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L’actualité jurisprudentielle en lien avec la sécurité civile et la pandémie de Covid-19

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Les décisions ont trait à la discipline, aux congés, à la légalité et la responsabilité administrative.

De manière assez discrète (l’ordonnance a vite intégrée la base de donnée sans publicité), le CE a rejeté la demande d’un syndicat de suspendre les dispositions relatives aux congés imposés dans la fonction publique.

A l’inverse, le CE a acquiescé la requête de la FFUB d’enjoindre au gouvernement de publier un communiqué autorisant expressément l’utilisation du vélo comme moyen de déplacement.

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DISCIPLINE

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Sanctions

Exclusion temporaire

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Une infirmière-anesthésiste affectée au service mobile d'urgence et de réanimation (SMUR) du CHU de Brest a été exclue temporairement de ses fonctions pour une durée de six mois dont trois mois avec sursis.

A la demande de l'infirmière, le Tribunal administratif de Rennes a annulé la décision du CHU de Brest. Le CHU de Brest a relevé appel du jugement.

Il est reproché à l'encontre de la soignante, lors d'une opération de secours, « de ne pas avoir participé à l'armement de l'hélicoptère, d'avoir remis en cause la stratégie d'intervention et les moyens y ayant été affectés, d'avoir débranché l'oxygénation du patient transporté sans en référer préalablement au médecin accompagnateur et d'avoir fait courir ainsi un risque à ce patient ».

Les pièces du dossier ont fait ressortir que si la soignante « a effectivement débranché l'oxygénateur de l'hélicoptère sans en avoir expressément et préalablement référé à un médecin, ce geste n'a été accompli qu'une fois l'hélicoptère posé à proximité d'une ambulance où l'oxygénation du patient allait se poursuivre sans délai et sans risque particulier pour celui-ci, ce geste étant nécessaire pour pouvoir opérer le transfert hélicoptère-ambulance, et étant très habituellement pratiqué, dans des conditions identiques, par des infirmières-anesthésistes ».

En revanche, il est démontré que l’infirmière « a délibérément pris une initiative non conforme aux consignes médicales reçues [déplacer la patiente allonger sur un brancard] et s'est soustraite à celles-ci [mettre en place une perfusion sanguine], tout en mettant en danger la santé des patients ». Pour les juges d’appel, ces faits caractérisent une faute « d'autant plus qu'ils ont été commis dans un contexte d'urgences médicales qui nécessite un respect scrupuleux des consignes pour éviter toute désorganisation du service préjudiciable aux patients en situation d'urgence vitale ».

Si une sanction se justifiait, une exclusion temporaire a été jugée disproportionnée au regard des faits reprochés. De plus, c’était la première fois que l’infirmière faisait l’objet d’une procédure disciplinaire.

La requête du CHU de Brest est une nouvelle fois rejetée.

(CAA Nantes 2 avril 2020, n° 19NT00097, CHU de Brest)

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STATUT

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Congés

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Trois SPP ont sollicité chacun auprès de leur employeur, le SDIS, l'octroi d'un jour de congé supplémentaire au titre des congés dits de " fractionnement ".

L'article 1er du décret n° 85-1250 du 26 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux prévoit qu'un « jour de congé supplémentaire est attribué au fonctionnaire dont le nombre de jours de congé pris en dehors de la période du 1er mai au 31 octobre est de cinq, six ou sept jours ; il est attribué un deuxième jour de congé supplémentaire lorsque ce nombre est au moins égal à huit jours » (in fine).

Le Tribunal administratif de Grenoble a annulé les deux décisions du SDIS de rejet. Le SDIS et les deux SPP ont relevé appel.

Les juges administratifs d’appel ont fait observer que le décret du 26 novembre 1985 s’applique à tous les fonctionnaires territoriaux, y compris les sapeurs-pompiers.

