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ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES DES PERSONNES ATTEINTES DE TROUBLES MENTAUX

Nom de l'expert
Capitaine Jean-Christophe DELBASSEE-LEFLON
Prénom de l'expert
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Fonction de l'expert
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Chapo du commentaire
La loi 2011-803 du 5 juillet 2011 a étendu et précisé le champ d’application des procédures d’admissions en soins psychiatriques des personnes atteintes de troubles mentaux. L’origine légale et réglementaire de l’Hospitalisation à la Demande d’un Tiers (HDT) et de l’Hospitalisation d’Office (HO) dont les sapeurs-pompiers ont connaissance s’en trouve, de fait, modifiée.
Texte du commentaire

Conformément à l’article L 1424-2 du Code Général des Collectivités Locales, « les SDIS concourent avec les autres services (…) aux secours d’urgence ». Transporteurs sanitaires agréés, les sapeurs-pompiers peuvent être amenés à secourir et à transporter des victimes sans leur consentement en cas de carence des autres transporteurs sanitaires agréés et sur décision de l’autorité de régulation médicale. Ces situations concernent des personnes atteintes de troubles mentaux, devenues incapables d’avoir une opinion rationnelle et réfléchie sur la nécessité d’être hospitalisées pour leur santé, voire pour leur survie. Elles peuvent également représenter un danger pour la sûreté des personnes ou porter atteinte, de façon grave, à l’ordre public.

Les articles L3211-1 à L3215-4 du Code de la Santé Publique précisent les modalités de soins des personnes atteintes de troubles psychiatriques. L’admission de ces personnes dans un établissement spécialisé peut être prononcée sous la contrainte assortie de mesures privatives de liberté. C’est la raison pour laquelle cette admission s’accompagne de garanties fondamentales rendues nécessaires par l’état pathologique du malade.

Au terme de l’article L 1312-1 du code de la santé publique, une personne ne peut sans son consentement ou, le cas échéant, sans celui de son représentant légal, faire l’objet de soins psychiatriques, hormis les cas :

o D’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers ou en cas de péril imminent,

o D’admission en soins psychiatriques sur décision du représentant de l’Etat,

o D’admission en soins psychiatriques des personnes détenues en cas de troubles mentaux.

Les dispositions législatives et réglementaires font désormais référence à la notion d’admission en soins psychiatriques de personnes atteintes de troubles mentaux. Dès lors, il est nécessaire de préciser ce qu’est-ce qu’une personne atteinte de troubles mentaux dont l’état nécessite son admission en soins psychiatriques. C’est une personne reconnue comme telle ou une personne qui malgré l’évidente nécessité de soins urgents refuse catégoriquement son transport vers une structure de soins adaptée. Dès lors, les procédures décrites ci-après s’appliquent in extenso.


1. ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES A LA DEMANDE D’UN TIERS OU EN CAS DE PERIL IMMINENT (articles L3212-1 à L3212-12 du code de la santé publique).

Dans ce cadre, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques dans un établissement spécialisé que lorsque 2 conditions cumulatives sont réunies :

- 1ère condition : ses troubles mentaux rendent impossible son consentement,

- 2nde condition : son état mental impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante ou régulière.

1.1 L’ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES A LA DEMANDE D’UN TIERS

Pour l’admission en soins psychiatriques à la demande d’un tiers, le directeur de l’établissement d’accueil doit s’assurer que la procédure remplisse certaines conditions de fond comme de forme.

Ainsi, il prononce la décision d’admission lorsqu’il a été saisi par une demande présentée par un membre de la famille du malade ou par une personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins.

La qualité de tiers ne peut être confiée qu’aux seuls membres de la famille du malade ou aux personnes justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins. Ne peuvent, en revanche, avoir qualité à agir les personnels soignants de l’établissement prenant en charge la personne malade.

L’intérêt pour agir conduira le tiers à formuler une demande manuscrite, datée, signée devant contenir (Article R 3212-1 du code de la santé publique):

- La formulation de la demande d’admission en soins psychiatriques,

- Le nom, prénom, date de naissance et domicile de la personne faisant l’objet de soins,

- Le nom, prénom, profession, âge et domicile de la personne ayant demandé les soins.

- Le cas échéant leur degré de parenté ou la nature des relations existant entre elles avant la demande de soins,

- Si la personne qui demande les soins ne sait pas ou ne peut pas écrire, la demande est reçue par le maire, le commissaire de police ou le directeur de l'établissement qui en donne acte.

La demande manuscrite devra être accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés datant de moins de 15 jours attestant que les troubles mentaux de la personne rendent impossible son consentement et que son état impose des soins immédiats. Le premier certificat médical est établi par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade.


1.2 L’ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES EN CAS DE PERIL IMMINENT

Exceptionnellement, lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demandeet qu’il existe un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical, le directeur de l’établissement peut également prononcer la décision d’admission d’une personne atteinte de troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et dont l’état mental impose des soins immédiats assortis d’une surveillance constante ou régulière.

