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Contributions communales au service d'incendie et de secours : quelles modalités de calcul ?

Nom de l'expert
MOREL SENATORE
Prénom de l'expert
Audrey
Fonction de l'expert
Docteur en droit public
Chapo du commentaire
TA, 18 février 2010, req. 1002276, inédit. Délais de recours non forclos.
Texte du commentaire

Par un jugement rendu le 18 février, dans une affaire opposant une commune à son SDIS, le tribunal administratif a confirmé la légalité de la délibération du conseil d’administration fixant le montant de sa contribution pour l’année 2010 ainsi que les titres exécutoires pris en application de celle-ci.

Le jugement aborde plusieurs questions. Quelles modalités de calcul le SDIS doit-il retenir ? La fermeture d'un centre de première intervention a-t-elle une incidence sur le calcul de la contribution de la commune concernée ? Quel niveau de formalisme le juge exige-t-il dans la motivation des titres exécutoire ?

Quelles modalités de calcul le SDIS doit-il retenir ?

Un régime souple, précisé au fil du temps par la jurisprudence

Avant d’examiner précisément la régularité des modalités de calcul de la contribution litigieuse adoptée par délibération du conseil d’administration du SDIS, le tribunal rappelle la base légale de cette compétence. Plusieurs fois modifié depuis la loi du 4 mai 1996, l’article L. 1424-35 du code général des collectivités territoriales pose le principe – pérennisé par la loi du 13 aout 2004 – des contributions, obligatoires, des communales et des établissements de coopération intercommunale compétents pour la gestion des services d’incendie et de secours. « Les modalités sont fixées par le conseil d’administration » du SDIS : s’il s’agit bien d’une obligation, les SDIS dispose d’une certaine marge de manœuvre quant aux bases de calculs (v. sur la liberté de prévoir un poste de dépenses imprévues et mettre à la charge des communes les contributions correspondantes, lesquelles revêtent un caractère obligatoire : CE, 5 juillet 2010, req. 306254, Perspectives 2010, n°2, p. 65). C’est ainsi que le juge vient façonner, au coup par coup, les lignes directrices des modalités de calculs de ces contributions.

Pour déterminer les modalités de calcul des contributions communales pour 2010, le SDIS s’est fondé sur le montant des contributions qu’il avait antérieurement adoptées en 2008 et 2009. Il décide que :

- à partir des contributions des communes et établissements publics de coopération intercommunale pour l’année 2009 et en considérant la population INSEE 2009, toutes les contributions dont la moyenne par habitant est supérieure à la moyenne générale dans le département augmente de 4% ;

- une fois ce calcul effectué, le solde constaté entre le résultat et montant global prévisionnel pour 2010 est réparti au prorata du nombre d’habitant par commune dans la limite de 1,20€ d’augmentation par habitant.

Il en ressort que la contribution de la commune requérante se trouve légèrement inférieure à la contribution moyenne par habitant dans l’ensemble du département. Elle demeure néanmoins plus élevée que la contribution de certaine commune, dont le potentiel fiscal est moindre que celui de la commune demanderesse.

En rejetant la demande d’annulation de la délibération du CASDIS relative aux modalités de calcul de sa contribution pour 2010, le juge valide la référence à la contribution moyenne générale du département, laquelle englobe les communes et les EPCI sans distinction de catégorie. Le juge effectue un contrôle minimum et constate que le SDIS prend en compte dans ses bases de calcul le potentiel fiscal de chaque commune. Il compare les différences de contribution d’une commune à l’autre sans y trouver de disproportion manifeste. Le principe d’égalité devant les charges publiques est donc bien respecté, puisque à situation équivalente, traitement équivalent, « alors même que la contribution (…) représente 6,1% des dépenses » du budget de ladite commune. (v. sur la conception stricte du potentiel fiscal des commune appartenant à une communauté de communes : CAA Nantes 10 nov. 2009, Cne de St-Douchard, Perspectives 2010, n°2, p. 65).

La fermeture d'un centre de première intervention a-t-elle une incidence sur le calcul de la contribution de la commune concernée ?

Une contribution unique, indépendante de la situation géographique des équipements du service d’incendie et de secours

La commune conteste dans sa requête l’absence de prise en compte, dans le calcul de sa contribution, de la fermeture du centre de secours situé sur son territoire.

Le juge constate que depuis 2001, date limite d’intégration dans le SDIS, une contribution unique pour chaque commune – qui recouvre les contributions obligatoires complémentaires – a été mise en place. Son évolution a toujours été indépendante de la présence ou non d’un centre de secours sur les territoires communaux et son but est d’atteindre progressivement la contribution moyenne départementale par habitant.

De ce constat, le juge tire la conséquence que le SDIS n’avait pas à tenir compte de la suppression du centre de première intervention dans le calcul de la contribution de la commune requérante. Si le tribunal justifie mal son raisonnement, on peut comprendre que l’objet de la contribution communale, la gestion du service d’incendie et de secours, soit moins important et donc moins onéreux en l’absence de centre de secours sur un territoire communal.

Quel niveau de formalisme le juge exige-t-il dans la motivation des titres exécutoire ?

L’exigence d’un formalisme substantiel

Pour dénoncer la régularité des titres exécutoires émis par le SDIS, la commune avance trois arguments. L’un est relatif au non-respect de l’article 4 loi du 12 avril 2000 relative aux droits et aux citoyens dans leurs relations avec l’administration, lequel impose le nom, prénom, qualité de la personne qui émets un titre de recette ; l’autre concerne la non-compétence du signataire des titres exécutoires.

S’agissant, du premier argument, au lieu de s’en tenir à un contrôle minimum-minimorum et à vérifier l’exactitude matérielle des faits (la copie des bordereaux des titres de recettes prouvent qu’ils étaient en bonne et due forme), le juge interprète l’esprit de la loi pour le rejeter.

L’article 4 de la loi précitée régit les relations entre l’administration et les citoyens, dans le but d’améliorer leurs accès aux règles de droit et la transparence administrative. C’est pourquoi l’article L du CGCT prévoit que « le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ».

Dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil d’Etat (v. CE 30 juil. 2010, req. 309578, Cne de Reparsac, req. 309579) le tribunal considère que le législateur n’a pas entendu régir les relations entre personnes morales de droit public, et qu’ainsi, cet article ne saurait s’appliquer en l’espèce.

S’agissant du second argument, la commune conteste la double délégation de signature, du président du CASDIS au directeur et du directeur au directeur-adjoint. L’autorisation expresse du directeur autorisant son adjoint à signer tout acte lié à la liquidation et au mandatement des recettes et des dépenses liées à l’établissement pour une période adéquate lui donne la qualité d’ordonnateur et balaie le moyen de la commune.

Enfin, la commune soutient l’irrégularité des titres exécutoires en ce qu’ils n’indiquaient pas les bases de liquidation de la dette et donc insuffisamment motivé (art. 81 du décret 62-1587 et v. CE 30 juil. 2010, req. 309578, Cne de Nercillac, Perspectives 2010, n°2, p. 66). Le tribunal considère ici que, bien que les délibérations idoines n’aient pas été jointes aux dits-titres, leurs notifications antérieures à la commune ainsi que leurs références apparentes sur les titres de recettes suffisent à mettre la commune « en mesure de discuter les bases de liquidation de sa contribution ». Ainsi les titres exécutoires émis par le SDIS ne sont pas entachés d’irrégularité.

Le délai de recours n’étant pas forclos, il convient de lire avec réserve le jugement qui suit.

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