Le SDIS a soutenu que ses agents « disposent de trente-deux jours de congés annuels augmentés de quatre jours supplémentaires accordés par le président ainsi que de douze jours de récupération de temps de travail ». Pour les juges, « même à supposer exactes les affirmations du SDIS [...] selon lesquelles les pompiers professionnels disposent de quarante-huit jours de congés, cette seule circonstance ne permet pas de considérer que ces jours incluent les deux jours dits de fractionnement dont l'octroi dépend uniquement des conditions susmentionnées ».

Les trois agents sont donc fondés à réclamer leur jour supplémentaire de congé.

La requête du SDIS a une nouvelle fois été rejetée.

(CAA Lyon 9 avril 2020, n° 18LY00827, SDIS et MM. D…, H… et E…)

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La Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière a demandé au juge des référés du Conseil d’État « d'ordonner la suspension de l'exécution de l'ordonnance n° 2020-430 du 15 avril 2020 relative à la prise de jours de réduction du temps de travail ou de congés dans la fonction publique de l’État et la fonction publique territoriale au titre de la période d'urgence sanitaire ».

L’article 1er de l’ordonnance oblige en particuliers « les fonctionnaires et agents contractuels de droit public de la fonction publique de l’État, […] en autorisation spéciale d'absence entre le 16 mars 2020 et le terme de l'état d'urgence sanitaire déclaré par la loi du 23 mars 2020 susvisée ou, si elle est antérieure, la date de reprise par l'agent de son service dans des conditions normales » de prendre, sous certaines conditions, dix jours de réduction du temps de travail ou de congés annuels au cours de cette période. L’article 2 du même texte prévoit également que « le chef de service peut imposer [à ses agents], de prendre cinq jours de réduction du temps de travail ou, à défaut, de congés annuels au cours de cette période ».

Le juge des référés a observé que le gouvernement était habilité par le Parlement pour adopter de telles mesures alors même qu'il disposait de la compétence. Par conséquent, le Président de la République « compétemment, sans habilitation du législateur, fixer les règles litigieuses, en faisant obligation aux agents de prendre des jours de congés pendant une période déterminée, cette période débutant le lendemain de l'entrée en vigueur de l'ordonnance ».

En outre, ces mesures ne concernent pas les autorisations d'absence liées à la parentalité et à l'occasion de certains évènements familiaux. Le requérant ne pouvait soutenir que les dispositions portaient atteintes à l'article 21 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.

La requête a ainsi été rejetée.

(CE 27 avril 2020, n° 440150, Fédération des personnels des services publics et des services de santé Force ouvrière)

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LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

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Acte administratif

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Une société a contesté une partie de l’arrêté du 23 avril 2018 qui « fixe les exigences techniques et les modalités générales du balisage des obstacles à la navigation aérienne ». Elle a reproché à cet arrêté d’imposer « un balisage lumineux permanent des éoliennes, sans autoriser le recours à des technologies de balisage dit " circonstanciel ", intermittent, qui permet de n'identifier ces obstacles par des feux lumineux qu'en cas de localisation d'un aéronef à proximité ».

Le Conseil d’État a rappelé que l’article 3 de la directive 2001/42/CE du Parlement européen et du Conseil du 27 juin 2001 ne s’applique pas à l’égard des plans et programmes destinés uniquement à des fins de défense nationale et de protection civile.

Par conséquent, « les dispositions attaquées de l'arrêté du 23 avril 2018, qui ont pour objet, par l'établissement de règles de balisage des obstacles à la navigation aérienne telles les éoliennes, de garantir la sécurité de la circulation aérienne civile et miliaire ainsi que la protection des populations survolées, ne sont, en tout état de cause, pas soumises à la procédure d'évaluation environnementale ».

Ensuite, les conseillers d'état ont écarté l'argument selon lequel l'arrêté attaqué aurait été adopté à la suite d'une procédure irrégulière. En effet, les règles de balisage des éoliennes n'ont pas « une incidence directe et significative sur l'environnement » justifiant la participation du public dans l'élaboration de l'acte.

