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L’actualité jurisprudentielle en lien avec la sécurité civile et la pandémie de Covid-19

Nom de l'expert
Touache
Prénom de l'expert
Alexia
Fonction de l'expert
Elève-avocate - CERISC
Chapo du commentaire
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Texte du commentaire

Présentation :

Les décisions présentées ici concernent avant tout la sécurité civile et portent sur des champs très variés : les SPV et leur obligation de valider la formation initiale, la prévention (règles en matière de construction, PPRNP, arrêté de péril imminent), la responsabilité recherchée d’un SDIS à la suite d’une intervention ou encore le régime indemnitaire.

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STATUT

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Sapeur-pompier volontaire

Engagement

Résiliation

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Par un arrêté en date du 18 janvier 2017, le président du SDIS a résilié d'office le contrat d'engagement d’un SPV à compter du 20 janvier 2017 pour non-validation de la formation initiale.

Le Tribunal administratif d’Orléans a rejeté la demande d’annulation de l’arrêté, ce qui a conduit le SPV à interjeter appel.

Il résulte des dispositions du code de la sécurité intérieure que « si l'autorité de gestion dispose d'un pouvoir d'appréciation de l'opportunité de résilier unilatéralement l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire qui n'a pas satisfait aux épreuves sanctionnant la formation initiale mentionnée à l'article R.723-16, elle dispose nécessairement du même pouvoir d'appréciation concernant l'opportunité de résilier ou non l'engagement d'un sapeur-pompier volontaire qui, à l'issue de sa période probatoire, ne s'est pas présenté aux épreuves permettant l'acquisition de cette formation initiale ».

Or, au terme d’un délai accordé de 3 ans et 6 mois, « l'intéressé n'a pas validé le module premier secours en équipe niveau 2 (PSE2) », devenu le module de secours à personne.

Les juges administratifs ont estimé que le conseil d’administration du SDIS n’a pas fait une mauvaise application des dispositions, peu importe que l’arrêté en question ne se fonde pas sur les bons textes.

Le requérant a invoqué le détournement de pouvoir. Là-encore, les juges n’ont pas retenu l’argument. A titre comparatif, d’autres SPV se trouvaient dans la même situation que lui mais à la différence près qu’ils avaient néanmoins formulé des demandes de formation ; d'où leur contrat d'engagement n'avait pas été résilié.

La Cour administrative d'appel a rejeté la demande du SPV.

(CAA Nantes 31 mars 2020, n° 18NT02695, M. A...)

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LÉGALITÉ ADMINISTRATIVE

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Acte administratif

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Certificat d’urbanisme

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Un couple de propriétaires a reçu, par le maire, le certificat de conformité, après avoir dû effectuer des travaux supplémentaires destinée à « la défense extérieure contre l'incendie des quatre futurs logements du lotissement ».

Les propriétaires, « estimant que la réalisation de ces travaux et leur financement incombaient à la commune de Caudebec-les-Elbeuf », ont demandé réparation pour les différents préjudices subis au juge administratif.

Les juges du fond, aussi bien en première instance qu’en appel, ont rejeté la requête ; ils ont estimé que la commune n’avait pas commis de faute.

La juridiction administrative d’appel a rappelé que « relèvent des équipements propres à l'opération ceux qui sont nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction ou du terrain jusqu'au branchement sur le réseau public qui existe au droit du terrain, en empruntant, le cas échéant, des voies privées ou en usant de servitudes, ou, dans les conditions définies au quatrième alinéa de l'article L. 332-15 précité, en empruntant, en tout ou partie, des voies ou emprises publiques, sous réserve dans ce dernier cas que le raccordement n'excède pas cent mètres ».

Les propriétaires ont dû installer un poteau d’incendie dont l’instruction ne démontre pas qu’il se situerait à plus de 100 mètres du projet de lotissement. Par conséquent, « la circonstance qu'il peut aussi être utilisé pour la lutte contre l'incendie de deux autres constructions sur un terrain voisin ne lui retire pas le caractère d'équipement propre au lotissement, dès lors que cet ouvrage est indispensable à la sécurité des quatre constructions du lotissement et qu'il n'est pas établi que le poteau en cause soit principalement destiné à ces deux autres constructions ».

