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L’actualité jurisprudentielle en matière de sécurité civile et de fonction publique territoriale

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

L’actualité jurisprudentielle de ces dernières semaines concernent surtout le domaine de la gestion des ressources humaines au sein des SDIS et de manière plus large au sein de la fonction publique territoriale.

La santé au travail est depuis plusieurs années un enjeu national. Pour mémoire, dans son rapport annuel « Santé Travail : enjeux et actions » de 2018, l’Assurance maladie apportait un éclairage sur les affections psychiques liées au travail. Quelques données significatives étaient mises en avant : « en 2016, plus de 10 000 affections psychiques ont été reconnues au titre des accidents du travail et près de 600 en maladie professionnelle ». Ces souffrances psychologiques qui peuvent prendre la forme de burn-out ou de dépression ne cessent d’augmenter depuis 2011. Les femmes sont majoritairement touchées. Deux arrêts illustrent ce phénomène inquiétant.

Enfin, deux décisions de justice en matière de permis de construire ont été rendues et intéresseront directement les sapeurs-pompiers. Le Conseil d’État n’hésite pas à procéder à quelques rappels bienvenus.

 

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DISCIPLINE

 

Sanctions

Exclusion temporaire

 

En 2014, un adjoint technique sous contrat à durée indéterminée a été licencié par son employeur, la commune de Cilaos à titre disciplinaire.

Cette sanction a été contestée devant les juridictions administratives lesquelles ont donné raison à l’employé. En effet, le Tribunal administratif de la Réunion et la cour administrative d’appel ont considéré que la sanction n’était pas proportionnée au regard des faits reprochés.

En 2016, cet agent public s’est vu infliger une exclusion de fonction d’une durée de onze mois. A nouveau saisi, le Tribunal administratif de la Réunion a annulé l’arrêté municipal qui a prononcé la sanction.

La commune de Cilaos a interjeté appel. Il est reproché à cet agent public des actes d’insubordination et d’incivilité.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé et à la différence des premiers juges que la nature de la sanction n’était pas disproportionnée. Le jugement a été infirmé.

(CAA Bordeaux 25 juillet 2019, n° 18BX03993-18BX03994, M. B… c/ Commune de Cilaos)

 

 

STATUT

 

Contrat administratif

 

Fin de délégation de service public et reprise sous forme de régie directe

Reclassement

 

Les SDIS du Calvados et du Loir-et-Cher ont repris la gestion de la formation des sapeurs-pompiers professionnels et des sapeurs-pompiers volontaires sous forme de régie directe. Avant ce service public était géré par une personne privée.

L’article L.1224-3, alinéa 1er du code du travail dispose que « lorsque l'activité d'une entité économique employant des salariés de droit privé est, par transfert de cette entité, reprise par une personne publique dans le cadre d'un service public administratif, il appartient à cette personne publique de proposer à ces salariés un contrat de droit public, à durée déterminée ou indéterminée selon la nature du contrat dont ils sont titulaires ».

La salariée a contesté son licenciement devant le Tribunal administratif de Caen lequel s’est déclaré incompétent pour traiter de sa demande. Selon la juridiction de première instance, la salariée est liée par un contrat de travail de droit privé, seuls les juges judiciaires sont compétents.

La demanderesse a interjeté appel. La cour administrative d’appel a confirmé le jugement au motif qu’en dépit d’un nouveau projet de contrat de droit public la liant aux SDIS, l’employée avait refusé de signer le document. Les deux établissements étaient en droit de la licencier. En effet, « en cas de refus des salariés d’accepter ces offres, le contrat prend fin de plein droit et la personne publique applique les dispositions relatives aux agents licenciés prévues par le droit du travail et par leur contrat ».

Le Conseil d’État, saisi par la suite, a validé le raisonnement et la motivation des juges d’appel. L’employée n’avait pas changé de cadre légal, elle était toujours soumise aux dispositions de droit privé. Par conséquent, sa rémunération « à compter du mois d’avril 2015 par les SDIS n’était pas de nature à établir l’existence d’un contrat de droit public […], les SDIS étaient tenus de la rémunérer en application de son contrat de droit privé, sans qu’ait d’influence à cet égard le fait que les bulletins de paie mentionnaient des cotisations sociales applicables aux agents publics ».

De plus, la haute juridiction a estimé que les juges d’appel n’ont pas commis d’erreur de droit en admettant la régularité du retrait du SDIS de sa proposition de contrat. En effet, cette proposition n’est pas créatrice de droits. Les juges du Palais-Royal ont ainsi rejeté le pourvoi.