Enfin, ils ont estimé que les règles étaient proportionnées dans la mesure qu’elles « sont nécessaires pour assurer la sécurité en matière de circulation aérienne, sans qu'elles soient susceptibles d'entraîner des inconvénients excessifs pour la tranquillité des riverains, le maintien de la biodiversité ou le développement de l'énergie éolienne ».

Pour toutes ces raisons, la requête a été rejetée.

(CE 13 mars 2020, n° 425161, société InnoVent)

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Police administrative

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Le maire de Walheim a édicté un arrêté « anti-pesticide », en interdisant l’utilisation des produits phytopharmaceutiques « à une distance inférieure à 100 mètres de toute parcelle cadastrale comprenant un bâtiment à usage d'habitation ou professionnel et en réduisant cette distance à 70 mètres dans certains cas ».

Le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté la demande du préfet du Haut-Rhin tendant à ce que soit ordonnée la suspension de l'exécution de cet arrêté.

Le préfet a interjeté appel.

La Cour administrative d’appel de Nancy a cité le Conseil d’État pour réaffirmer que « s'il appartient au maire, responsable de l'ordre public sur le territoire de sa commune, de prendre les mesures de police générale nécessaires au bon ordre, à la sûreté, à la sécurité et à la salubrité publiques, il ne saurait s'immiscer dans l'exercice de cette police spéciale qu'en cas de danger grave ou imminent ou de circonstances locales particulières ».

Et d’ajouter : « à supposer même que cette carence temporaire des autorités détentrices de la police spéciale de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques fût de nature à justifier, en raison d'un danger grave et imminent, l'intervention en urgence du maire sur le fondement de ses pouvoirs de police générale, l'arrêté attaqué ne mentionne aucun élément qui, à Walheim, caractériserait l'existence d'un tel péril imminent pour la population de cette commune, ce que ne peuvent constituer les seules indications contenues dans l'arrêté relatives au manque d'études et à l'absence d'informations sur la toxicité et l'écotoxicité des particules employées dans les produits phytopharmaceutiques ».

De plus, « la présence dans la commune de nombreuses habitations situées à proximité immédiate de terres agricoles cultivées, dont certaines sous le vent de parcelles agricoles cultivées, et d'une inquiétude des habitants de la commune, qui demanderaient des mesures de protection au maire » ne constituent pas des circonstances locales justifiant l’intervention de l’élu.

Le jugement a donc été annulé.

(CAA Nancy 10 avril 2020, n° 20NC00487, Préfet du Haut-Rhin)

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L’association a demandé au juge des référés « d’ordonner, la suspension de l’exécution de la décision du 24 avril 2020 prise par le maire de la commune de Cholet ayant pour objet d’interdire de 22 heures à 5 heures sur la voie publique ou l’espace public de l’ensemble du territoire communal, à compter du 24 avril 2020 toute circulation ».

Le juge des référés fait observer que « le législateur a institué une police spéciale donnant aux autorités de l’État mentionnées aux articles L.3131-15 à L.3131-17 la compétence pour édicter, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, les mesures générales ou individuelles visant à mettre fin à une catastrophe sanitaire telle que l’épidémie de covid-19, en vue, notamment,d’assurer, compte tenu des données scientifiques disponibles, leur cohérence et leur efficacité sur l’ensemble du territoire concerné et de les adapter en fonction de l’évolution de la situation ».

Dès lors si le maire demeure compétent, y compris en période d’état d’urgence sanitaire, de prendre des mesures de police générale, il ne peut user de ce pouvoir lutter contre l’épidémie de Covid-19.

Pour le juge, le maire de Cholet n’a pas démontré de « raisons impérieuses, propres à la commune » justifiant son intervention. Il a estimé que cet arrêté compromettait la cohérence et l’efficacité des mesures prises au niveau national.