En outre, la commune n’a méconnu ni son obligation de service public de défense extérieure (non-applicable en l’espèce), ni « le principe de mutabilité du service public qui exige de la personne publique de s'adapter à l'évolution des besoins des usagers en fonction des techniques disponibles ».

(CAA Douai 2 avril 2020, n° 18DA01553, Mme et M. C…)

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PPRNP

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La ministre de la transition écologique et solidaire a relevé appel d’un jugement qui a annulé l’arrêté préfectoral approuvant le plan de prévention des risques littoraux liés au recul de falaises sur les communes d'Ault, Saint-Quentin-La-Motte-Croix-au-Bailly et Woignarue, dit " PPR des falaises picardes ".

Par principe de précaution, le plan de prévention a qualifié « de fort l'aléa du risque d'érosion » sur l'ensemble des secteurs du littoral aultois.

Pour les juges administratifs, « la délimitation d'une seule zone réglementaire incluant ces secteurs ne saurait ainsi être regardée comme procédant d'une appréciation manifestement exagérée du risque d'éboulement lié au recul du trait de côte auquel ils sont exposés ».

De plus, l'article 2.2 du titre II du règlement annexé à l'arrêté attaqué n’est pas entaché de droit : « l'obligation que cet article 2.2 fait peser sur les propriétaires des biens situés en zone rouge de faire réaliser des études préalables, destinées à vérifier que les projets susceptibles d'être autorisés ne vont pas aggraver le risque d'érosion, relève des mesures de prévention susceptibles d'être définies par le plan de prévention des risques naturels prévisibles en application des dispositions ci-dessus reproduites des articles L. 562-1 et R. 562-5 du code de l'environnement ».

Le jugement du Tribunal administratif d’Amiens a donc été annulé.

(CAA Douai 11 février 2020, n° 18DA01379-18DA02244, ministre de la transition écologique et solidaire)

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Règlement opérationnel

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Le syndicat autonome du personnel navigant de la sécurité civile (SAPNSC) a demandé au Conseil d' État d’annuler « le décret n° 2018-952 du même jour relatif au régime juridique et indemnitaire applicable aux personnels navigants contractuels du groupement d'avions de la sécurité civile, ainsi que les deux arrêtés pris le même jour pour l'application de ces décrets ». Le syndicat reproche à ces textes d’instiller une discrimination de traitement entre les personnels naviguant du groupement d’avions de la sécurité civile et ceux naviguant d’hélicoptères de la sécurité civile sans que cette différence soit justifiée.

La Haute juridiction a constaté que « si les personnels navigants du groupement d'hélicoptères de la sécurité civile peuvent être appelés à participer aux opérations de lutte contre les feux de forêt, cette participation ne constitue qu'une de leurs missions de secours d'urgence et de protection et s'inscrit dans le cadre d'un soutien logistique, seuls les avions de la sécurité civile ayant principalement en charge l'extinction des incendies ». Pour les conseillers d’État, il existe donc bien une différence de situation qui justifie un traitement différencié.

Le pourvoi en cassation a été rejeté.

(CE 25 mars 2020, n° 429699, SAPNSC)

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Arrêté de péril imminent

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Le 21 octobre 2014, plusieurs tôles de la toiture d’un immeuble se sont détachées, nécessitant l'intervention en urgence des sapeurs-pompiers. A la suite d’un rapport d’expertise, le maire de la commune de Coudekerque-Branche a émis un arrêté de péril imminent « mettant en demeure [les deux propriétaires] de mettre fin, dans un délai d'un mois, au péril résultant de l'état dangereux de divers éléments de la toiture, de la charpente et de la façade de l'immeuble en faisant procéder aux travaux de démolition du mur longeant la route de Bourbourg, et prévoyant que, faute pour les intéressés d'avoir exécuté ces mesures dans le délai prescrit, il y serait procédé d'office par la commune, à leurs frais ». Ces mesures n'ayant pas été réalisées dans le délai imposé, la commune a décidé d'y procéder et, pour recourir aux sommes engagées, a pris trois titres d'exécution.

