Portail National des Ressources et des Savoirs

L’actualité jurisprudentielle en lien avec la sécurité civile et la pandémie de Covid-19

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
-
Texte du commentaire

Présentation :

Même si le Conseil d’État a repris l’ensemble de ses activités, il continue de traiter les recours en référé-liberté contre les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. Ainsi, la haute juridiction a jugé que les mesures de surveillance par drone prises par les autorités parisiennes ne respectaient pas la législation en vigueur relative aux traitements de données personnelles ; elle a donc enjoint le gouvernement de s’y conformer.

----------.

.

RESPONSABILITÉ

.

.

Responsabilité administrative

Référé-liberté

.

Plusieurs associations pour la protection de l’environnement ont demandé au juge des référés du Conseil d’État de « suspendre l’exécution de l’instruction technique DGAL/SDQSPV/2020-87 du 3 février 2020 ». Ce texte « vise à permettre aux agriculteurs, lorsqu’un projet de charte d’engagements a été effectivement élaboré, qu’il comporte des mesures définies à l’annexe 4 de l’arrêté et qu’il fait l’objet d’une concertation publique, d’appliquer les distances minimales réduites prévues par l’arrêté [du 27 décembre 2019] à condition de respecter les mesures prévues par la charte, sans attendre l’approbation de la charte par le préfet ». Il s’agit de mesures transitoires valables jusqu’au 30 juin 2020 uniquement, soit le temps nécessaire pour l’élaboration de ces chartes.

Le Conseil d’État n’a pas changé d’avis ; il considère que « les distances minimales en cause sont conformes aux préconisations de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail dans son avis du 4 juin 2019 au vu duquel a été pris l’arrêté,  avis qui est fondé sur des calculs d’exposition des riverains aux produits en cause lorsqu’ils sont effectivement présents à leur domicile au moment de leur épandage, comme c’est particulièrement le cas dans la période actuelle ».

De plus, il estime que l’application des dispositions de l’instruction n’ont « ni pour objet ni pour effet de priver les populations concernées de l’information à laquelle elles ont droit sur l’existence et le contenu d’un projet de charte ni du bénéfice d’une concertation effective avant l’approbation du projet de charte par le préfet ».

La Haute juridiction a donc rejeté la requête au motif que la mesure ne présentait pas « un risque imminent pour la santé » et ne compromet pas « la concertation prévue par les articles R.253-46-1-1 et suivants du même code ».

(CE 15 mai 2020, n° 440211, association générations futures et autres)

.

L’association « La Quadrature du Net » et la Ligue des droits de l’homme ont relevé appel du jugement du tribunal administratif de Paris qui les a débouté de leur demande. Ils ont demandé de « suspendre l’exécution de la décision du préfet de police ayant institué depuis le 18 mars 2020 un dispositif visant à capturer des images par drones et à les exploiter afin de faire respecter les mesures de confinement et d’enjoindre au préfet de police de cesser immédiatement, à compter du prononcé de l’ordonnance à intervenir, de capter des images par drones, de les enregistrer, de les transmettre ou de les exploiter, puis de détruire toute image déjà captée dans ce contexte, sous astreinte de 1 024 euros par jour de retard ».

Le Conseil d’État considère que ce dispositif « constitue un traitement de données à caractère personnel qui relève du champ d’application de la directive du 27 avril 2016 ». Par conséquent, « une autorisation par arrêté du ou des ministres compétents ou par décret, selon les cas, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) » est nécessaire. Le défaut de cette autorisation est de nature à entraîner « une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie privée ».

Les juges du Palais-Royal enjoint donc « l’État de cesser, à compter de la notification de la présente ordonnance, de procéder aux mesures de surveillance par drone, du respect, à Paris, des règles de sécurité sanitaire applicables à la période de déconfinement tant qu’il n’aura pas été remédié à l’atteinte caractérisée au point précédent, soit par l’intervention d’un texte réglementaire, pris après avis de la CNIL, autorisant, dans le respect des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 applicables aux traitements relevant du champ d’application de la directive du 27 avril 2016, la création d’un traitement de données à caractère personnel, soit en dotant les appareils utilisés par la préfecture de police de dispositifs techniques de nature à rendre impossible, quels que puissent en être les usages retenus, l’identification des personnes filmées ».