(CE 24 octobre 2019, n° 419516, Mme B… A… c/ SDIS du Calvados et SDIS du Loir-et-Cher)

 

Classement au sein de la fonction publique territoriale des ressortissants européens

 

Une ressortissante italienne a d’abord été employée par l’Institut national des assurances contre les accidents du travail et les maladies professionnelles de 1993 à 2001. Après avoir réussi le concours externe en décembre 2006, elle a été titularisée en qualité d’adjointe administrative territoriale de 1ère classe. Dans les administrations italiennes, le contrat de droit privé est la règle. La requérante était donc liée par un contrat de droit privé.

Le SDIS des Yvelines, en sa qualité d’employeur, lui avait appliqué les règles de reprise d’ancienneté prévues pour les salariés de droit privé, c’est-à-dire les dispositions du décret du 22 mars 2010 relatives.

L’employée a contesté les arrêtés du SDIS devant les juridictions administratives lesquelles ont rejeté sa demande.

Le Conseil d’État a rappelé que pour « procéder au classement des ressortissants concernés des États membres de l'Union européenne (UE) ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen (EEE), lors de leur première nomination dans un cadre d'emplois de fonctionnaires territoriaux, l'article 5 du décret n° 2003-673 du 22 juillet 2003 prévoit que les services précédemment accomplis sont pris en compte en appliquant les règles de classement fixées par les dispositions statutaires régissant le cadre d'emplois d'accueil ».

Ainsi, bien qu’elle soit recrutée en Italie par un contrat de droit privé, elle devait se voir appliquer les règles de classement prévues pour les fonctionnaires.

(CE 27 juin 2018, n° 405783, Mme C… B…-A… c/ SDIS des Yvelines)

 

Notation

Demande de révision du compte-rendu d’entretien professionnel

 

Une employée a contesté devant le Tribunal administratif de Montreuil la décision du 3 juin 2016 du chef de service de la gestion des carrières et des rémunérations du Département de la Seine-Saint-Denis qui a refusé de faire droit à sa demande de révision de son compte-rendu d’entretien professionnel annuel.

La cour administrative d’appel a, à titre liminaire, rappelé les dispositions en la matière pour en déduire qu’il « ne ressort d'aucun texte applicable à l'évaluation des agents de la fonction publique territoriale que l'autorité hiérarchique soit tenue d'accorder un second entretien d'évaluation à l'agent qui conteste les termes du compte rendu d'évaluation le concernant ni que l'autorité hiérarchique soit tenue d'accepter que l'agent puisse être assisté d'une personne de son choix au cours d'un éventuel second entretien ».

Les juges d’appel ont confirmé le jugement du tribunal qui a rejeté la requête.

(CAA Versailles 19 septembre 2019, n° 18VE01333, Mme E… A… c/ Département de la Seine-Saint-Denis)

 

Responsabilité

Responsabilité administrative

Harcèlement moral et maladie imputable au service

 

Une sapeuse-pompière du SDIS de la Moselle a saisi le Tribunal administratif de Strasbourg tendant à l’annulation de l’arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le président du conseil d’administration du SDIS de la Moselle a refusé d’admettre l’imputabilité au service de sa maladie.

Par un jugement en date du 6 février 2018, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l’arrêté contesté et a enjoint le SDIS de la Moselle de verser une somme au titre de l’écart entre le traitement intégral que le justiciable aurait dû percevoir et ce qu’elle a effectivement perçu.

Les premiers juges se sont fondés sur les certificats médicaux pour admettre qu’il existe « un lien entre la pathologie de l’intéressée et le conflit qui l’oppose à sa hiérarchie ». La sapeuse-pompière souffre depuis 2010 d’un « syndrome anxio-dépressif chronique dans un contexte de difficultés professionnelles qui perdurent depuis plusieurs années en rapport avec un harcèlement en cours de procédure ».

La cour administrative d’appel a confirmé le jugement qui, d’une part a reconnu la responsabilité du SDIS pour les faits de harcèlement, et d’autre part a déclaré la maladie de la requérante comme imputable au service.

En effet, selon les juges, la sapeuse-pompière a soumis suffisamment d’éléments de fait susceptibles de présumer l’existence de harcèlement moral. Elle a déposé une plainte en 2009 et deux mains courantes en 2010 pour ce motif. Elle a subi, par ailleurs, des tracts diffamants et la dégradation de son casier de cuisine qui « ont provoqué une réaction insuffisante de la part de sa hiérarchie compte-tenu de l’état de détresse psychologique de l’intéressée parfaitement connu de son employeur ».

Le SDIS a également été condamné à verser une certaine somme à la requérante.

(CAA Nancy 24 octobre 2019, n° 18NC01107, Mme A… E… c/ SDIS de la Moselle)

 

Une directrice de l’établissement d’hébergement pour personnes dépendantes (EHPAD) de Trémentines s’est vu refuser par son employeur, la communauté d’agglomération du Choletais, la reconnaissance en maladie professionnelle du syndrome dépressif dont elle souffre.