Un des propriétaires de l'immeuble a demandé l'annulation des trois titres d'exécution au Tribunal administratif de Lille. Débouté en première instance, le requérant a interjeté appel.

La juridiction administrative d'appel a indiqué qu'un acte non réglementaire, tel qu'un arrêté de péril imminent, devenu définitif ne peut plus être contesté par voie d'exception. Le requérant ne pouvait pas justifier de son impossibilité d'effectuer les travaux en raison des délais trop courts.

De même, elle a considéré que les montants réclamés par la commune n’étaient pas excessifs. En revanche, elle a annulé deux titres exécutoires dans la mesure qu'ils ne visaient qu'un des deux propriétaires indivis. Les titres exécutoires auraient être émis à l'encontre de tous les indivisaires.

(CAA Douai 9 mars 2020, n° 18DA01907, M. G. B…)

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Police administrative

Cumul des polices

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Un riverain a réclamé au juge des référés à titre principal l’annulation de l’arrêté municipal qui impose un couvre-feu entre 19 heures et 6 heures du matin dans la commune de Saint-Ouen-sur-Seine et à titre subsidiaire la suspension de l’exécution de cet arrêté.

La demande principale a été rejetée car il n’entre pas dans l’office du juge des référés d’annuler une décision administrative.

En revanche, la suspension a été accordée. Un police administrative spéciale a été instaurée en matière d’urgence sanitaire au profit de l’État. Le maire de la commune ne peut prendre des mesures plus restrictives qu’à la condition « qu'elles soient justifiées par l’existence de circonstances locales particulières », ce qui n’est pas démontré en l’espèce. Si la commune a observé des « entorses aux mesures de confinement et de distanciation sociale qui seraient favorisées par l’ouverture tardive de certains commerces », il est relevé que le préfet, par un arrêté, avait «  interdit l’ouverture notamment des débits de boisson après 21 heures sur l’ensemble du département de Seine-Saint-Denis afin de lutter contre les attroupements intempestifs de nature à favoriser la propagation de l’épidémie ». Le simple manquement aux règles de sécurité sanitaire ne constitue pas des circonstances locales particulières « de nature à justifier une restriction à la liberté de circulation particulièrement contraignante, puisque prenant effet à partir de 19 heures, et ce alors même qu’aucune autre commune de ce département n’a pris de telles disposition ».

(TA Montreuil 3 avril 2020, n° 2003861, M. Louis R.)

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La ligue des droits de l’Homme a demandé au juge des référés la suspension de l’exécution de l’arrêté municipal qui oblige les habitants de la commune de Sceaux ayant plus de dix ans « au port d’un dispositif de protection buccal et nasal dans l’espace public ».

Pour les mêmes raisons que l’ordonnance du 3 avril, l’arrêté attaqué a été suspendu. Pour le juge des référés, « la seule référence à des considérations générales, confirmées à travers les écritures en défense par la reproduction d’extraits d’études et d’avis émanant de scientifiques reconnus par la communauté médicale, mais dépourvus de tout retentissement local » ne sauraient justifier l’usage des pouvoirs de police générale du maire.

Là-encore le préfet du département avait pris un arrêté pour interdire « à tous les établissements de plein air d’accueillir du public, à l’exception des activités mentionnées en annexe ». Il n’était donc pas justifié l’instauration de mesures plus restrictives en dépit d’un constat de violations des règles du décret du 23 mars 2020.

(TA Cergy-Pontoise 9 avril 2020, n° 2003905, Ligue des droits de l’Homme)

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RESPONSABILITÉ

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Responsabilité administrative

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Faute

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La requérante a relevé appel du jugement du 6 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'indemnisation des conséquences dommageables de sa prise en charge le 23 février 2014 par le SDIS.

Les sapeurs-pompiers sont intervenus à la suite de la chute de l’intéressée dans la partie basse de l'escalier de son domicile situé à Meyzieu (Rhône). Lors de la chute, « une partie de l'auriculaire de [la main droite de la victime] a été arrachée par la bague qu'elle portait et qui s'est accrochée à la rambarde de l'escalier ». Les secouristes lui ont mis un champ stérile sur sa main blessée avant de la transporter aux urgences.

