces intérêts que lorsqu’elles seront adoptées ». Par conséquent, ce décret ne porte pas atteinte « de manière suffisamment grave et immédiate aux intérêts ainsi invoqués pour caractériser une urgence justifiant que, sans attendre le jugement de la requête au fond, son exécution soit suspendue ».

La juridiction suprême n'a pas retenu d'autre part l'argument selon lequel les distances minimales de sécurité dans l'utilisation des produits phytopharmaceutiques telles que prévues par l'arrêté (5, 10, 20 mètres) seraient insuffisantes pour garantir le respect du principe de précaution et des dispositions du droit de l’Union européenne. En effet, ces distances choisies correspondent à celles préconisées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, dans son avis du 4 juin 2019.

(CE 14 février 2020, n° 437814, le collectif des maires anti-pesticides c/ décret n° 2019-1500 du 27 décembre 2019 et arrêté du 27 décembre 2019)

 

Interdiction d'organiser un festival

 

Par un arrêté du 8 juillet 2015, le maire de Solaro a interdit la SARL Colonna Franceschi d'organiser un festival de musique électronique sur les territoires des communes de Sari-Solenzara et Solaro (Haute-Corse).

La SARL Colonna Franceschi et la société Circles Group ont saisi le tribunal administratif afin d'être indemnisées. Le tribunal administratif de Bastia a rejeté les requêtes.

Pour déterminer la responsabilité de la commune de Solaro, le juge a rappelé la règlementation relative à l'articulation entre les pouvoirs de police respectifs du maire et du préfet en matière de rassemblements festifs à caractère musical.

Les évènements festifs musicaux doivent faire « l'objet d'une déclaration des organisateurs auprès du représentant de l’État dans le département dans lequel le rassemblement doit se tenir, ou, à Paris, du préfet de police » (article L.211-5 du code de la sécurité intérieure).

A ce titre, « Le représentant de l’État dans le département ou, à Paris, le préfet de police, peut imposer aux organisateurs toute mesure nécessaire au bon déroulement du rassemblement, notamment la mise en place d'un service d'ordre ou d'un dispositif sanitaire » (article L.211-7 du code de la sécurité intérieure).

La déclaration « qui doit être faite par les organisateurs au plus tard un mois avant la date prévue pour le rassemblement, doit décrire les dispositions prévues pour garantir la sécurité et la santé des participants, la salubrité, l'hygiène et la tranquillité publiques et préciser les modalités de leur mise en œuvre, notamment au regard de la configuration des lieux ».

Par conséquent, la compétence de principe incombe au préfet.

Néanmoins, le maire, en tant que titulaire du pouvoir de police générale (article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales) n'est pas totalement démuni. Il peut intervenir « lorsque le rassemblement en question n'a pas été déclaré auprès du préfet en application de l'article L. 211-5 du code de la sécurité intérieure ou a été déclaré de façon incomplète, en cas de danger grave et imminent, ou encore, lorsque le rassemblement a lieu sur le territoire de plusieurs communes, en cas de circonstances locales particulières ».

En l'espèce, la déclaration effectuée par la société Colonna Franceschi le 20 juin 2018 était incomplète ; le terrain envisagé ne semblait pas approprié pour accueillir un tel évènement. Pour le maire, les lieux envisagés pouvaient donner lieu à des risques réels d'accidents.

L'élu a pointé du doigt « sur les difficultés posées par leur configuration en cas d'évacuation du public ou d'intervention des forces de l'ordre, sur l'absence d'autorisation d'occupation du domaine public maritime, sur les risques de stationnement anarchique et de perturbation du trafic automobile concernant un axe routier majeur, sur les atteintes au milieu naturel, et sur les risques d'incendie ».

Ces préoccupations ont d'ailleurs trouvé écho auprès du SDIS, du groupement de gendarmerie, du directeur départemental des territoires et de la mer, du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement, du directeur départemental de la cohésion sociale et de la protection des populations, de l'agence régionale de santé et du coordinateur pour la sécurité en Corse qui avaient tous rendu des avis défavorables.

Pour ces raisons, les juges administratifs d'appel ont admis la compétence du maire et l'a dédouané de toute responsabilité ; celui-ci a agi dans la limite de ses pouvoirs de police générale.

Malgré tout le jugement est annulé. Les juges administratifs n'auraient pas dû écarter la demande en responsabilité formulée par la société Circles Group.

(CAA Marseille 3 février 2020, n°18MA00851, SARL Colonna Franceschi et société Circles Group c/ commune de Solaro)

 

 

RESPONSABILITÉ

 

 

Responsabilité administrative

 

En dépit de l'intervention de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, une femme est décédée à la suite d'une détresse respiratoire. L'époux de la défunte et ses deux fils ont obtenu devant le Tribunal administratif de Paris la condamnation de l’État à réparer divers préjudices.

La Cour administrative d'appel de Paris a annulé le jugement et a condamné la commune de Courbevoie à verser une certaine somme. La commune de Courbevoie a formé un pourvoi en cassation pour contester sa responsabilité. 

Pour déterminer la personne morale responsable, encore faut-il connaître l'articulation entre les pouvoirs de police respectifs du maire et du préfet.

Le maire est investi du pouvoir de police générale telle qu'énoncé à l'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales. Dans le cadre de ces attributions, il peut voir sa responsabilité mise en jeu.