Par un jugement du 31 juillet 2014, le Tribunal administratif de Nantes a fait droit à la requête de l’intéressée d’annuler la décision.

La Cour administrative d’appel de Nantes, saisie par la communauté d’agglomération de Choletais, a confirmé le jugement pour les raisons suivantes.

La juridiction d’appel a indiqué en premier lieu la règle de droit : « Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service ».

Puis, dans un second lieu, elle a apprécié les éléments factuels. L’attachée territoriale a été sanctionnée à deux reprises. La seconde sanction a constitué l’élément déclencheur de son placement en arrêt de travail. Les différents médecins consultés ont diagnostiqué chez leur patiente des signes de burn-out et de dépression. La commission de réforme a, par ailleurs, estimé que « la pathologie dépressive de l'intéressée était en lien avec son travail et qu'il n'existait pas d'état antérieur ou d'éléments de sa vie privée pouvant par ailleurs être à l'origine de cette affection ».

Il est reconnu que « la requérante a contribué à la naissance et à la persistance d'une situation conflictuelle au travail, par son opposition aux projets d'évolution du service, ses refus répétés de respecter les règles de fonctionnement de la collectivité, son attitude de dénigrement vis-à-vis de ses supérieurs comme de ses agents, et des contestations parfois abusives au sujet notamment de sa rémunération ou de son logement de fonction ».

Toutefois ce comportement contestable n’étant pas détachable du service, les juges ont donc estimé que la maladie de celle-ci « doit être regardée comme présentant un lien direct avec l'exercice de ses fonctions ».

(CAA Nantes 20 septembre 2019, n° 19NT01112, Mme A… c/ Communauté d’agglomération du Choletais)

 

 

LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

 

Acte administratif

Permis de construire

 

Par un arrêté du 30 juillet 2015, la mairie de Marseille a accordé un permis de construire à une société pour un projet d’immeuble comprenant quinze logements et trente-trois places de stationnement.

Des particuliers ont contesté cet arrêté municipal devant le juge de l’excès de pouvoir lequel leur a fait à leur requête.

Le Conseil d’État, saisi par la commune de Marseille, a reconnu que le permis de construire était entaché de plusieurs irrégularités parmi lesquelles l’absence de voie permettant l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie et de secours.

La Haute juridiction a rappelé que « les services publics d'incendie et de secours sont, dans le cadre de leurs missions de protection et de secours, en droit d'intervenir sur tout le territoire de la commune, sans que puisse leur être opposé le caractère privé des voies qu'ils doivent emprunter ».

Pour autant le jugement a été annulé ; la juridiction administrative de première instance a commis une erreur de droit en ne recherchant pas comme il lui était demandé, « si les vices qu'il retenait faisaient obstacle à la régularisation du permis litigieux par un permis modificatif ».

(CE 21 octobre 2019, n° 419632, M. et Mme F… B…, M. E… H…, M. et Mme A… C…, M. D… G… et la SCI Imaj c/ Commune de Marseille)

 

Par un arrêté du 9 novembre 2016, le maire d’Anglet a délivré un permis de construire au profit de sa commune en vue de la réalisation d’un local destiné à accueillir un centre de formation des sauveteurs côtiers et une association sportive pour personnes handicapées.

Cet arrêté municipal a été attaqué par le Préfet des Pyrénées-Atlantiques devant le Tribunal administratif de Pau lequel a prononcé son annulation.

La Cour administrative d’appel de Bordeaux a mentionné, à titre liminaire, le régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral. L’article L.121-16 du code de l’urbanisme énonce le principe : « En dehors des espaces urbanisés, les constructions ou installations sont interdites sur une bande littorale de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article L. 321-2 du code de l'environnement ». Mais ce même texte prévoit également une exception : « L'interdiction prévue à l'article L. 121-16 ne s'applique pas aux constructions ou installations nécessaires à des services publics ou à des activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau […] ».

Pour les juges d’appel, il ne fait nul doute que le projet se situe dans la bande littorale de cent mètres. Surtout, les juges ont considéré qu’à « supposer que ces activités puissent être qualifiées de missions de service public au sens de l'article L. 121-17 du code de l'urbanisme [ce projet comprend un local de stockage de matériel nécessaire à l'activité de sauvetage], il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elles exigeraient la proximité immédiate de l'eau ».

La juridiction d’appel a conclu que ce projet « méconnaît les articles L. 121-16 et L. 121-17 du code de l'urbanisme ». Le jugement du tribunal qui, a annulé l’arrêté contesté, a ainsi été confirmé.

(CAA Bordeaux 15 octobre 2019, n° 18BX00302, Préfet des Pyrénées-Atlantiques c/ Commune d’Anglet)

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