Cette procédure légale pour laquelle la production par un tiers d’une demande d’admission en soins psychiatriques n’est pas requise présente une certaine complexité qui pourrait conduire les sapeurs-pompiers vers des contentieux judiciaires. En effet, les soldats du feu ne sauraient en aucun cas prendre de force une personne contre sa volonté. Ainsi, s’il doit être fait usage de la force, il semblera opportun pour le commandant des opérations de secours de faire appel soit aux forces de police ou de gendarmerie et /ou exprimera une demande de médicalisation afin que la coercition physique et /ou chimique soient confiées aux personnes compétentes en la matière. Aucune disposition réglementaire n’appelle les sapeurs-pompiers à agir en ce sens. Seule l’impérieuse nécessité de sécuriser le cadre réglementaire de nos missions peut nous conduire à adopter cette démarche.

1.3 L’ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES EN CAS D’URGENCE

En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, l’admission d’une personne malade en soins psychiatriques peut être prononcée à titre exceptionnel au vu de la demande du tiers et d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement d’accueil.

Une fois encore seules des circonstances exceptionnelles dictées par l’urgence peuvent conduire les sapeurs-pompiers à user de cette procédure. En effet, les sapeurs-pompiers peuvent être amenés à transporter une personne vers un établissement d’accueil au vu d’une seule demande, le certificat médical n’étant pas obligatoirement requis. Si pour les procédures précédemment énoncées, la nécessaire admission en soins psychiatriques se fait à l’appui d’un certificat médical circonstancié, il revient ici, au commandant des opérations de secours d’apprécier l’urgente nécessité d’hospitaliser une personne. Cette procédure ne peut être la conséquence que d’un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade pouvant avoir comme conséquences des séquelles irréversibles voire la mort.

Face à ces procédures complexes, se pose de manière récurrente la question des mineurs et de la conduite à tenir. Les procédures visées aux points 1.1 et 1.3 s’appliquent aux mineurs. Toutefois, la demande d’admission en soins psychiatriques est formulée par les personnes titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur.


2 ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES SUR DECISION DU REPRESENTANT DE L’ETAT (articles L3213-1 à L3213-11 du code de la santé publique).

L’admission en soins psychiatriques peut dans certaines circonstances être prononcée sur décision de l’autorité de police administrative.

Le représentant de l’Etat dans le département peut prononcer par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soin psychiatriques des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public.

Une initiative similaire est également confiée au maire. Ainsi, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical (la notoriété publique ne pouvant plus être prise en référence – Conseil Constitutionnel, QPC 6 octobre 2011) le maire arrête, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires de manière à faire cesser le trouble à l’ordre public.

Ces deux procédures qui visent des personnes dont les troubles mentaux peuvent porter atteinte à la sûreté des personnes ou à l’ordre public sont dictées une fois encore par des circonstances exceptionnelles. Elles n’incombent pas directement, a priori, aux services d’incendie et de secours. Il est légitime d’attribuer la primeur de ces missions aux forces de police ; le concours des sapeurs-pompiers n’étant pas motivé. Toutefois, par la régulation médicale (CRRA 15) voire par la voie de la réquisition (forces de l’ordre ou représentant de l’Etat), les sapeurs-pompiers sont amenés à concourir à ces missions.

3 ADMISSION EN SOINS PSYCHIATRIQUES DES PERSONNES DETENUES ATTEINTES DE TROUBLES MENTAUX (articles L3214-1 à L3214-5 du code de la santé publique).

Les nouvelles dispositions législatives et réglementaires ont élargi les procédures d’admissions en soins psychiatriques aux personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Lorsqu’une personne détenue nécessite des soins immédiats assortis d’une surveillance constante en milieu hospitalier en raison de troubles mentaux rendant impossible son consentement et constituant un danger pour elle-même ou pour autrui, le représentant de l’Etat dans le département prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié, son admission dans un établissement de soins psychiatriques sous forme d’une hospitalisation complète au sein d’une unité hospitalière spécialement aménagée.

Une fois de plus, cette procédure n’incombe pas aux services d’incendie et de secours. Elle relève des forces de police ou pénitentiaires; le concours des sapeurs-pompiers n’étant pas directement motivé. Toutefois, par la régulation (CRRA 15) ou plus certainement par la voie de la réquisition (forces de l’ordre, représentant de l’administration pénitentiaire, représentant de l’Etat), les sapeurs-pompiers peuvent être amenés à concourir à cette mission. Or, cette procédure ne peut être confondue avec le secours à personne en milieu carcéral dicté par l’urgence.

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Ces différentes procédures rappellent la complexité des missions auxquelles sont parfois confrontés les services d’incendies et de secours. L’usage de la force n’étant pas de la compétence des sapeurs-pompiers, l’utilisation des méthodes de coercition physiques sont du seul ressort des forces de police ou de gendarmerie.

Véritable technicien du secours, le sapeur-pompier doit s’assurer, face à ces situations, du respect de garanties fondamentales de la personne faisant l’objet d’une admission en soins psychiatriques. D’ordinaire confronté aux missions dictées par l’urgence, le commandant des opérations de secours se trouve devoir être un acteur majeur, respectueux des garanties fondamentales de la personne et des libertés individuelles sous peine d’éventuelles poursuites pénales.

Pour aller plus loin :

1. Code Général des Collectivités Locales (Article L 1424-2),

2. Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,

3. Décret 2011-847 du 18 juillet 2011 relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge,

4. Référentiel commun relatif à l’organisation du secours à personnes et de l’aide médicale urgente du 25 juin 2008.

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