Cet arrêté avait déjà été suspendu par une ordonnance du 24 avril 2020. Pour autant, l’élu local avait, par voie de communiqué de presse, renouvelé l’arrêté en réduisant la durée de l’interdiction de circuler qui s’appliquerait désormais de 22 heures à 5 heures du matin.

Le juge administratif considère que ce communiqué doit être considéré comme « une décision verbale, qui n’a donc pas fait l’objet d’une publication officielle et a été portée à la connaissance des administrés par voie de presse, qui n’est pas motivée et qui édicte, à compter du vendredi 24 avril 2020, une interdiction générale de circuler entre 22 heures et 5 heures sur l’intégralité du territoire de la commune de Cholet et ce pour une durée indéterminée ».

Cette décision a été suspendue car elle « porte une atteinte immédiate à la liberté d’aller et venir et à la liberté personnelle des personnes appelées à se déplacer sur l’ensemble du territoire de la commune de Cholet ».

(

, n° 2004501, Ligue des droits de l’Homme)

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RESPONSABILITÉ

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Responsabilité administrative

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Faute

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Un propriétaire a engagé la responsabilité administrative du maire de la commune de Saint-Ambroix après s’être vu annulé son permis de construire par un jugement du 20 septembre 2013 du Tribunal administratif de Nîmes à la demande du Préfet du Gard.

Le requérant a relevé appel du jugement qui a rejeté sa demande d’indemnisation.

La Cour administrative d’appel de Marseille a considéré que le maire, en accordant les permis de construire sans tenir compte du risque d’inondation, avait fait une mauvaise application des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, constituant une faute de nature à engager sa responsabilité.

La juridiction administrative a toutefois retenue une exonération partielle de la responsabilité de la commune.

En effet, « eu égard à la localisation des parcelles à proximité immédiate de cours d'eau et à l'information sur le caractère inondable du terrain faisant l'objet de mentions sur le compromis de vente et l'acte de vente, il appartenait [au propriétaire] de s'assurer de l'évolution ou non du niveau du risque d'inondation du terrain convoité afin d'être informé de l'aléa évalué à fort par le PPRI opposable à la date de la régularisation de l'acte notarié et dont le règlement applicable à la zone F-U où est classé le terrain, interdit les constructions nouvelles ». 

Par contre, le maire ne pouvait soutenir que les services de l’État ont été négligeant en transmettant de manière tardive l'avis défavorable de la direction départementale des territoires et de la mer du Gard.

De même, le préfet était en droit d'agir, l'action contre les décisions n'étaient pas prescrites.

La requête a malgré tout été rejetée une nouvelle fois car le requérant « ne fait état que d'un préjudice futur et purement éventuel ».

(CAA Marseille 24 mars 2020, n° 18MA05471, M. C...)

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Référé-liberté

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La Fédération française des usagers de la bicyclette a demandé au juge des référés du Conseil d’État d’enjoindre au gouvernement de publier un communiqué autorisant expressément l’utilisation du vélo dans le cadre des déplacements autorisés.

Le juge des référés a constaté que « plusieurs autorités de l’État continuent de diffuser sur les réseaux sociaux ou dans des réponses à des « foires aux questions », l’information selon laquelle la pratique de la bicyclette est interdite dans le cadre des loisirs et de l’activité physique individuelle « à l’exception des promenades pour aérer les enfants où il est toléré que ceux-ci se déplacent à vélo, si l’adulte accompagnant est à pied », ainsi qu’un pictogramme exprimant cette même interdiction ».

Il a estimé que ces contradictions de communication par les autorités publiques constituent des incertitudes « portant une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ».

Le juge de l’évidence fait donc droit à la demande de la Fédération.

En revanche, les autres demandes (enjoindre au préfet de rouvrir les pistes cyclables, interrompre les procédures engagées contre les cyclistes) ne relèvent pas de la compétence du juge des référés.

(CE 30 avril 2020, n° 440179, Fédération française des usagers de la bicyclette)

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