Toutefois, sa responsabilité peut être atténuée, voire totalement écartée en cas de faute de l'agent « ou du mauvais fonctionnement d'un service ne relevant pas de la commune » (article L.2216-2 du code général des collectivités territoriales.

Selon les dispositions de l'article L.2521-3 du code général des collectivités territoriales, « Le préfet de police de Paris est chargé du secours et de la défense contre l'incendie dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne [...] ». L'article R.1321-19 du même code précise que « La brigade de sapeurs-pompiers de Paris, placée pour emploi sous l'autorité du préfet de police, est chargée de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies, à Paris et dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis, du Val-de-Marne [...] ».

Les conseillers d’État ont estimé « qu'en jugeant que la responsabilité de la commune de Courbevoie était seule susceptible d'être engagée à raison des agissements fautifs imputés à la brigade de sapeurs-pompiers de Paris à l'occasion de son intervention sur son territoire, alors que cette intervention relevait d'une des missions de police municipale mentionnées à l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales et que les victimes du dommage avaient mis en cause, tant devant le tribunal que devant la cour, l’État, la cour a commis une erreur de droit ».

L'arrêt a donc été annulé. La juridiction d'appel aurait dû rechercher la responsabilité de l’État et non celle de la commune.

(CE 5 février 2020, n° 423972, commune de Courbevoie c/ MM. F)

 

Le 7 février 2012, un immeuble appartenant à un particulier a été en partie détruit par un premier feu d'origine accidentelle. Le 10 février 2012, un second incendie s'est déclaré au 1er étage de la partie sud-est de ce même immeuble et s'est ensuite propagé du rez-de-chaussée au dernier niveau de cette zone jusqu'à la partie nord-ouest du bâtiment où seuls la toiture et les combles ont été détruits.

Par un arrêté de péril imminent en date du 13 février 2012, le maire de Fronsac a demandé au propriétaire « de faire cesser par tout moyen et dans les plus brefs délais le danger caractérisé par l'état de dégradation avancé de son immeuble ». Le jour-même de l'arrêté, le propriétaire a procédé à la démolition de son immeuble.

La compagnie d'assurance du propriétaire, la société Groupama Centre Atlantique a obtenu de la Cour administrative d'appel de Bordeaux une expertise judiciaire. Suite au rapport de l'expert, la compagnie d'assurance a sollicité le tribunal administratif de Bordeaux la condamnation in solidum de la commune de Fronsac et du SDIS de lui verser une somme en réparation.

La compagnie d'assurance a relevé appel du jugement qui a rejeté sa demande.

Concernant la responsabilité du SDIS, il résulte des dispositions de l'article L.1424-2 du code général des collectivités territoriales « qu'il incombe aux services de secours et de lutte contre l'incendie de prendre toute mesure de vérification et de contrôle destinée à prévenir le risque d'une reprise de feu ».

L'expertise judiciaire a indiquait que le second incendie trouvait sa source dans le premier. Pour autant, la responsabilité du SDIS doit être écartée, « l'action des secours avait été adaptée aux risques et que les précautions prises à la suite du premier incendie correspondaient à la pratique habituelle des secours ». En effet, il a été « mis en place une surveillance suivie par des rondes régulières et ont réalisé des contrôles à la caméra thermique qui ont permis de traiter plusieurs points chauds et de prévenir plusieurs reprises de feu ».

Concernant la responsabilité de la commune, l'article L.1424-8 du même code dispose que « Sans préjudice des dispositions de l'article L. 2216-2, le transfert des compétences de gestion prévu par le présent chapitre au profit du service départemental d'incendie et de secours emporte transfert de la responsabilité civile des communes ou des établissements publics de coopération intercommunale au titre des dommages résultant de l'exercice de ces compétences ».

Lorsque la commune a recours aux services des SDIS, les responsabilités se répartissent de la manière suivante : « les services départementaux d'incendie et de secours établissements publics départementaux, sont responsables des conséquences dommageables imputables à l'organisation ou au fonctionnement défectueux des services et matériels concourant à l'exercice de la mission de lutte contre les incendies, alors même que les autorités de police communales peuvent avoir recours, pour exercer leur compétence de police générale, à des moyens et des personnels relevant de ces établissements publics et que la responsabilité des communes demeure susceptible d'être engagée dès lors que les dommages en cause trouvent en tout ou partie leur origine dans une faute commise par les autorités de police communales dans l'exercice de leurs attributions ».

Les juges d'appel approuvent les premiers juges qui ont estimé « qu'en l'absence de faute commise par le service départemental d'incendie et de secours de la Gironde dans son organisation ou son fonctionnement, la responsabilité de la commune de Fronsac ne pouvait être engagée ».

De même, la requérant a contesté la légalité de l'arrêté de péril. Là-encore la responsabilité de la commune n'est pas retenue, le requérant ne démontrant pas l'existence d'un préjudice en lien avec la faute. La responsabilité administrative suppose la démonstration par la victime d'une faute, d'un préjudice et d'un lien de causalité.

La requête de la société Groupama Centre Atlantique est donc rejetée.

(CAA Bordeaux 10 février 2020, n° 18BX01299, société Groupama Centre Atlantique c/ commune de Fronsac)

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