Pour les juges du fond, aucune « faute de nature à engager la responsabilité du service d'incendie et de secours en ne retrouvant pas la phalange manquante de l'auriculaire de sa main droite » ne peut être retenue.

La juridiction administrative d’appel a à nouveau rejeté la requête.

(CAA Lyon 2 avril 2020, n° 18LY01306, Mme B...)

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Référé-liberté

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Quatre associations ont demandé au juge des référés du Conseil d’État d’enjoindre à l’État de prendre les mesures pour les personnes en situation de précarité. La juridiction a répondu point par point et de conclure sans grande surprise à un rejet de la requête.

La distribution de masques de protection :

Les travailleurs sociaux ne bénéficient pas de la distribution gratuite des masques de protection mais peuvent s’en fournir soit par importation avec le soutien de l’État et des collectivités locales, soit directement auprès d’entreprises françaises.

Le dépistage systématique à l’ensemble des personnes en situation de précarité et les personnes qui leur viennent en secours :

Les autorités ont pris les mesures nécessaires afin d’augmenter le stock des tests. En attendant, la quantité limitée de ces produits obligent le gouvernement à prioriser.

L’hébergement des personnes en situation de précarité :

Plusieurs dispositions ont été prises afin que ces personnes ne se retrouvent pas à la rue : report jusqu’au 31 mai de la trêve hivernale et de la fermeture d’hébergements ouvertes pendant l’hiver, le recours aux hôtels et aux structures d’hébergement touristique ou encore de structures d’accueil provisoires (gymnases, salles polyvalentes, immeubles vacants). D’autres mesures sont en cours de négociation avec le secteur de l’hôtellerie et les centres de vacances pour augmenter les capacités d’hébergement.

L’enregistrement des demandes d’asile :

La réduction de l’activité des guichets uniques pour demandeurs d’asile (GUDA) ne peut être remplacée par une dématérialisation complète de l’enregistrement de ces demandes. A la place, les migrants peuvent bénéficier d’un hébergement et de chèques services. Ils ne peuvent faire l’objet d’une mesure d’éloignement dès lors qu’ils n’ont pu déposer leur demande d’asile. Les préfectures doivent recenser les migrants ayant effectué une pré-enregistrement de demande ou qui ont manifesté l’intention d’en faire une.

Le plan national d’aide à toutes les personnes démunies :

La Direction générale de la cohésion sociale a instauré « une cellule de crise destinée à piloter et coordonner les actions en faveur des personnes en situation de précarité pendant la durée de la crise sanitaire actuelle, que des instructions ont été adressées aux préfets pour aider à la poursuite de ces actions, notamment en termes de distribution de produits alimentaires et d’accès à l’eau, aux installations sanitaires et aux biens essentiels à l’hygiène ». Une plateforme numérique est, en outre, dédiée au milieu associatif afin que celles-ci puissent continuer leur activité bénévole.

La généralisation de la couverture maladie à toutes les personnes présentes en France :

La juridiction a relevé plusieurs possibilités : l’ouverture des droits à la protection maladie universelle (PUMA), les droits à la protection complémentaire en matière de santé, l’aide médicale d’État (AME).

Les autorisations de déplacement des personnes en situation de précarité :

Le gouvernement a demandé aux préfets « de faire preuve de discernement lors des contrôles des mesures de confinement, et particulièrement de ne procéder à aucune verbalisation des personnes sans domicile fixe ».

Les associations requérantes ont soumis également à la juridiction une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) sur les mesures de confinement qui ne tiennent pas compte de la situation de ces personnes.

La QPC n’a pas été transmise au Conseil constitutionnel car elle n’était pas nouvelle et ne présentait pas un caractère sérieux. Pour la Haute juridiction, le législateur n’était pas tenu de « prescrire des mesures spécifiques à certaines catégories de la population ».

(CE 9 avril 2020, n° 439895, association mouvement citoyen tous migrants et autres)

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