(CE 18 mai 2020, n° 440442, 440445, association la quadrature du net et la ligue des droits de l’homme)

.

Un commerce bar-tabac a été inondé pendant près de deux heures à la suite d’une bouche d’incendie qui s’est rompue. L’exploitant de l’établissement a engagé la responsabilité in solidum de la commune de Neuilly-sur-Seine, l’État (préfet de police de Paris), le Syndicat des eaux d'Ile-de-France (SEDIF) et la société Véolia Eau.

Le Tribunal administratif de Versailles, après avoir ordonné une expertise judiciaire, a condamné la commune.

L’exploitant de l’établissement et son assureur ont relevé appel.

Les juges administratifs d’appel ont rejeté l’argument de la commune qui invoquait un transfert de compétence en matière service public de lutte contre l'incendie, devenu service de défense extérieure contre l'incendie au profit du Syndicat des Eaux d'Ile-de-France (SEDIF).

De plus, la responsabilité ne peut s’étendre à la société Véolia Eau car, en sa qualité de régisseur, elle « n'intervient sur ces équipements communaux qu'à l'initiative de la commune et aux frais de cette dernière ».

Les juges du fond ont ajouté que « si l'entretien de la bouche d'incendie appartenait à la brigade des sapeurs pompiers de Paris placée sous l'autorité du préfet de police chargé du secours et de la défense contre l'incendie dans les départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne par l'article L. 2521-3 du code général des collectivités territoriale, le préfet doit être regardé comme agissant en cette qualité au nom et pour le compte de la commune, en vertu des pouvoirs de police municipale normalement dévolus aux maires par l'article L. 2212-2 du même code ».

La commune demeure donc le maître d'ouvrage des prises d'incendie. A ce titre, la commune est responsable des dommages causées par la bouche d’incendie. Elle ne peut s’exonérer de la faute d’un sapeur-pompier ou de l’action d’un individu quelconque non identifié. En effet, « un sapeur-pompier ayant procédé à la vérification de la bouche d'incendie en litige avait constaté un dysfonctionnement du couvercle de la bouche et avait essayé de fermer le couvercle à l'aide du pied et en tapant fortement ».

(CAA Versailles 28 avril 2020, n° 17VE01642, M. F… et MUTEDAF)

.

Sur la demande du Préfet des Alpes de Haute-Provence, le juge des référés du Tribunal administratif de Marseille a suspendu « l'exécution de l'arrêté du 8 août 2019 par lequel le maire de la commune d'Aubenas-les-Alpes a réglementé, en les restreignant, les modalités d'utilisation de produits phytopharmaceutiques sur le territoire communal, interdisant l'utilisation de ces produits à une distance inférieure à 500 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel, de tous puits de captage, sources et cours d'eau privés ou publics et réduisant leur usage à 100 mètres lorsqu'existait une haie anti-dérive continue en bordure de la parcelle traitée, sous réserve du respect de certaines caractéristiques ou conditions matérielles ».

La commune a interjeté appel.

Les juges administratifs d’appel ont une nouvelle fois rappelé que « s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques en application des dispositions citées ci-dessus des articles L. 2212-2 et L. 2212-4 du code général des collectivités territoriales, il ne saurait, sans porter atteinte aux pouvoirs de police spéciale des produits phytopharmaceutiques conférés aux autorités de l’État, édicter des mesures réglementaires à caractère général ».

De même, la commune ne peut appliquer le principe de précaution que dans les domaines relevant de sa compétence, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Les considérations générales mises en exergue par la commune ne permettent pas de démontrer l’existence d’un « danger grave et imminent justifiant l'intervention du maire dans le cadre de son pouvoir de police générale ».

Sans surprise, la requête de la commune a été rejetée.

(CAA Marseille 29 avril 2020, n° 20MA00835, commune d'Aubenas-les-Alpes)

lien externe
-
Fichier
-